Comme chaque année, nous commémorons la disparition du plus grand des martyrs de la résistance libanaise, l’homme des 10 452 kilomètres carrés, l’homme qui a voulu d’un Liban uni, multiconfessionnel, l’homme qui a fait trembler par ses idées l’intérieur d’un Liban convoité par ses voisins. Bachir a bien mis en garde le monde extérieur, surtout occidental : « Si vous sacrifiez les chrétiens du Liban, vous serez les prochaines cibles du terrorisme islamique. » Est-il besoin de rappeler, pour confirmer ces propos, que le plus grand choc a été constitué par les attentats du 11-Septembre et jusqu’aux attentats un peu partout dans le monde (Argentine, France, Espagne, Londres) ?… Malheureusement, cela s’applique aujourd’hui à ce Proche-Orient compliqué, comme le qualifiait le général de Gaulle : le monde arabe ne tremble-t-il pas devant le terrorisme islamique qu’il a lui-même créé ? Bachir a été le premier à dénoncer la présence des Pasdarans dans la Békaa libanaise (1980) avec l’arrivée de Khomeyni en Iran, des islamistes salafistes à Tripoli et leur financement par l’OLP et certains pays arabes. Et surtout le jeu syrien qui a profité de toutes ces contradictions pour s’incruster dans le pays, le manipuler et nous prendre en otages, face à un monde occidental (faussement) impuissant. Jusqu’à ce jour et depuis les croisades – qui, soi-disant, devaient sauver les chrétiens d’Orient –, ces différentes crises n’ont fait qu’augmenter notre effritement. Dans la région, de l’Irak au Liban, en passant par la Syrie, la Palestine, la Jordanie, l’Égypte, on est toujours sacrifié sur l’autel des intérêts des uns et des autres. Bachir l’avait bien compris et nous le disait : l’Occident est gangrené, tout est géré par l’argent et les dirigeants, on oublie le mot « courage ». Cela me rappelle le fameux discours d’un autre visionnaire, Alexandre Soljenitsyne, qui disait, un 8 juin 1978 à Harvard : « Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest, aujourd’hui, aux yeux d’un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et, particulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement et, bien sûr, aux Nations unies… » Bachir, chaque année on fête le rêve que tu nous as fait vivre, en espérant qu’un jour quelqu’un pourra le changer en réalité. Aucun désespoir n’est permis car, au fond de moi, je suis sûr que des personnes se préparent à reprendre le flambeau qui ne s’est jamais éteint, ce flambeau que beaucoup d’autres essayent de s’approprier, depuis ta mort, en vain... Article paru le samedi 13 septembre 2008