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Actualités - OPINION

LE POINT À l’italienne Christian MERVILLE

Les mains portées à la poitrine, devant les caméras, après avoir englouti une quantité impressionnante de mozzarella di bufala, comme pour simuler une crise cardiaque provoquée par une intoxication à la dioxine. Incorrigible Silvio Berlusconi. Pourtant il a changé, et pas seulement par la grâce de la moumoute et du dernier en date de ses innombrables liftings. Finis le ton triomphaliste, les promesses délirantes, les dénonciations de l’adversaire – malgré la charge contre Francesco Totti, l’idole des tifosi. Cette fois, Sua Emitenzza est de retour dans une Italie qui s’interroge, inquiète, sur l’utilité d’avoir des hommes politiques, sur un système gangrené jusqu’à la moelle, cette valse électorale sans fin avec une consultation, encore une, la deuxième en deux ans, et surtout sur une crise économique contre laquelle nul ne prétend posséder de solution miracle. La quatrième puissance de la zone euro a perdu son légendaire punch. Après un net ralentissement en 2007, la croissance marquera un sérieux coup de frein, avec un taux de 0,3 pour cent cette année, selon les projections du Fonds monétaire international (moyenne pour le Vieux Continent : 2,7 pour cent). La Péninsule détient le triste privilège d’être l’État le plus endetté d’Europe, 1 400 milliards d’euros, soit 1 200 euros par personne, soit encore 104 pour cent du PIB, ainsi qu’une dernière place en productivité dans le classement de l’OCDE. Mais comme il ne saurait y avoir de législatives sans promesses de rabotage fiscal, chacun des deux candidats y est allé de son engagement à réduire les charges imposées au contribuable, sans réussir à convaincre un électeur échaudé par les expériences passées. Signe que rien, ou presque, ne va plus : à Naples, les déchets domestiques s’entassent en des montagnes dont aucun alpiniste-éboueur ne pourrait venir à bout ; la compagnie aérienne Alitalia, jadis emblème d’une insolente prospérité, ne trouve pas acquéreur ; quant aux exportations, pour cause d’envolée de la monnaie européenne, elles se traînent tant bien que mal, en attendant des jours meilleurs. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le maître du géant Mediaset a rétrogradé à la troisième place dans le classement des Italiens les plus riches. Comme pour rendre plus embrouillée la situation, il y a cette loi électorale, pourtant taillée en 2006 sur instruction expresse d’Il Cavaliere et pour lui, qualifiée en son temps par l’intéressé lui-même de « porcata ». Ajoutez à cela la campagne électorale la plus ennuyeuse de ces vingt dernières années, des programmes qui se ressemblent comme deux Pedrolino et l’éclipse des petits partis, réduits à jouer les utilités en attendant un passage, que tout le monde donne comme acquis, à un système bipartite à l’américaine. Le résultat, on vient de le constater : un abstentionnisme record, annonciateur d’une inquiétante dépolitisation qui va en s’accélérant. Nul ne s’en étonne dans un pays qui a connu 61 gouvernements depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nul non plus ne veut donner cher de la peau de l’équipe appelée à succéder à celle de Romano Prodi tant, les deux fois précédentes, Berlusconi a joué de malheur. En 1994, il avait été confronté à une spéculation financière effrénée et au lâchage de ses alliés de la Ligue du Nord. Sept ans plus tard, il était victime des dommages collatéraux du 11-Septembre. Aujourd’hui, ses amis retiennent leur souffle en attendant la catastrophe, malgré ce cri désespéré d’un Milanais, dimanche : « Sauve-nous, Silvio ! » Il voudrait bien, lui, mais ce sont les moyens désormais qui lui manquent. Les mots aussi car cet émule de feu Ronald Reagan n’est plus, semble-t-il, le grand communicant dont la faconde émerveillait jusqu’à ses ennemis. On ne peut dire pourtant que son adversaire, Walter Veltroni – le Buonista (bienveillant), ainsi que le surnomment ses amis –, ne lui a pas facilité la tâche en prouvant son inaptitude à se battre, en dépit d’un passé de communiste et de directeur de L’Unità. À moins que… Eh oui, il y a eu ce stupéfiant marché proposé par le leader du nouveau Parti de la liberté du peuple, quelques jours avant le 13 avril : céder à l’Assemblée en échange d’un retrait du chef de l’État Georgio Napolitano. Le vieux renard serait donc tenté par le Quirinal, après un passage par le Palazzo Chigi, en laissant derrière lui, comme autant de mines, une pile de dossiers hautement explosifs. D’où cette bataille qui n’en a pas été réellement une, cette campagne neutre préparant peut-être l’avènement d’un cabinet largement représentatif. Aux dernières heures précédant le jour J, l’un a harangué ses troupes devant le Colisée, l’autre a choisi pour cadre la Piazza di Popolo. Aucun des deux n’a électrisé les foules, par ailleurs clairsemées. Chœur des esclaves, dans Nabucco : « Va, pensiero, dell’ali dorate. » Dorées, vraiment ?...
Les mains portées à la poitrine, devant les caméras, après avoir englouti une quantité impressionnante de mozzarella di bufala, comme pour simuler une crise cardiaque provoquée par une intoxication à la dioxine. Incorrigible Silvio Berlusconi. Pourtant il a changé, et pas seulement par la grâce de la moumoute et du dernier en date de ses innombrables liftings. Finis le ton triomphaliste, les promesses délirantes, les dénonciations de l’adversaire – malgré la charge contre Francesco Totti, l’idole des tifosi. Cette fois, Sua Emitenzza est de retour dans une Italie qui s’interroge, inquiète, sur l’utilité d’avoir des hommes politiques, sur un système gangrené jusqu’à la moelle, cette valse électorale sans fin avec une consultation, encore une, la deuxième en deux ans, et surtout sur une crise économique...