Pour les prosyriens, l’heure est à la gâchette plutôt qu’à la détente

Plus royaliste que le roi, l’opposition a exploité à fond le débrayage de la CGTL, qui a elle-même annulé la manifestation qu’elle devait organiser. Les prosyriens, Hezbollah en tête, ont fait bouger la rue, mis à feu la voie de l’aéroport tout en l’ensablant, le Ring et le centre-ville. Soi-disant pour faire chuter le gouvernement. Mais en réalité pour accentuer la pression sur les loyalistes, les pousser à accepter un package deal politique préliminaire. L’offensive sur le terrain s’est doublée d’une intensification des attaques verbales au vitriol. Visant en premier Joumblatt et Hamadé, à cause de leurs révélations sur les petits secrets sécuritaires ou de télécommunications du Hezbollah. Ainsi que de leur dénonciation de l’État dans l’État qu’il s’est taillé. Et qu’il tente d’étendre, pour ne pas rester confiné au Sud, dans la banlieue de Beyrouth et dans la Békaa. À preuve que, selon un député chiite, le parti est maintenant bien présent au Akkar, ailleurs au Nord, au Chouf même et au Mont-Liban. En s’appuyant sur Aoun. Dont les proches assurent, en écho au Hezb, qu’il faut un nouveau Taëf. Dépêché en mission confidentielle de contacts par Kouchner, un diplomate français a donc entendu les opposants libanais réclamer une révision du pacte national. Fondée sur les trois parts et non plus sur les deux. Les opposants n’épargnent pas Hariri et Geagea, accusés de faire le jeu hostile de Washington. Pour annihiler l’initiative de dialogue de Berry. À la veille du débat en Conseil de sécurité de l’ONU sur le rapport Roed-Larsen relatif au suivi d’application de la 1559. Document qui confirme le réquisitoire américain visant le Hezbollah, qualifié de milice refusant de désarmer, au mépris des injonctions de ladite résolution. Rajoutant son écot à cette thèse, le gouvernement libanais a fourni à l’ONU des documents audiovisuels sur les caméras de surveillance du Hezbollah aux alentours de l’AIB ainsi que sur son réseau illégal de télécommunications, ou encore sur son interception du cadre français de l’Internationale socialiste, Karim Pakzad. Sans oublier de signaler, détails à l’appui, les incidents sanglants dirigés en banlieue contre les FSI ou l’armée. Les loyalistes qualifient autant l’initiative de Berry que les mouvements de rue de gesticulations visant à bloquer, ou à beaucoup retarder la présidentielle. Ainsi qu’à rajouter au package deal une condition gravissime : changer toute la donne, tout le système, abolir Taëf. Pour livrer pratiquement le Liban, pieds et poings liés, au Hezbollah, à l’Iran et à la Syrie. Qui fait mine, avec le concours de Berry et des opposants, de n’être en rien responsable de la crise libanaise. Les majoritaires répètent inlassablement que si les prosyriens veulent contrer Washington, qu’ils accusent de blocage, ils n’ont qu’à permettre la présidentielle. Passant aux détails, les loyalistes soulignent que le prétendu feu vert de Berry à la reprise des travaux des commissions parlementaires n’est que poudre aux yeux. Puisque ces réunions ne serviraient strictement à rien en l’absence des ministres concernés, qu’il faut nécessairement interroger ou consulter sur les dossiers à traiter. Or le même Berry refuse au gouvernement l’accès de la place de l’Étoile. Philippe ABI-AKL