Bien que son mandat soit de courte durée, le nouveau gouvernement ne peut ignorer certains impératifs économiques ayant trait au niveau de vie et au bien-être du citoyen. Ce qui soulève deux questions concernant la circulation automobile dans le pays.
Premièrement, réalisons-nous à quel point l’état du réseau routier affecte le développement économique ? Les études sur la question sont nombreuses. Nous en citerons deux qui servent bien notre propos.
– Une étude de l’Insee (l’Institut français des statistiques) datant de 1967 estimait que les stationnements en double file pour cause de livraisons dans la rue du Temple à Paris coûtaient 0,1 % au PIB (produit intérieur brut) de la ville.
– Une étude entreprise en 1975 par l’État du Texas concluait que le PIB de la ville de Dallas avait bondi de 15 % en un an suite à la modernisation de son réseau urbain, comparé à une croissance de 4 % du PIB de Houston, ville de dimension économique similaire, dont le réseau urbain était resté en l’état.
Voyons maintenant un cas local que nous avons tous connu : avec quel soulagement avons-nous accueilli l’achèvement du pont de Dora, du moins ceux d’entre nous qui empruntons tous les jours l’autoroute du nord ! Cette construction contribue à moins éprouver nos nerfs, à moins esquinter nos voitures et à leur faire consommer moins d’essence. Mais son principal avantage est qu’il nous fait économiser du temps. Time is money ! dit le dicton, et rien n’est plus vrai. Pendant les travaux qui ont duré plus d’un an, le goulot d’étranglement de Dora occasionnait une perte sèche à l’économie du pays. Essayons ensemble d’en faire une estimation grossière, en termes de PIB.
Rappelons-nous d’abord que le PIB est généré par le nombre d’heures de travail de la population active. Ceci implique que toute minute de travail participe au PIB et qu’en conséquence, toute minute perdue représente un manque à gagner en termes de PIB.
Ainsi, quand on perdait pas moins de 3 précieuses minutes (deux en allant vers Beyrouth et une dans l’autre sens) dans le goulot de Dora, le PIB était affecté. Ainsi, en supposant que 5 % de la population active emprunte le pont de Dora, les 3 minutes perdues, qui représentent 0,6 % des 8 heures de travail réglementaires, réduisent le PIB de 3 pour dix mille (0,05 x 0,006 = 0,0003), soit 7,5 millions de dollars pour un PIB de l’ordre de 25 milliards.
Il s’agit d’une estimation grossière qui peut tout aussi bien valoir le double ou la moitié des 7,5 millions. Il reste que cet ordre de grandeur est énorme, quand on pense aux centaines, voire aux milliers de goulots d’étranglement qui jalonnent nos routes.
Nos gouvernants sont donc invités à réaliser la gravité de l’impact de l’état du réseau routier sur notre PIB et donc sur le niveau de vie du citoyen. Ils peuvent commencer par bien entretenir le réseau existant : asphaltage, délimitation, etc. Ils peuvent ensuite éviter les goulots d’étranglement inutiles en conservant, autant que possible, le même nombre de voies sur une artère donnée. Ils peuvent également accélérer l’exécution des chantiers publics en cours, comme le pont d’Antélias, les travaux à l’intérieur d’Achrafieh ou ceux du côté du Musée. Ils peuvent aussi redémarrer les grands travaux qui avaient été conçus par le CDR dans les années 1990, dont le financement extérieur était presque assuré et qui avaient connu un début d’exécution à l’époque : je pense à la modernisation de l’autoroute du nord (à l’instar de celle du sud, plus chanceuse), à l’autoroute A2 (parallèle à l’autoroute du nord), au projet de développement du littoral nord (Linor), et j’en passe. Nos gouvernants peuvent enfin penser à réactiver le projet d’aménagement du territoire et le projet GIS (Geographical Information System), deux grandes entreprises qui permettent de planifier et de mapper tout ce qui se construit au-dessus et en dessous du sol libanais.
Deuxièmement, réalisons-nous à quel point la réglementation de la circulation et la manière dont elle est appliquée, affectent le développement économique ?
Toujours dans l’optique d’économiser le temps de déplacement, il faut mettre tout en œuvre pour rendre la circulation plus fluide dans les villes et sur les routes. Les voitures en stationnement interdit ou gênant, les stationnements en double file, de même que les sabots qui avaient été installés à l’origine pour empêcher le stationnement illicite, ou bien les charrettes des marchands ambulants au bord de la route, ou encore certaines bennes à ordure distribuées chaotiquement, constituent autant de goulots d’étranglement à l’instar de celui qui sévissait à Dora, bien qu’à une échelle moindre. Une des entrées nord de Beyrouth, qui va de l’EDL à la montée Accaoui, est pratiquement bloquée tous les matins à cause de ce genre d’obstacles.
Pour régler ce problème, deux genres de mesures sont nécessaires : 1- sanctionner systématiquement les contrevenants ; 2- organiser de manière régulière des campagnes d’information et d’éducation civique à la télévision.
Autre problème : les embouteillages aux principaux carrefours ou à l’approche des grandes surfaces genre Citymall ou ABC-Achrafieh. Le règlement de ce problème est plus complexe : assurer une meilleure formation des agents de la circulation, revoir le sens des rues, créer des by-pass, réétudier l’accès aux parkings des grandes surfaces en coopération avec leurs responsables, etc.
Une mention spéciale également pour les transports en commun de toutes sortes et de toutes tailles, source d’embouteillages et de pollution. S’ils sont un mal nécessaire, il faut leur imposer une réglementation stricte : itinéraires bien déterminés, points d’arrêt fixes, interdiction de charger ou de décharger des passagers hors des points d’arrêt, qualité du carburant, etc.
Une autre mention spéciale pour les poids lourds de tous calibres, dont certains conducteurs prennent nos routes pour des circuits de course, semant terreur et vacarme. Il faut leur imposer de ne rouler qu’à droite, ne pas doubler, ne pas dépasser une vitesse limite, et sévir très sévèrement contre les contrevenants.
Mais pour faire appliquer ces mesures et ces réglementations, il faut beaucoup d’agents, bien formés, intègres et bien payés (donc en principe non enclins à la corruption). L’argent qui sera utilisé pour les recruter, les former et les payer nous sera rendu au centuple. D’ailleurs, il me semble que l’Union européenne (la commission et non la BEI) pourrait être approchée pour financer un tel projet par une aide non remboursable.
* Ancien secrétaire général du CDR.
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Bien que son mandat soit de courte durée, le nouveau gouvernement ne peut ignorer certains impératifs économiques ayant trait au niveau de vie et au bien-être du citoyen. Ce qui soulève deux questions concernant la circulation automobile dans le pays.
Premièrement, réalisons-nous à quel point l’état du réseau routier affecte le développement économique ? Les études sur la question sont nombreuses. Nous en citerons deux qui servent bien notre propos.
– Une étude de l’Insee (l’Institut français des statistiques) datant de 1967 estimait que les stationnements en double file pour cause de livraisons dans la rue du Temple à Paris coûtaient 0,1 % au PIB (produit intérieur brut) de la ville.
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