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Athlétisme - La performance de Pia Nehmé à Valence commentée par son entraîneur Arriver dernière et gagner quand même Roger BEJJANI

Sans l’illusion des amateurs ni le défaitisme des faibles, Pia Nehmé faisant fi de l’interdiction formelle de son physiothérapeute, s’envola pour ses premiers championnats du monde en salle à Valence en Espagne. Elle savait d’avance qu’elle devait s’aligner sur le départ des 3 000m (ce qui équivaut à 15 tours de 200m) avec la crème de la crème mondiale de la course à pied : Mesret Defar, triple détentrice des records du monde (3 000m, 5 000m et 10 000m), Kimberley Smith, Alex Bekele, Yelena Sidorchenko, Jennifer Rhines Isabel Checa, Meselek Melkamu... Pour rendre ce périple encore plus périlleux, elle traînait un mollet droit au bord du claquage musculaire. Son alibi pour jeter l’éponge était servi sur un plateau d’argent. L’objectif que je lui fixais et qui était à la portée de son cœur et de ses poumons était un chrono de 10’ ou un 9’58’’ : soit le km en 3’20’’. Combien le mollet tiendrait à bien plus de 17km/h restait toutefois l’inconnu de l’équation. Arrivée à Valence, elle fut prise en charge par une « dream team » de physiothérapeutes espagnols qui essayèrent, en l’espace de 36 heures, d’accomplir un miracle : décontracter et anesthésier le mollet. Toni et son équipe travaillèrent sur Pia comme si elle était Defar en personne. Ils étaient admirables. Vendredi, à 10h35, Pia subissait le bain d’humilité qui humanise tellement. Elle prenait le départ, sous mon regard médusé, auprès de locomotives humaines dont l’entraînement à l’age de 13 ans ressemble à celui de Pia à 26 ans. On y reviendra plus tard. Je n’arrivais pas à croire le flegme de cette Libanaise de Chiyah devant une armada pareille. La différence avec les line-ups qu’elle affronte d’habitude au Liban était criante ! Un chrono inespéré Abandonnera t-elle ? J’étais prêt à la comprendre et à le lui pardonner. Assis confortablement sur les gradins, mon cœur battait la chamade et mon trac devenait gênant. Que se passe-t-il donc dans la tête, les jambes et le cœur de Pia quelques secondes avant le départ ? Premier 400m (2 tours de piste) en 1’17’’, premier km en 3’20’’. Impeccable comme à l’entraînement. Mais un muscle est toujours un muscle. Blessé, il se venge. Tôt ou tard. Son mollet handicapait petit à petit son rythme à partir du 2e kilomètre. Pas d’alibi, pas d’excuse, cette admirable athlète ne lâchait pas même sous les coups de boutoir du peloton qui lui a pris 2 tours de piste. 10’31’’95, un chrono inespéré il y a un an pour une Libanaise, un nouveau record pour le Liban. Pas assez bon pour Pia qui vaut quelques fractions sous la barre des 10 min sur cette distance de 3 000m, et loin derrière les championnes du monde. Surmontant un mollet qui la ralentissait, elle a couru les deux derniers km à une moyenne de 3’35’’ le km, loin des 3’20’’ du premier km. Mais où est donc l’importance de cette course ? Certainement pas le temps modique couru habituellement à l’entraînement. La détermination et le courage de cette fille remplissaient le vélodrome de Valence. À 26 ans, elle commence là où elle aurait dû le faire à 16 ans ! Sans honte, sans baisser les bras et pourtant lucide et réaliste. Ce message ne vise pas à faire l’apothéose gratuite de Pia. Venant de son entraîneur, la crédibilité sera désignée comme grande absente. Mais l’histoire de cette athlète libanaise et surtout son combat, très dur, vers la performance mondiale aurait pu être plus facile, avec des résultats plus rapides. Pia, vu son talent naturel, a perdu des années-clés de formation sportive au sein d’un encadrement amateur et ignorant. C’est durant la période de l’adolescence et bien avant les 21 ans que les athlètes de demi-fond et de longues distances développent d’une manière optimale leur capacité VO2Max. Or Pia durant cet âge d’or de formation suivait un régime sportif très loin en dessous de ce qui devait être sa formation sportive. L’effort déployé par Pia afin de gagner quelque 140 points en valeur athlétique durant les 2 dernières années aurait été plus revendicatif en nombre de points s’il avait été déployé avant l’âge de 21 ans. Cela dit, Pia continuera son ascension vers les 1 000 points, bravant la science et à coup de courage et volonté. Elle les atteindra pour les Jeux de la francophonie en 2009 à Beyrouth. Sonnerie d’alarme Mais quid de nos jeunes athlètes, garçons et filles ? Il est temps que la Fédération libanaise d’athlétisme se penche sur le cas des plus prometteurs : Kristelle, Manal, Lorie, Diala el-Khazen, Asseel, Ramzi, Abdo… et construire en harmonie avec leurs encadrements sportifs ou le cas échéant de manière autoritaire des programmes bien pensés, étalés sur plusieurs années qui propulseraient nos jeunes talents à des niveaux de rêve. Le temps, sans prix, passe et la rhétorique ne forme pas des athlètes. Pia n’a pas abandonné à Valence pour nos jeunes talents, Greta Taslakian s’entraîne dur pour eux aussi et Jean-Claude Rabbat sautera encore. C’est une sonnerie d’alarme à la fédération et à certains entraîneurs qui croient toujours que leur ego est plus important que leurs athlètes. Formons nos athlètes intelligemment sans bravade, paranoïa et combat de coqs. Nous devons cela au talent. Nous devons cela à notre pauvre pays qui a tant besoin de ces quelques et rares moments de gloire que nos sportifs peuvent lui servir (et lui ont déjà servi dans le cas de Greta et Jean-Claude) À Valence, je me suis senti tellement privilégié d’être associé à une athlète et une personne comme Pia. En tant qu’entraîneur et ami, elle m’a donné une bonne leçon de courage.
Sans l’illusion des amateurs ni le défaitisme des faibles, Pia Nehmé faisant fi de l’interdiction formelle de son physiothérapeute, s’envola pour ses premiers championnats du monde en salle à Valence en Espagne.
Elle savait d’avance qu’elle devait s’aligner sur le départ des 3 000m (ce qui équivaut à 15 tours de 200m) avec la crème de la crème mondiale de la course à...