Actualités - OPINION
Le point L’espoir Christian Merville
Par MERVILLE Christian, le 22 janvier 2009 à 00h00
Le fait marquant des quarante-huit dernières heures de délire optimiste que vient de vivre la planète, il est dans l’image de ce vieillard de 86 ans qui s’interroge, faussement perplexe, après avoir vécu la journée du 20 janvier : « D’où est sorti cet homme ? » Cet homme, dit-il comme en réponse à sa question, « qui lève la voix pour parler de valeurs, de responsabilité personnelle et collective, de respect pour le travail et aussi pour la mémoire de ceux qui nous ont précédés dans la vie ». Bien sûr que José Saramago, prix Nobel de littérature 1998 et communiste de la dernière heure, feint l’étonnement pour mieux exprimer son admiration à la fois pour son héros et pour le pays qu’il dirige désormais. Difficile en effet de concevoir l’émergence d’une figure comme celle du nouveau maître du monde ailleurs qu’aux États-Unis, laboratoire grand comme un continent, où naissent tous les jours des millions d’idées dont certaines ont changé, changent ou changeront notre monde de demain. Et par intervalle des Barack Obama.
L’histoire américaine a retenu deux discours mémorables : celui d’Abraham Lincoln, prononcé le 19 novembre 1863, au lendemain d’une guerre civile de quatre ans – le célèbre « Gettysburg Address » – ; celui de John Fitzgerald Kennedy, prononcé il y a quarante-huit ans jour pour jour. Des esprits chagrins pourraient se remémorer ces deux événements majeurs et se désoler que l’allocution de mardi ait manqué de chaleur. Elle n’en a pas moins marqué, ainsi que l’a voulu son auteur, le début d’une ère nouvelle quand tout autour de nous vacille et menace d’être englouti dans un maelström sans précédent. Par-delà le vibrato de la voix, il y avait les mots, tant attendus après des années de doute et de peur. Ce sont ces deux sentiments que le 44e président américain a voulu dissiper, afin d’effacer la longue période de vaches maigres, marquée par une débâcle économique, deux guerres désastreuses restées inachevées, un réchauffement planétaire superbement ignoré par George W. Bush, et un Proche-Orient qui continue à jouer à la roulette russe en espérant que, non, cette fois, la balle n’est pas engagée dans le canon.
L’ancien locataire de la Maison-Blanche avait fait la promesse, au jour I de son entrée en fonction, de pratiquer l’humilité dans l’exercice du pouvoir. Ses concitoyens, et avec eux le monde entier, ont eu droit à une politique stupidement arrogante et au refus obstiné de reconnaître les innombrables erreurs commises. Dès lors, il est permis de se demander si, en quatre ans, son successeur pourra faire oublier des désastres encore présents dans les mémoires et dans le même temps entamer la remontée du fond de l’abîme. Vaste programme s’il en est, pour lequel la brillante équipe dont il a su s’entourer ne sera pas de trop. Ce qui permet de nourrir quelque espoir, c’est que l’on a affaire cette fois, il l’a maintes fois prouvé, à un homme qui sait s’abstenir de tirer plus vite que son ombre sur tout ce qui bouge et qui réfléchit, convaincu qu’en ce qui concerne son autorité, « the buck stops here », pour reprendre la formule imagée de Harry Truman. Et qu’il n’est pas toujours vrai que ce qui est bon pour l’Amérique est bon pour le reste du monde. Cette évidence, mise en veilleuse durant le double mandat bushien, nul n’est censé la comprendre mieux que ce fils d’un Kényan de l’ethnie Luo et d’une mère originaire du Kansas, né à Honolulu, élevé en Indonésie, ayant pratiqué le social, connaissant donc, pour l’avoir côtoyée en apprenti guérisseur, la misère des banlieues.
« Un moment historique » : combien de fois l’avons-nous entendu, ce jugement porté sur l’occasion inaugurale. Et de fait il l’était, point tellement pour une affaire de couleur de peau – un détail d’importance, certes, mais sur lequel on s’est trop attardé, au risque de ne plus voir la forêt. Plutôt en raison de l’écart – il est énorme – entre le partant et l’arrivant. Entre une vision du monde par trop manichéenne (il y a les bons et puis les méchants), et une analyse dans laquelle le diable n’est pas dans les détails. Après l’ère de toutes les déceptions, voici que se lève l’aube d’une espérance nouvelle, à peine embuée par la brume légère, oh bien légère, d’une appréhension compréhensible après tant de déconvenues. Dans les engagements pris mardi, mesurés dans le fond mais combien fermes dans le ton de la voix, l’éclair dans les yeux, on sentait une certaine retenue. Comme une manière de demander à ses concitoyens de juger l’arbre par les fruits dont il sera porteur.
Saramago encore : « Un autre monde est possible (…). Peut-être est-ce l’occasion de nous mettre d’accord sur la façon. » Peut-être ?
Le fait marquant des quarante-huit dernières heures de délire optimiste que vient de vivre la planète, il est dans l’image de ce vieillard de 86 ans qui s’interroge, faussement perplexe, après avoir vécu la journée du 20 janvier : « D’où est sorti cet homme ? » Cet homme, dit-il comme en réponse à sa question, « qui lève la voix pour parler de valeurs, de responsabilité personnelle et collective, de respect pour le travail et aussi pour la mémoire de ceux qui nous ont précédés dans la vie ». Bien sûr que José Saramago, prix Nobel de littérature 1998 et communiste de la dernière heure, feint l’étonnement pour mieux exprimer son admiration à la fois pour son héros et pour le pays qu’il dirige désormais. Difficile en effet de concevoir l’émergence d’une figure comme celle du nouveau maître du...
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