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Rencontre Ibrahim Najjar : Quelles que soient mes convictions, je suis un ouvrier de l’intérêt général Scarlett Haddad

Personnalité reconnue dans le monde juridique, le ministre de la Justice Ibrahim Najjar n’est pas non plus un nouveau venu dans la politique. Autorité en matière juridique au Liban et dans le monde, auteur de nombreux ouvrages de droit, inventeur de nouveaux concepts juridiques, notamment en matière de droit successoral et d’arbitrage, Ibrahim Najjar est désormais le ministre de la Justice choisi par les Forces libanaises au sein du gouvernement d’union nationale. Sa nomination a sans doute surpris beaucoup de monde sauf lui, puisqu’il avait été sollicité il y a près d’un an. Il n’y voit d’ailleurs ni une promotion ni une régression, mais bien une continuation de son engagement en faveur de son pays. Cet avocat de renom, professeur de droit à l’USJ, n’est en effet pas un nouveau venu dans le monde de la politique. S’il affirme aujourd’hui avec une grande fermeté qu’il n’a pas (et ne veut pas) un avenir politique, il continue de se battre pour ses idées et pour son rêve « d’un Liban libanais ». Proche de Bachir Gemayel, il avait occupé plusieurs postes de responsabilité au sein du parti Kataëb, avant de se retirer lorsque les combats ont éclaté entre ce parti et les Forces libanaises, d’une part, et le général Michel Aoun, d’autre part. À ce moment-là, Ibrahim Najjar a compris que cet épisode était désastreux pour les deux camps et qu’une page de l’histoire du Liban se tournait. Le 13 octobre 1990, il a vu que le Liban entrait dans une phase de domination syrienne directe. Il a alors décidé de se consacrer au droit et il est entré en profession juridique comme on entre dans les ordres. Il est très vite devenu une autorité en la matière, rédigeant même plusieurs chapitres de la prestigieuse encyclopédie Dalloz. Mais en même temps, il a appris à connaître Sethrida Geagea, étant l’avocat de sa famille. Pendant les onze années de captivité de Samir Geagea, il est resté proche d’elle. « Elle était fière et résistante, dit-il, et farouchement attachée à son mari. » Il restait donc dans le même milieu sans faire directement de la politique... jusqu’à l’assassinat de Rafic Hariri qui a été pour lui un traumatisme identique à celui de l’assassinat de Bachir Gemayel. Il est descendu dans la rue le 14 mars, ému de voir les dizaines de milliers de chrétiens et de musulmans, unis dans une même passion pour la liberté. Ce jour-là, il a eu de nouveau le sentiment que le Liban était un rêve possible. Il a toutefois attendu que le Dr Geagea fasse appel à lui pour un portefeuille ministériel, il y a près d’un an. « Je me suis senti en confiance avec ces personnes, confie-t-il, tout en leur précisant que je ne prenais pas le menu, et que je préférais travailler à la carte. » Najjar ne considère pas que le fait d’avoir été choisi par les FL est un poids. Au contraire, il y a désormais une force, l’alliance du 14 Mars, qui le soutient. Il ajoute que les FL ne lui ont posé aucune condition. Elles lui font confiance et elles lui donnent la possibilité d’être lui-même. « Je me comporte comme le ministre de tous », affirme-t-il. Ainsi, lorsqu’il a annoncé à Geagea qu’il comptait réclamer l’abolition de la peine de mort, ce dernier lui a apporté son soutien. Il a simplement émis le souhait de le voir œuvrer pour l’amélioration des prisons, « où les conditions de détention sont voisines de l’immoralité, en raison de la promiscuité sale ». La dignité et l’indépendance Najjar affirme aussi que Geagea ne lui a pas demandé de changer quoique ce soit à sa propre situation judiciaire, ajoutant que le ministre n’a d’ailleurs aucune prérogative dans ce domaine. Le ministre s’offusque lorsqu’on lui demande s’il compte par exemple montrer le projet de permutations judiciaires au chef des FL, avant de le soumettre au Conseil des ministres. Il annonce par contre avec une certaine fierté qu’il a réussi à faire passer son projet pour le Conseil constitutionnel à la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice. Il voulait, dit-il, que ce tribunal soit constitué « dans la dignité et l’indépendance ». Le ministre déclare qu’aujourd’hui tous les courants politiques le sollicitent et il leur rend service dans la limite de la loi. Il s’est fixé pour objectif de tenter, dans les brefs délais qui lui sont octroyés (le gouvernement devrait démissionner après les élections législatives), de redonner confiance aux citoyens dans leur justice. Lorsqu’on lui fait remarquer qu’au début, tous les ministres de la Justice disent la même chose, il répond qu’il a un plan précis qui prévoit de réhabiliter l’Inspection judiciaire, d’aider les magistrats à achever le train de permutations judiciaires (qu’en tant que ministre, il se contente de signer), à moderniser les appareils de justice et à admettre de nouveaux magistrats. À la question de savoir pourquoi il serait plus efficace que ses prédécesseurs, Najjar répond : « Parce que j’ai la volonté inébranlable d’agir dans l’intérêt général. » Il a déjà jeté, comme il le dit, un pavé dans la mare, en proposant de réduire la durée des vacances judiciaires. Les quatre généraux Najjar estime que son devoir est aussi de protéger les magistrats des critiques inexactes et il déplore le laisser-aller de certains médias qui lancent trop facilement des accusations. Il s’empresse ensuite de préciser que la République a été à l’abandon pendant trois ans. « Maintenant, nous nous reprenons progressivement... » Il ajoute qu’il sera toujours sur « cette ligne tangente à la lisière de ce qui fait le consensus et la bonne gouvernance ». Quelles que soient ses convictions, il se considère comme « un ouvrier de l’intérêt général ». Concernant le cas des quatre généraux emprisonnés, Najjar estime qu’il n’a pas le droit d’avoir accès au dossier. « Les gens confondent ministre et juge d’instruction. Les quatre généraux sont en garde à vue sur décision du juge d’instruction. Il doit avoir ses raisons pour la décider. » Il affirme ne pas savoir que la commission d’enquête n’a rien retenu contre eux, ajoutant que c’est la justice libanaise qui prend la décision, selon le principe de compétence territoriale. Najjar précise n’avoir jamais entendu dire qu’il fallait garder les généraux en prison jusqu’après les élections, précisant que le tribunal international devrait voir le jour avant mars prochain. Au sujet des détenus libanais en Syrie, Najjar affirme que le dossier peut encore prospérer. Il a eu des réunions très fructueuses avec le président Sleiman à ce sujet. Mais il ne veut pas donner de faux espoirs aux proches des détenus. Selon lui, les listes reçues mentionnent des dizaines de noms que leurs proches ne réclamaient même pas. Mais il s’agit de personnes arrêtées après 2000, alors que le véritable problème se pose pour les disparus d’avant. Pourrait-il se rendre en Syrie pour ce dossier ? « Je préférerais inviter mon homologue syrien au Liban. Mais s’il le faut j’irai. » Serait-ce le début d’une réconciliation entre Geagea et la Syrie ? « Je pourrais aller en Syrie pour les besoins de mon ministère. Mais je n’ai pas d’a priori. Je suis pragmatique... »
Personnalité reconnue dans le monde juridique, le ministre de la Justice Ibrahim Najjar n’est pas non plus un nouveau venu dans la politique.
Autorité en matière juridique au Liban et dans le monde, auteur de nombreux ouvrages de droit, inventeur de nouveaux concepts juridiques, notamment en matière de droit successoral et d’arbitrage, Ibrahim Najjar est désormais le ministre de la...