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Après les critiques de Fadlallah portant sur l’appel à l’évangélisation de Benoît XVI Une lecture politisée d’une déclaration théologique Propos recueillis par Fady NOUN

L’ayatollah Mohammad Hussein Fadlallah, l’une des références mondiales du chiisme, vient de critiquer un récent appel du pape Benoît XVI à l’évangélisation, qu’il a mis en rapport avec une campagne médiatique contre l’islam et même avec certaines campagnes militaires menées dans des pays musulmans (L’Orient-Le Jour du lundi 2 juin). Il était naturel que cette critique publique provoque une réaction, dont celle de l’un des meilleurs connaisseurs de l’Orient arabe, aussi bien musulman que chrétien, le P. Samir Khalil s.j., directeur du Centre de documentation et de recherche arabe chrétienne à l’Université Saint-Joseph. « Qu’il me soit permis de regretter ici une information imparfaite et une lecture politisée d’un discours théologique sur la mission de l’Église, affirme en préambule le sociétaire jésuite. « Effectivement, le pape rappelle souvent que c’est une obligation pour l’Église d’annoncer l’Évangile, d’en offrir le message au monde entier, y compris dans des pays musulmans. Cette inclusion des pays musulmans a apparemment choqué l’imam Fadlallah. Mais si le pape insiste pour inclure les pays musulmans, c’est précisément parce que dans ces pays, le droit d’annoncer l’Évangile est nié et que dans plusieurs de ces pays, ceux qui annoncent l’Évangile comme ceux qui l’accueillent encourent des peines graves. » Les croisades « L’appel du pape a même été mis en rapport avec les croisades, un bond en arrière d’à peu près un millénaire, reprend le P. Samir Khalil. Il faut savoir toutefois que les croisades n’ont jamais été un projet d’évangélisation des musulmans, ni en principe ni dans les faits. Elles étaient un projet d’autodéfense, selon la mentalité médiévale. « L’imam Fadlallah ajoute que le pape reproche à l’islam d’être “en contradiction avec la raison et d’être une apologie de la violence”. Or une telle chose n’a jamais été exprimée, ni même pensée par Benoît XVI. Le pape a simplement affirmé qu’il y a un danger réel, dans l’islam contemporain, de refuser la rationalité et la liberté qui en découle. « Le pape n’a pas d’avantage cédé au mythe du “retour” des juifs en terre d’Israël, comme on le lui reproche. Qu’il soit clairement affirmé que le terme de “retour” n’a jamais été utilisé par Benoît XVI, pas plus que par son prédécesseur. Sachant par ailleurs que le Vatican a été l’un des derniers États au monde à reconnaître Israël, et qu’il ne l’a fait qu’une fois reconnu, par Yasser Arafat, “le droit d’Israël à vivre en sécurité à l’intérieur de frontières reconnues”, ce que Abou Ammar a fait à Tunis le 9 septembre 1993. Le grand rabbin de Rome, Elio Toaff, a même longtemps reproché à Jean-Paul II de ne pas avoir explicitement reconnu l’État d’Israël. » La « liberté d’expression » « Cela dit, le commentaire de l’imam Fadlallah sur le droit à l’évangélisation et à la “daawa” musulmane “comme découlant de la liberté d’expression” semble d’un grand intérêt. Il est indispensable que ce droit soit affirmé par tous les responsables chrétiens et musulmans, et qu’une campagne commune soit organisée pour mettre en pratique ce droit dans la Constitution comme dans la pratique judiciaire. « Par ailleurs, les remarques de l’imam sur les conditions d’application de la liberté d’expression me paraissent tout à fait bienvenues. Le devoir d’annonce, effectivement, doit se faire à partir d’un discours religieux, moral et culturel, sans exploiter le moins du monde les besoins économiques ou autres des gens. Cet appel me remet en mémoire une douzaine de traités d’auteurs médiévaux définissant les critères d’une acceptation désintéressée d’une religion. En termes plus simples, musulmans et chrétiens doivent rejeter tout acte de prosélytisme comportant une quelconque forme de contrainte. « Quant à l’appel conclusif de l’imam, elle me paraît remarquable. Nous souffrons en effet, comme il le dit, d’un “analphabétisme religieux”. Au Proche-Orient plus qu’ailleurs, nous souffrons de la violence, de l’arriération et de la violation des droits de l’homme. La question est de savoir s’il s’agit là de campagnes menées contre l’islam ou s’il ne s’agit pas plutôt d’une réalité très particulière mise en évidence et parfois, c’est vrai, montée en épingle par les médias. « Si les médias critiquent le monde musulman pour ces motifs, c’est peut-être qu’il y a une raison. Il faut craindre que ce complexe, diffus dans notre monde musulman, de nous voir toujours comme des victimes, ne nous empêche de voir et d’affronter nos problèmes réels, de faire face à nos démons. »
L’ayatollah Mohammad Hussein Fadlallah, l’une des références mondiales du chiisme, vient de critiquer un récent appel du pape Benoît XVI à l’évangélisation, qu’il a mis en rapport avec une campagne médiatique contre l’islam et même avec certaines campagnes militaires menées dans des pays musulmans (L’Orient-Le Jour du lundi 2 juin).
Il était naturel que cette critique...