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Liesse populaire Pèlerinage religieux et accueil enthousiaste pour Aoun à Homs HOMS, de Scarlett HADDAD

De la pure folie. Telle est l’expression qui vient à l’esprit pour qualifier la troisième journée de la visite de Michel Aoun en Syrie. Désireux de visiter les lieux historiques chrétiens, notamment le couvent de Saydnaya et sa chapelle dédiée à la Vierge Marie, le village de Maaloula et l’église des Saints-Sarkis-et-Bakhos, qui date du IVe siècle, et, enfin, le couvent de Sainte-Takla, il se retrouve au milieu d’une marée populaire venue l’acclamer, en plus des dignitaires religieux de la région. C’est à Homs, dont 55 % de la population est chrétienne, que la foule semble littéralement prise de folie, avançant avec une telle frénésie que le cordon sécuritaire établi par les gardes du corps du chef du CPL, lorsqu’il fait le chemin à pied de l’église Notre-Dame de la Paix à celle de la Ceinture (en référence à un bout de la ceinture de la Vierge Marie conservé dans ce lieu), est brisé à plusieurs reprises, la foule voulant à tout prix voir et toucher l’hôte venu du Liban. L’enthousiasme de la foule est si grand qu’il en devient effrayant. Des enfants sont poussés sans ménagement, des écharpes traînent par terre, piétinées sans vergogne par la foule pressée, des coups de coude et d’épaule sont distribués dans tous les sens, tout est bon pour pouvoir avancer de quelques centimètres et se rapprocher de la tête de la délégation. Laquelle délégation a les cheveux semés de graines de riz et d’autres féculents jetés des balcons où les caméras crépitent sans arrêt pour tenter de capter ce moment qualifié d’historique par les habitants de Homs. Ce vendredi commence tôt pour Michel Aoun et la délégation qui l’accompagne. Première destination : le couvent de Saydnaya qui date de 1 500 ans. À 9 heures, ils arrivent sur les lieux où les attendent des jeunes élèves, des familles entières et de simples curieux décidés à voir à tout prix « cet homme qui parle aujourd’hui en notre nom », selon les termes de Tatiana, une habitante du village. Certains sont postés sur place depuis six heures du matin. D’autres sont venus plus tard, mais tous expriment une grande émotion en parlant du chef du CPL. « Vous savez, confie Hanna, lorsque les chrétiens du Liban sont bien avec la Syrie, nous sommes plus à l’aise. Si vous pouviez savoir comme vous êtes important pour nous. » La tradition des premiers chrétiens Entourant la mère supérieure, les religieuses s’activent comme des abeilles. En tenue traditionnelle, elles sont 35 et tiennent ce couvent depuis des années, soucieuses de poursuivre leur message dans la région. La mère supérieure réserve un accueil étonnant au général Aoun, lui prenant sans cesse la main pour la presser et le qualifier de « grand chrétien, qui comme Marie porte la souffrance des autres ». Dans la vieille église tout en pierres soigneusement polies, elle lui rend un vibrant hommage en disant : « Bienheureux les faiseurs de paix car ils tissent des liens d’amitié entre les peuples. Que ce couvent éclaire vos vies de la lumière de l’amour… » La voix rendue rauque par l’émotion, Michel Aoun prend à son tour la parole et déclare que c’est la foi qui permet de surmonter les obstacles. La mère supérieure explique que, dans ce couvent, « toute la tradition des premiers chrétiens est conservée ». C’est ainsi que la Vierge Marie est toujours vêtue de bleu avec une écharpe rouge sur les épaules, en symbole de la souffrance du Christ. Dans ce couvent, le député du Kesrouan visite une petite chapelle dédiée à la Vierge où est exposée une icône dessinée par Lucas lui-même. Dans cet espace sombre où seules les bougies éclairent les visages et dessinent des ombres pieuses sur les murs, les religieuses chantent des psaumes en guise de prière dédiée à la bonne santé des visiteurs et surtout pour que Dieu continue d’habiter leurs âmes et leurs esprits. Le moment est magique, presque irréel… Deuxième étape, Maaloula, le village où tout le monde apprend et parle araméen, la langue du Christ. L’église des Saints-Sarkis-et-Bakhos a été construite au IVe siècle et l’architecture est encore largement inspirée de l’art païen qui se traduit par un autel tout en courbes. Les piliers de l’église sont soutenus par des planches en bois de cèdre du Liban, considéré comme excellent contre les séismes. Ici, même les icônes sont différentes : on peut par exemple voir saint Jean-Baptiste, assis une jambe sur l’autre, dans une position de relâchement, comme s’il était soulagé d’avoir baptisé le Christ. Une autre icône montre la Cène, mais avec des nuances inattendues : la table est en forme de demi-lune et le Christ est au bout pour servir ses disciples. Dans ces lieux étranges à l’atmosphère si particulière, on a l’impression de revenir aux premiers temps de la chrétienté. D’ailleurs, Michel Aoun demande au prêtre de réciter le Notre Père en araméen et aux présents de répéter les phrases prononcées par le prélat. Le chef du CPL inscrira plus tard dans le livre d’or de l’église son « émotion » et sa « joie profonde d’avoir récité la prière dans la langue du Christ »… Collation à l’ancienne Troisième étape, le couvent de Sainte-Takla, qui a fui par la montagne la persécution de sa propre famille. Celle-ci se serait d’ailleurs ouverte pour lui laisser un passage étroit, lui sauvant ainsi la vie. La délégation prend à son tour ce chemin entre des pans gigantesques de rochers qui menacent à tout moment de se resserrer et de bloquer le passage. Tout le miracle de la foi est dans ces quelques mètres qui ressemblent au cours d’un ruisseau desséché ou à large fissure dans un relief aride et dur, peu propice à la poésie. Et pourtant… Là aussi la mère supérieure réserve un accueil chaleureux au général Aoun, voulant tout lui faire visiter et lui expliquant que Takla a dompté les lions et tous les animaux sauvages envoyés pour la dévorer. Avec les religieuses, elle prépare une collation à l’ancienne avec les fameuses « katayef », des fruits et des douceurs qui rappellent ces temps jadis où la cuisine était encore artisanale. Ces escales religieuses terminées, Michel Aoun et la délégation qui l’accompagne se rendent à Homs où le mohafez Mohammad Iyad Ghazal les attend. On dirait que tous les habitants du mohafazat sont dans la rue pour accueillir le chef du CPL. Après une petite pause dans le bâtiment officiel, ce dernier se rend à pied vers l’église Notre-Dame de la Paix, où l’attendent des dignitaires religieux de toutes les communautés chrétiennes et musulmanes. Tous ont la même émotion pour parler de l’importance que revêt à leurs yeux cette visite qui permet aux chrétiens de Syrie de se sentir plus en phase avec leurs coreligionnaires et avec leur environnement. Le père Nadim Tamer raconte qu’il y a 400 000 grecs-orthodoxes dans ce département, qui, tout en étant bien intégrés dans leur pays, ont sans cesse les yeux tournés vers le Liban. « Nous sommes heureux aujourd’hui. Nous avons le sentiment qu’une nouvelle page s’ouvre pour nos deux pays », dit-il avec enthousiasme. Les « barazek » de Nabil Nicolas Michel Aoun se rend ensuite à l’église Notre-Dame de la Ceinture, où un bout de tissu de la ceinture de la Vierge Marie est conservé comme une relique sainte. Là aussi, curés et religieuses réservent un accueil ému au chef du CPL et assurent qu’il exprime leurs pensées et qu’ils le considèrent désormais comme leur porte-parole. « Lorsque les chrétiens du Liban sont en conflit avec la Syrie, nous nous sentons comme coupés de notre famille. Maintenant, nous ne nous sentons plus isolés et considérés comme de mauvais chrétiens par nos frères libanais. Vous ne pouvez pas imaginer quel changement important cela représente pour nous », déclare le père Eid. Le mohafez donne ensuite un déjeuner de plus de 500 convives en l’honneur du général Aoun au restaurant Bayt el-Agha. Le député parvient à faire entendre sa voix, en dépit des défaillances du micro qui lui est donné. « Je viens annoncer, dit-il, que le nuage noir qui planait sur les relations entre nos deux pays s’est dissipé. Une nouvelle page s’ouvre et je viens chez vous au nom du Liban aimant et amical. Celui qui est plein de rancœur ne représente qu’une minorité qui finira par se repentir et par revenir sur le droit chemin. » À Homs, tout le monde est convaincu qu’avec cette visite les relations libano-syriennes ont franchi un nouveau pas. Pour eux, la page est tournée, et ils estiment que Michel Aoun a jeté les bases d’une relation solide faite pour durer… Alors que le député Nabil Nicolas s’étonne qu’après trois jours en Syrie, il n’a pas encore mangé de « barazek », la délégation reprend la route, en direction d’Alep, où elle doit passer deux jours consacrés à des rencontres et des visites religieuses et officielles. Dimanche, une grande messe en plein air est prévue, sur les lieux dédiés à saint Maron. On murmure que le président syrien et son épouse pourraient y assister… Mais avant de quitter Homs, une question s’impose : pourquoi les habitants de ce département font-ils l’objet de tant de plaisanteries ? Ils répondent en souriant : « C’est une vieille histoire. Elle remonte à l’époque de Tamerlan. Celui-ci a envahi toutes les villes de la région et les a brûlées. Pour éviter que Homs subisse le même sort, les habitants ont décidé de se faire passer pour des idiots, totalement hors du coup, n’opposant aucune résistance et refusant de répondre aux provocations de l’envahisseur. Ils ont ainsi épargné leur ville… » Les réputations ne seraient-elles donc pas toujours fondées ?
De la pure folie. Telle est l’expression qui vient à l’esprit pour qualifier la troisième journée de la visite de Michel Aoun en Syrie. Désireux de visiter les lieux historiques chrétiens, notamment le couvent de Saydnaya et sa chapelle dédiée à la Vierge Marie, le village de Maaloula et l’église des Saints-Sarkis-et-Bakhos, qui date du IVe siècle, et, enfin, le couvent de...