Rechercher
Rechercher

Actualités

Pour sa seconde journée à Damas, Aoun s’adresse aux étudiants en leader arabe et prie à la mosquée des Omeyyades DAMAS, de Scarlett HADDAD

Imprévisible, le général Michel Aoun montre au cours de sa seconde journée à Damas une nouvelle facette de sa personnalité. Aux étudiants de l’université, il s’adresse en leader arabe et devant les ulémas de la mosquée, il tient un discours spirituel sur l’universalité des religions. Dans cette visite à étapes multiples, les moments forts se succèdent, différents dans les personnes et les lieux, mais marqués par le même élan d’enthousiasme et d’émotion. Hier, le général Michel Aoun s’est adressé aux étudiants et aux intellectuels de l’université de Damas en se positionnant en leader national arabe, suscitant à plusieurs reprises des applaudissements nourris, sans parler des hommages de jeunes émus, au point qu’une étudiante n’a pas pu formuler sa question tant elle était perturbée. Mais l’image la plus forte reste celle des larmes du général lorsqu’une étudiante lui dit : « Nous ne parlons pas de confessionnalisme en Syrie. Mais je voudrais vous dire qu’en tant que chrétienne, je suis fière de vous. Vous avez dit que vous venez en Syrie la tête haute et je peux vous assurer que les chrétiens de Syrie ont aussi la tête haute en vous voyant. » « Quand on a la chance de vivre des moments pareils, on ne se soucie plus des petites considérations politiciennes, commente le député Nabil Nicolas. Quelqu’un peut-il réellement croire que tous ces gens sont obligés par le régime à se comporter de la sorte ? Comment croire qu’une femme qui m’arrête dans la rue pour me dire “Dieu vous protège, je vous ai vu à la télé” le fait parce que les moukhabarats lui ont enjoint de le faire ?... » Tout au long de ce voyage, Libanais et Syriens vont de découverte en découverte. Aucune des deux parties n’imaginait que la situation évoluerait ainsi. Ainsi, aucun des membres de la délégation ne pensait que la conversation avec le président Bachar el-Assad serait aussi simple et aisée. Abbas Hachem n’en revient pas de l’humour du président syrien au cours du déjeuner de mercredi. Assad est resté deux heures, et si son assistante n’était pas venue lui dire que le programme du général Aoun était encore chargé, il aurait encore prolongé la séance. C’est d’ailleurs au cours de ce déjeuner qu’il a raconté à ses interlocuteurs avoir dit au président français Nicolas Sarkozy : « Même si on nous donne le choix entre le Liban devenu un paradis et l’enfer, nous préférons aller en enfer », dans une allusion au refus total des Syriens de revenir militairement au Liban. Aucun des membres de la délégation ne pensait aussi que les Syriens rencontrés seraient aussi soucieux de les honorer et de leur faire plaisir. Déjeuners et dîners se succèdent toujours dans les endroits les plus symboliques de la capitale et avec des hôtes attentionnés. De leur côté, les Syriens, des responsables officiels aux agents de sécurité en passant par les journalistes et les fonctionnaires de l’hôtel, n’en finissent plus de s’extasier devant le franc-parler du général Aoun, de la solidité de ses convictions et de la clarté de ses positions. Ils n’en finissent plus aussi de s’étonner devant ses relations avec les médias, ses réponses aux questions les plus dérangeantes et son souci de ne faire aucun ostracisme, traitant tous les journalistes présents de la même manière… « Il a créé un phénomène, s’écrie avec enthousiasme un étudiant, à la faculté de génie de Damas. Jamais quelqu’un ne nous a parlé de cette façon, avec cette transparence et cette clarté. Vous avez de la chance de l’avoir… » Venus de toutes les universités de Damas, les étudiants se sont entassés sur les gradins pour écouter le chef du CPL qui avait préparé un discours écrit avant de répondre à leurs questions. Aoun commence par dire qu’il faut dissocier le passé de l’avenir, non pas pour oublier le premier, mais pour en tirer les leçons nécessaires dans un esprit constructif et la volonté de changer. Il rappelle que c’est ce qu’a fait le CPL avec le Hezbollah. Tous les sujets ont été discutés avec franchise et en profondeur, et les deux parties sont arrivées à une entente qui, selon lui, a rassuré la population et contribué à la victoire de la Résistance en 2006. « Ce climat d’entente, dit-il, a renforcé l’unité du Liban face aux projets de l’étranger et consolidé l’attachement à un État souverain et indépendant. Les Libanais ont compris que le Hezbollah ne voulait pas instaurer un État islamique au Liban. » Selon Aoun, Israël ne s’est pas encore remis de sa défaite au Liban. Il affirme qu’entre les Israéliens et les Libanais, il y a une différence énorme dans l’évaluation des rapports de force. « Ils croient dans la technique et la supériorité matérielle qu’ils utilisent pour violer les droits. Nous croyons dans l’homme et dans sa volonté de défendre ses droits. Nous avons la force du droit, et eux le droit de la force. » Critique contre l’ONU S’exprimant en leader arabe, Aoun explique pourquoi Israël ne peut plus gagner de guerre contre le Liban. Selon lui, toutes les manœuvres du monde ne pourront plus lui rendre sa confiance en lui. « Le peuple israélien a perdu le moral », dit-il, longuement ovationné par la foule suspendue à ses lèvres. Le chef du CPL évoque même deux faits significatifs selon lui : la publication d’une lettre de Sigmund Freud, datant de 1950, dans laquelle il critique la création d’un État sioniste et ses mythes, ainsi que celle d’un livre intitulé Purification ethnique en Palestine. Selon lui, cette double publication est en quelque sorte un appel adressé par certains sages en Israël à un changement de stratégie. Si cet appel s’amplifie et se concrétise, il devrait aboutir à un double retour : celui des réfugiés et celui de la terre arabe encore occupée à ses propriétaires. Sans ces deux principes, il ne peut y avoir de paix, dit-il. Il ajoute que le persécuté est devenu aujourd’hui persécuteur et si Israël ne change pas sa stratégie, il va vers le suicide. Aoun critique aussi l’ONU qui est incapable de condamner Israël en raison du droit de veto, déplorant que l’organisation onusienne envoie ses forces sur les champs pétrolifères, mais ne prend pas la peine de déployer des Casques bleus pour protéger les Palestiniens. Il répète à cet égard que si l’ONU ne fait rien, la situation se retournera complètement. « C’est la fatalité de l’histoire », lance-t-il dans un tonnerre d’applaudissements. Et le général Aoun de souligner par ailleurs que le terme d’« hostilité vis-à-vis de la Syrie est le résultat d’un manque de culture ». Déplorant qu’« après le retrait syrien, le suivisme à l’égard de la Syrie a cédé la place à un suivisme à l’égard d’une autre partie », le général Aoun a exprimé des réserves au sujet de l’accord de Taëf en raison du déséquilibre entre les trois pôles du pouvoir et des failles au niveau des institutions de l’État. Dans le débat qui a suivi avec les étudiants, Aoun évite de trop entrer dans les détails de la politique libanaise, estimant que ce n’est pas la tribune propice pour cela. Pourtant, les étudiants syriens montrent qu’ils suivent avec un incroyable intérêt tout ce qui se passe au Liban. Ils ne cachent pas une certaine amertume à l’égard de certaines personnalités du 14 Mars et sont unanimes à saluer le courage du général Aoun et ce qu’ils appellent son authenticité. Pour la première fois, ils brisent ouvertement le tabou qui consiste à parler en Syrie des questions confessionnelles et certains ne craignent pas d’affricher leur religion ou leur confession. Ils insistent ainsi sur le fait que le général est « un zaïm chrétien qui appuie la résistance islamique », et les applaudissements éclatent de nouveau dans la salle. Mais ils sont plus nourris lorsque Michel Aoun évoque sa conférence de presse de la veille et la question sur les excuses que devrait présenter le président Assad aux Libanais, et il rappelle que contrairement à ce qui a été rapporté dans une certaine presse, il a dit que « s’il faut absolument des excuses, ce sont certains Libanais qui devraient commencer par les présenter au peuple libanais ». Il rappelle qu’en évoquant la situation et la mission des chrétiens d’Orient, ainsi que le fait qu’ils sont une partie intégrante du monde arabe, il travaille sur le long terme et son objectif dépasse le sort des chrétiens du Liban. Il ajoute que c’est comme s’il plantait un cèdre aujourd’hui et qu’il n’est pas sûr de le voir grandir. Mais ses enfants et ses petits-enfants, eux, devraient le voir. « L’essentiel, dit-il, est de commencer. Le processus de maturité des peuples doit prendre son temps. » Il insiste sur l’évolution des sociétés dans le monde, la fin de l’unilatéralisme et la tendance vers le pluralisme et le droit à la différence qui ne signifie pas, selon lui, le droit au conflit. Pris par son enthousiasme, un étudiant l’appelle le général Michel Sleiman et Aoun éclate de rire en disant « pas de problème ». La salle applaudit, mais l’étudiant se trompe encore et Aoun déclare : « D’accord, je vais répondre à sa place. » Les rires fusent encore plus nombreux que les applaudissements et en levant la séance, le présentateur répète : « Je remercie encore le général Michel Aoun, ce zaïm national et cet homme libre. » Avec Bouthayna Chaabane La conseillère du président, Mme Bouthayna Chaabane, emmène ensuite Aoun et la délégation qui l’accompagne à déjeuner au restaurant Kiwan Palace. Au cours du déjeuner, elle commente chacune de ses phrases pendant l’allocution à l’université et montre qu’elle suit ses activités avec une précision qui impressionne les présents. Dans l’après-midi, Aoun et la délégation se sont rendus à la mosquée des Omeyyades. Ils ont commencé par une promenade au souk el-Hamidiyé et la foule l’a acclamé avec frénésie. Ses gardes du corps étaient d’ailleurs inquiets de cette promiscuité inattendue. Mais les gens voulaient le prendre en photo avec leurs téléphones, prendre des autographes ou simplement le saluer. Il a fait une escale chez le marchand de glaces le plus célèbre de Damas qui l’a accueilli en héros. Des jeunes se précipitent pour le saluer, affirmant qu’ils attendent dans le quartier depuis deux heures. En mangeant sa glace, Aoun lance une boutade à ses compagnons : « Je m’étais rendu aux États-Unis pour témoigner contre la Syrie et j’ai été traîné en justice. Aujourd’hui, je témoigne en Syrie contre les États-Unis, où vais-je me retrouver ? »… La marche vers la mosquée reprend. Il y est accueilli par le mufti et par le ministre des Waqfs. Aoun s’incline devant la tête de saint Jean-Baptiste entourée d’un mausolée dans la grande salle de la mosquée et il rappelle que « les religions chrétienne et musulmane ont beaucoup de points communs et en définitive, elles prient toutes les deux Dieu qui est le début et la fin ». À l’ombre des derniers rayons du soleil couchant, survolé par les pigeons gris de la place, et revêtu de l’abaya réservée aux hôtes de marque, Aoun admire les façades richement travaillées et qui ont survécu aux incendies et aux guerres. C’est le moment que choisit le muezzin pour commencer la prière du crépuscule. Les ombres s’allongent et le moment semble traversé par un souffle d’éternité. Mais, pour détendre l’atmosphère devenue soudain solennelle, Aoun lance aux journalistes femmes revêtues d’une longue abaya à capuche : « Vous voyez, vous n’êtes pas les seules à vous transformer en hajjé… ». Cet instant résume à lui seul cette visite qui oscille constamment entre l’émotion et la raison, la solennité et la légèreté… Aoun achève sa soirée par de nombreuses réunions dans la suite as-Salam avec des hommes d’affaires et différents responsables syriens. Aujourd’hui, il se rend à Alep, où il poursuivra son pèlerinage, cette fois sur les traces de saint Maron.
Imprévisible, le général Michel Aoun montre au cours de sa seconde journée à Damas une nouvelle facette de sa personnalité. Aux étudiants de l’université, il s’adresse en leader arabe et devant les ulémas de la mosquée, il tient un discours spirituel sur l’universalité des religions.
Dans cette visite à étapes multiples, les moments forts se succèdent, différents dans les...