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I.- Leçons à tirer du conflit russo-géorgien : Une comparaison Russie-Syrie faussée par le droit international Fady FADEL

Jusqu’au 21 août 2008, les répercussions du conflit russo-géorgien sur le Moyen-Orient étaient limitées au fait marquant du retour de la Russie comme partenaire imposant sur la scène des relations internationales. Juristes, politologues et économistes n’ont en aucun moment douté du refus par la Russie de l’idée d’entrer dans une nouvelle guerre froide avec l’Occident. Ni ses intérêts économico-financiers ni sa stratégie d’expansion pétrolière ne le lui permettraient ce «privilège ». Que s’est-il passé alors après le 21 août 2008 ? La visite du président syrien Bachar el- Assad en Russie à cette date et les interviews accordées aux quotidiens russes (Kommersant et Gazetta : http://www.sana.sy/fra/190/2008/08/21/189390.htm) constituent un tournant dans les relations libano-syriennes, en dépit des déclarations d’amitié et d’établissement d’ambassades dans les deux États. A) Pour un dialogue « interétatique », sinon ingérence Le président syrien déclare dans son interview au journal russe Kommersant, le 21 août 2008 que « l’Occident nous accuse d’ingérence dans les affaires intérieures du Liban, mais comme nous sommes un État important dans la région, nous ne ferons rien qu’établir des relations transparentes et un dialogue public avec toutes les forces politiques, et le dialogue à notre avis n’est pas une ingérence ». Et d’ajouter : « Cela ressemble à ce que fait actuellement la Russie vis-à-vis de la Géorgie. Elle a sa position et ses intérêts, mais cela n’est point une ingérence.» Selon le droit des relations internationales, il n’est pas du ressort d’un État étranger d’avoir des rapports officiels ou publics avec « les forces politiques » dans un autre État. Ces rapports internationaux sont confinés aux relations interétatiques, et plus précisément entre les pouvoirs exécutifs dans chacune des entités en question, et ce au nom de la souveraineté nationale en droit des relations internationales (Charte de l’ONU, article 2§1, Philippe Blachèr, droit des relations internationales, Litec, page31). D’ailleurs, l’on voit une contradiction entre le fait d’échanger des ambassades entre le Liban et la Syrie, afin de donner un caractère officiel aux rapports entre les deux États, et la déclaration faite par le président syrien d’établir des rapports avec « les forces politiques ». Est-ce une bavure ? Un malentendu ? Ou bien un message ? On imagine mal le président syrien en train de nouer des rapports et un dialogue avec l’opposition turque par exemple, ou bien avec l’opposition de son allié stratégique l’Iran, à moins qu’il soit sollicité par l’État concerné ou par le Conseil de Sécurité ou par la communauté internationale de jouer le rôle de médiateur entre les « forces politiques » sur une scène nationale. Or, en droit international, où l’on parle de l’égalité souveraine entre États, au nom de quoi le président syrien établit-il des rapports avec les forces politiques dans un État et se limitant aux rapports officiels interétatiques avec d’autres États ? Bien évidemment, la réponse ne se trouve pas du côté du droit international, mais plutôt dans l’opportunisme comportemental étatique, qui est tantôt licite et tantôt, voire souvent, illicite. B) Acte russe illicite et comparaison faussée « Cela ressemble à ce que fait actuellement la Russie vis-à-vis de la Géorgie. » Ce que nous avons apprécié au début de cette interview – et avons espéré l’apprécier par la suite –, c’est la reconnaissance par le président syrien que « la Syrie n’est pas un grand pays, le contraire de la Russie ». À cela il convient d’ajouter, à nos yeux, que la Syrie n’est pas une grande puissance, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Or, en optant finalement pour la comparaison avec la Russie dans les rapports de la Syrie avec le Liban, le président Assad omet les subtilités juridiques dans le droit des relations internationales et fait abstraction de la spécificité du conflit russo-géorgien : - Afin de justifier l’action militaire en Géorgie, le président Medvedev, chef suprême des armées russes, a évoqué la protection des citoyens russes en Ossétie du Sud faisant objet d’une agression militaire par l’armée géorgienne. Les citoyens ossètes, possédant également le passeport russe, relèvent, aux yeux du Kremlin, de la compétence personnelle de l’État russe. Par conséquent, et aux termes de la Constitution russe, le président a le devoir de protéger des citoyens russes en danger, là où ils se trouvent. En droit international, et en vertu du droit coutumier, le lien de nationalité autorise l’État à « suivre » ses ressortissants dans des circonstances où le titre territorial serait inefficace et à exercer par conséquent la compétence personnelle : ou bien l’individu est situé hors du territoire où s’exerce l’emprise de son État d’origine, ou bien l’individu n’est plus qu’objet d’un différend pris en main par l’État d’origine au titre de la protection diplomatique. « L’État peut agir parce que le droit international l’autorise à réglementer les activités de ses ressortissants en quelque endroit qu’ils se trouvent et à protéger leurs intérêts compromis par les agissements d’autres sujets du droit » (Nguyen Quoc Dinh, Droit international public, 5e édition). Or, dans le cadre légal respectant les principes du droit international, les ressortissants nationaux dans un État étranger sont soumis à la souveraineté territoriale, plénière et exclusive, de l’État hôte. « La compétence personnelle de l’État d’origine ne peut s’exercer que dans les limites imposées par la compétence territoriale de l’État hôte » (ibid). Dans le respect de cette compétence territoriale, et à défaut de pouvoir contraindre le souverain territorial à lui prêter main forte ou à répondre favorablement à ses allégations, l’État d’origine peut se fonder sur la compétence personnelle pour « protester » auprès du l’État hôte contre les comportements « critiques » ou « inamicaux » de celui-ci. En quoi consiste cette protestation ? Et peut-elle aller jusqu’à l’intervention militaire  Fady FADEL o.a.m. Professeur de droit international Prochain article : Entre Etats, des rapports au niveau des institutions Article paru le mercredi 15 octobre 2008
Jusqu’au 21 août 2008, les répercussions du conflit russo-géorgien sur le Moyen-Orient étaient limitées au fait marquant du retour de la Russie comme partenaire imposant sur la scène des relations internationales.
Juristes, politologues et économistes n’ont en aucun moment douté du refus par la Russie de l’idée d’entrer dans une nouvelle guerre froide avec l’Occident. Ni ses...