Parfois, il suffit d’une seule phrase pour décrire l’ambiance et le succès d’une soirée. Dans le cas du duo/duel au sommet réunissant Chucho Valdés et Michel Legrand, disons qu’à l’heure d’aller sous presse, il y avait sans doute encore des spectateurs debout en train d’applaudir. Est-il besoin alors de préciser que ce grand moment musical, présenté dans le cadre du Festival de Byblos, s’inscrit sûrement dans les annales sous le tag « concert inoubliable » ?
Un brin « tachycardiaque », tentant sans grand succès de mettre un « point mort » à l’impatience qui gagne inexorablement du terrain, on prend place sur les gradins. Ces derniers sont nichés sur le vieux port de Jbeil, dos à la mer, face à la citadelle. Une légère brise réduit salutairement le taux d’humidité…
Un verre désinhibateur, et voilà le public prêt à accueillir Jésus (Chucho) Valdés et son quintette. L’homme est une véritable légende. C’est Chucho le pianiste, compositeur, arrangeur, le plus renommé de Cuba (mais aussi dans toute la stratosphère des notes bleues). C’est Chucho qui a révolutionné la musique cubaine contemporaine et le latin jazz. C’est Chucho aussi et surtout celui que Jazz Magazine, référence ultime du genre, considère comme « le pianiste le plus complet du monde ».
C’est Chucho, chuchote-t-on, le chef de l’orchestre le plus expérimental de l’histoire du jazz cubain depuis la révolution. Aussi connu pour ses solos à couper le souffle que pour sa fusion musicale unique (les arpèges de la main droite et les solos de la main gauche). Depuis plus de trente ans, seul ou en grande formation, live ou en studio, la musique de Chucho Valdés fait le bonheur des aficionados du monde entier. Bref, on est face à un musicien très complet, disposant d’un sérieux bagage et qui survole la musique du monde. Un personnage impressionnant en taille (il fait 2 mètres) et en force. Le piano ploie sous la charge.
Et quand les doigts (énormes) de Chucho se mettent à caresser le piano, préparez-vous à passer un momento grande de la musica cubana.
Entouré d’un quartet avec lequel il tourne depuis trois ans (un contrebassiste, un percussionniste et un batteur), M. Jesus Valdés présente un répertoire résolument afro-cubain. Il entame le concert avec Satin Doll, enchaîne avec In a Sentimental Mood et finit le medley avec Caravan. Sur un titre, Besame Mucho, Marya Valdés les accompagne généreusement au chant. Le reste de la prestation propose principalement des compositions du pianiste. Fortement teintée de rythmes et de sons afro-cubains, sa musique allie une grande force mélodique à une exécution intense, magnifiquement servie par une technique irréprochable.
Après ce set extraordinaire, Michel Legrand rejoint Chucho et ses musiciens cubains.
Legrand a fait swinguer les bandes-son des films de Demy, Varda ou Lelouch, mais il a été aussi pianiste pour Coltrane et Miles Davis.
L’homme (orchestre) a plus d’une corde à son clavier, d’une carrière à son actif, tour à tour jazzman, musicien de films, compositeur de standards, chanteur, réalisateur, chef d’orchestre, auteur, et on en passe : en solo, en duo, en trio ou en big band, à Paris, Broadway, Cannes ou Hollywood, avec Stéphane Grappelli, Barbra Streisand, Kiri Te Kanawa ou Jean Guidoni, « Big Mike » est bien là, le feu au bout des doigts, l’œil espiègle, la voix légère et le bon mot à portée de main, prêt à refaire un jam comme au premier jour, à s’envoler en musique dans un scat débridé qui n’appartient qu’à lui. Et ça fait plus de 40 ans que ça dure. « Je suis heureux d’être ici ce soir. Le plus vieux port au monde, dit-il en faisant allusion à Jbeil. La vie commence ici, la paix commence ici. »
Les pianos face à face, les deux maestros rivalisent de prises de risques musicaux et se livrent entièrement. Leurs virtuosités incomparables sont au service de l’écoute mutuelle et de la beauté du discours musical. Avec un profond respect mutuel, ils improvisent sur leurs compositions, standards universellement connus, usant avec parcimonie d’humour toujours spontané. You must believe in spring (Thème musical du film Les demoiselles de Rochefort) ou encore I will wait fo you (Les parapluies de Cherbourg), sans oublier Windmills of your mind (The Thomas Crown affair)
Voir ces deux grands s’amuser comme deux gamins, s’échanger des accords ou se dicter des phrases à tour de rôle est un véritable bonheur. Jamais les deux pianistes ne se marchent sur les pieds, ils se laissent parler, se complètent, se défient d’un regard espiègle…
Ce spectacle purement exceptionnel s’est joué dans le monde, tout au plus 5 fois (La Havane en 2004, Paris, Marseille, Madrid en 2005, France en 2006). Et Byblos 2008. Admiration. Respect. Merci.
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Un brin « tachycardiaque », tentant sans grand succès de mettre un « point mort » à l’impatience qui gagne inexorablement du terrain, on prend place sur les gradins. Ces derniers sont nichés sur le vieux port de Jbeil, dos à la mer, face à la citadelle. Une légère brise réduit salutairement le taux d’humidité…
Un verre...