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Actualités - OPINION

Le Point L’autre guerre perdue Christian MERVILLE

C’est une nouvelle qui, en d’autres circonstances, aurait prêté à sourire : pour neutraliser de vieilles munitions, les artificiers de l’OTAN ont déclenché une explosion contrôlée, causant des dégâts à l’un des deux bouddhas de Bamiyan, célèbres vestiges déjà gravement endommagés il y a sept ans par les talibans. En son temps, cet acte de vandalisme avait soulevé une émotion considérable dans le monde. Et voilà comment, avec les meilleures intentions, on peut commettre des maladresses lourdes de conséquences. Un peu comme, autre exemple, l’éradication de la culture du pavot : l’opération de destruction des champs fournisseurs d’opium a débouché sur une éclosion sans pareille de cette culture et une flambée des prix sur le marché mondial. Dans un cas comme dans l’autre, il y a une parfaite illustration de la leçon tirée par le bon Jean de La Fontaine dans sa fable L’ours et l’amateur des jardins. Rappelez-vous : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami Mieux vaudrait un sage ennemi. » Ces dernières semaines, les mises en garde se sont multipliées, émanant des sources les plus diverses. C’est un groupe de généraux et de diplomates qui parlaient, il y a deux mois, d’ « un manque grandissant de confiance et de détermination ». C’est un rapport du Conseil atlantique qui mettait en garde, l’autre jour : « Ne commettez pas l’erreur de croire que nous sommes en train de gagner la guerre. » Et tous les rapports des organismes concernés répètent à satiété la même antienne : « Gare ! Le désastre menace. » Plus catastrophique dans le ton, le digne Sunday Times notait que Kaboul ressemble à Saigon, dans les jours qui avaient précédé la fin de la guerre du Vietnam. Comme en une sinistre, mais combien éloquente, confirmation de ces mises en garde, le convoi de Hamid Karzai tombait, il y a une dizaine de jours, dans une embuscade dont le chef de l’État réchappait par miracle mais qui révélait l’incroyable noyautage par el-Qaëda des services de sécurité officiels. Édifiant. En week-end, George W. Bush fournissait à la Chambre des représentants les détails de la rallonge de 70 milliards de dollars réclamés pour les opérations militaires « urgentes » en Afghanistan et en Irak. L’ardoise à ce jour, pour les deux pays, donne le vertige : 800 milliards pour des effectifs composés de 34 000 GI sur un total de 62 000 hommes pour le premier pays, de 159 000 soldats pour le second pays. Pour l’Oncle Sam, l’argent ne pose pas problème – sinon ceux, sérieux en période de campagne électorale, que pourrait invoquer le Congrès – du moment qu’il s’agit simplement d’actionner la planche à billets. C’est plutôt du côté de la conduite de la guerre que les difficultés s’accumulent. Et au niveau des rapports entre le Pentagone et ses alliés sur l’autre bord de l’océan. Confrontée aux réticences de ses partenaires dans l’alliance à accroître leur participation pour pallier un manque estimé par les experts du Pentagone à trois brigades, l’Amérique vient de se résigner à envoyer sur place un nouveau contingent composé de 7 000 soldats, une décision qualifiée par un représentant de l’administration républicaine comme reflétant la « réaméricanisation » de la guerre, du moment que l’opinion publique en Europe est d’humeur moins belliqueuse que par le passé. L’enthousiasme d’autrefois est retombé comme un soufflé raté et il n’y a plus que la France – De Gaulle, réveille-toi… – pour annoncer le départ prochain d’un groupe supplémentaire de 700 militaires. À cette « révision déchirante », pour reprendre l’expression chère au regretté Foster Dulles, il existe plusieurs raisons. Il est évident tout d’abord que, dans la guerre au terrorisme, la présidence US a perdu la bataille médiatique, du moins dans le monde musulman. Nul ne croit plus aux vertus tant vantées de la démocratie, ni aux désavantages de l’excès de rigorisme dans la vie au quotidien. Au plan sécuritaire ensuite, on vient de constater, à la faveur de l’attentat contre le président de la République, que les talibans campent désormais jusque dans la province de Wardak, soit pratiquement aux portes de la capitale, et, fait autrement plus grave, qu’ils entretiennent des liens étroits avec les hommes d’Oussama Ben Laden, lesquels évoluent, eux, comme des poissons dans l’eau, au milieu des tribus basées dans le Waziristan-Nord, à Bajaul et jusqu’à Peshawar, la capitale de la North-West Frontier Province. Enfin, la boucle est bouclée maintenant que l’on n’ignore plus rien des contacts (pas tellement secrets) établis par le nouveau gouvernement pakistanais soucieux – sous l’impulsion de ses deux mentors, Asif Ali Zardari et Nawaz Sharif – de se démarquer de Pervez Musharraf et de parvenir à des arrangements de sécurité avec les étudiants en théologie. Une boucle ? Plutôt un étau qui se resserre autour d’un corps expéditionnaire occidental dont les chefs commencent à réaliser sans vouloir l’admettre publiquement que cette guerre aussi est ingagnable.
C’est une nouvelle qui, en d’autres circonstances, aurait prêté à sourire : pour neutraliser de vieilles munitions, les artificiers de l’OTAN ont déclenché une explosion contrôlée, causant des dégâts à l’un des deux bouddhas de Bamiyan, célèbres vestiges déjà gravement endommagés il y a sept ans par les talibans. En son temps, cet acte de vandalisme avait soulevé une émotion considérable dans le monde. Et voilà comment, avec les meilleures intentions, on peut commettre des maladresses lourdes de conséquences. Un peu comme, autre exemple, l’éradication de la culture du pavot : l’opération de destruction des champs fournisseurs d’opium a débouché sur une éclosion sans pareille de cette culture et une flambée des prix sur le marché mondial. Dans un cas comme dans l’autre, il y a une parfaite...