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Trente années de présence des Casques bleus au Liban-Sud II - Un rôle d’assistance et non de substitution au gouvernement libanais Père Fady FADEL

Les règles d’engagement provisoires de la Finul autorisent les Casques bleus à ouvrir le feu pour se défendre, protéger les civils ou désarmer les miliciens qui se trouvent sur leur passage. Les Casques bleus n’ont toutefois pas pour mission de rechercher activement les armes du Hezbollah ni de s’interposer en cas de reprise des combats. En effet, le document « UN Restricted » affirme que la Finul renforcée opère selon des principes « de nature principalement défensive », donc sans un pouvoir ordinaire d’initiative d’utilisation d’armes, mais qui « autorisent l’usage d’une force appropriée et crédible si nécessaire » (Voir L’Orient-Le Jour du mardi 15 janvier 2008). Bien plus, l’usage de la force est autorisé pour empêcher que la zone tampon, entre la ligne bleue et le fleuve Litani, ne soit utilisée pour des activités hostiles, pour résister à des tentatives de faire obstacle au mandat de la Finul ou pour « protéger les civils sous la menace de violence physique ». L’usage de la force doit être toutefois « proportionnel ». La deuxième toile de fond de ces mesures est de s’assurer qu’il est établi durablement, « d’une part, un dispositif de sécurité qui empêche la reprise des hostilités et, d’autre part, une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la Finul », dans la mesure où il est clairement indiqué dans la résolution 1701 que « seul l’État libanais est autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban ». Dans le sillage de cette assistance, le « concept d’opération », un autre document provisoire, marqué « UN Confidential », établit qu’il revient au gouvernement libanais de « prendre le contrôle de la zone tampon » et de « désarmer le Hezbollah ». La Finul pourra cependant développer « des opérations d’information efficace pour contrer la propagande de Hezbollah ». « Nous n’irons pas activement à la recherche des armes du Hezbollah », explique un haut responsable onusien (Le Monde, 22 août 2006), qui ajoute : « Mais si, lors d’une patrouille, on tombe sur une cache, notre mandat est de saisir ces roquettes », poursuit-il. La Finul va également établir des check-points fixes et mobiles. Autrement dit, les règles d’engagement assurent aux Casques bleus une liberté de circulation inconditionnelle et illimitée dans leur zone d’opération, du fleuve Litani jusqu’à la ligne bleue. « Si un camion passe avec des armes, on l’arrête », explique ce responsable onusien. L’armée libanaise serait alors appelée à intervenir. « Si le véhicule tente de passer en force, nous utiliserons la force létale », prévient-il. Au quotidien, les Casques bleus devront « patrouiller les rues, de jour comme de nuit, montrer leur présence, être en prise avec ce qui se passe dans la région ». Si la Finul observe des hommes du Hezbollah en train de lancer une roquette sur Israël, elle fera appel à l’armée libanaise et ne devrait pas, selon cette source, user de la force, quand bien même une interprétation stricte de son mandat l’y autoriserait. En effet, il a été clairement indiqué dans la résolution 1701 qu’il ne s’agissait pas pour la Finul de désarmer le Hezbollah ou de trouver des armes, mais « d’empêcher leur circulation », a encore expliqué le lieutenant-colonel Olivier de Cevins, commandant du 1er bataillon français de la Finul. La résolution 1701 prévoit aussi l’application « des accords de Taëf (1989), et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) du Conseil de sécurité, qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban », mais reste floue sur les moyens d’y parvenir. « Nous pouvons arrêter un véhicule si celui-ci fait l’objet d’une suspicion sérieuse, par exemple s’il nous a été signalé par une source de renseignement comme pouvant contenir des armes », explique-t-on. Si la Finul n’a pas le pouvoir de perquisition, elle peut intervenir en deuxième rideau pour assurer la sécurité extérieure de l’armée libanaise lors d’une perquisition, précise un responsable de la force internationale. En temps normal, la Finul agit en appui des militaires libanais. « Mais si l’armée libanaise n’est pas en mesure d’intervenir, nos pouvoirs sont très entendus, dit-il. Si nous tombons sur des miliciens armés et qu’ils se rendent, nous les remettons à l’armée libanaise, mais s’ils résistent, nous sommes autorisés à ouvrir le feu, afin que le théâtre d’opération de notre force ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelque nature que ce soit. » « C’est une Finul durcie », assure ce haut responsable (lematin.ma le 30 septembre 2006). Un autre exemple s’impose en guise d’illustration de la non-substitution par la Finul en temps normal au gouvernement libanais, à savoir : la violation de l’espace aérien libanais par l’aviation israélienne. En matière de réglementation juridique de l’espace aérien, c’est non pas la coutume, mais la doctrine qui a apporté la première contribution à la formation du droit et qui a abouti à une convention internationale, connue sous le nom de « convention de Paris » en 1919. L’article 1er de la « convention de Paris » adopte, en termes catégoriques, la solution de la souveraineté comme suit : « Les hautes parties contractantes reconnaissent que chaque puissance a la souveraineté complète et exclusive atmosphérique au-dessus de son territoire. » La convention de Chicago de 1944 reproduit intégralement ce même principe. Il en résulte que, sauf engagement conventionnel contraire, l’État est libre de réglementer et même d’interdire le survol de son territoire, et que tout survol non autorisé constitue une atteinte à la souveraineté territoriale de l’État sous-jacent (CIJ, arrêt du 27 juin 1986, Activités militaires au Nicaragua, Rec. p. 128). Il en résulte que la violation de l’espace aérien national par un aéronef étranger autorise l’État survolé à l’intercepter et à exiger l’atterrissage. Toutefois, à l’égard des aéronefs civils, il ne jouit pas d’un pouvoir illimité de riposte ; celle-ci doit être raisonnable et ne doit pas mettre en danger la vie des personnes se trouvant à bord. Ces règles, qui concilient la souveraineté territoriale de l’État et les considérations élémentaires d’humanité qui s’imposent à tous, ont été rappelées et précisées par le protocole de Montréal, adopté le 10 mai 1984, à la suite de l’affaire du Boeing 747 de la Korean Airlines. Ce faisant, les États ont pris soin de souligner le caractère déclaratoire d’une norme coutumière, à savoir : « la reconnaissance que chaque État doit s’abstenir de recourir à l’emploi des armes contre les aéronefs civils ». A contrario, le survol d’avions militaires étrangers du territoire d’un État sans l’autorisation de ce dernier lui donne le droit de recourir à l’emploi de la force au nom de la légitime défense. Or faute de moyens logistiques et d’armes appropriées, les forces armées libanaises (FAL) ne sont pas en mesure d’employer la force pour empêcher le survol quotidien du territoire libanais par des avions militaires israéliens. Est-ce que la Finul est autorisée à se substituer aux FAL pour la défense du territoire libanais ? La réponse, si on se tient aux termes de la résolution 1701, est négative dans la mesure où le mandat de la Finul concerne l’assistance prêtée aux pouvoirs libanais d’étendre leur autorité sur l’ensemble du territoire, sans parler d’un devoir de substitution face aux attaques, aux agressions et aux survols israéliens, sauf en cas de légitime défense. En outre, force est de reconnaître, eu égard à la résolution 1701 et aux règles d’engagement, que « la Finul resterait en dehors de tout conflit armé » résultant de raid israélien au Liban et de réplique libanaise. « Nous ne nous interposerions pas, nous tenterions de les arrêter par d’autres moyens », indique un fonctionnaire onusien (Le Monde, 22 août 2006). « Mais si Israël visait des civils, nous devrions trouver des contre-mesures, en bloquant des voies d’accès ou en mettant en place des observateurs, même si c’est très dangereux », affirme-t-il, contrairement à ce qui s’est passé lors de l’invasion israélienne en 1982, où la Finul à l’époque observait les incursions israéliennes avec une impuissance d’action remarquable. À la demande du Liban et contrairement au souhait d’Israël, la résolution 1701, qui a renforcé la Finul, n’est pas sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui permet un usage de la force plus libre que le chapitre VI, lequel repose sur le consentement des parties. Mais la Finul a un chapitre VI robuste, explique un haut responsable onusien, selon lequel le Conseil de sécurité « a pris des éléments du chapitre VII et les a placés dans les règles d’engagement ». Il s’agit d’un nouvel exemple d’actions récentes du Conseil de sécurité dans des opérations de maintien de la paix qui oscillent entre le chapitre VI et le chapitre VII de la Charte de l’ONU. Conclusion Le commandant en chef de la Finul, le général Claudio Grazziano, disait en s’adressant au bataillon italien (L’Orient-Le Jour du 14 novembre 2007) : « La situation politique au Liban est complexe, mais le calme règne au Liban-Sud. Toutefois, vous devez rester vigilants et être prêts à affronter tout développement qui aurait des répercussions sur la région placée sous notre contrôle. » Le général Grazziano a bien résumé les conditions et l’environnement dans lesquels la Finul opère au Liban-Sud, et les défis à relever pour une application totale de la résolution 1701. Pour le secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, tous les progrès réalisés jusqu’à présent et à réaliser dans les prochains mois doivent aboutir à « un cessez-le-feu permanent entre Israël et le Liban » et « à une solution à long terme » fondée sur le principe du monopole de la force armée entre les mains de l’État libanais (S/2007/641). Il s’agit de deux objectifs à atteindre à travers l’application de la résolution 1701 et la mission de la Finul. Or beaucoup de défis stratégiques et de problèmes structurels se présentent en ayant comme répercussions le retard accru du cessez-le-feu attendu et le sursis indéfini d’une solution à long terme du conflit libano-israélien. Les défis à relever par Israël et qui constituent des obligations internationales eu égard à la résolution 1701 et aux déclarations présidentielles du Conseil de sécurité sont : 1 – le retrait israélien du territoire libanais el-Ghajar ; 2 – la cessation de la violation de l’espace aérien libanais par Israël ; 3 – délivrer les cartes des mines implantées au Liban-Sud et des bombes à sous-munitions, dont le nombre s’élève à 1 million ; 4 – acquiescer à la solution préconisée par le secrétaire général de l’ONU en plaçant les fermes de Chebaa, territoire arabe occupé dès 1967 par Israël, sous tutelle onusienne, à l’issue des conclusions du cartographe en charge du dossier depuis près d’un an ; 5 – et le règlement d’urgence de la question des prisonniers libanais détenus en Israël. Quant aux défis à relever par la partie libanaise, il s’agit de : 1 – sécuriser les frontières libano-syriennes et s’assurer qu’il n’y a pas d’entrée d’armes sans autorisation explicite du gouvernement à l’adresse de groupes ou de factions qui se trouvent sur son territoire ; 2 – s’engager dans un processus politique interne visant le désarmement de tous les groupes armés, afin d’asseoir l’autorité exclusive du gouvernement sur l’ensemble du territoire libanais ; 3 – la libération inconditionnelle des soldats israéliens enlevés en juillet 2006 ; 4 – s’abstenir de toute tentative de réarmement, en dehors des FLA ou des forces autorisées par le gouvernement, sous peine de se trouver dans une course incontrôlable aux armements sur le territoire libanais et entre le Liban et Israël ; 5 – résoudre la crise politique intérieure ; 6 – et maintenir la sécurité intérieure au Liban. Sans oublier les obligations incombant à la Syrie dans l’optique d’une bonne application de la résolution 1701, notamment : 1 – sécuriser les frontières libano-syriennes et empêcher l’entrée d’armes ou de matériels connexes sans l’autorisation du gouvernement libanais ; 2 – délimiter les frontières libano-syriennes ; 3 – et établir des relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie. Enfin, pour terminer sur une note positive, il convient de rappeler que grâce au déploiement des forces armées libanaises, d’un côté, et à la présence renforcée de la Finul, de l’autre, nous jouissons désormais au Liban-Sud d’un « nouvel environnement stratégique militaire et de sécurité » (S/2007/392). Encore une fois, le droit international a son mot à dire au niveau de l’entente nationale sur la question de stratégie de défense au Liban-Sud. Il reste que les grandes puissances répondent présent à l’appel formulé par le secrétaire général de l’ONU, à savoir : fournir aux FAL « le soutien et l’assistance bilatérale dont elles ont besoin, en temps voulu et autant que nécessaire, en vue de les aider à s’acquitter des obligations que leur impose la résolution 1701 ». Et d’ajouter : « Pour que le gouvernement libanais puisse étendre son autorité et exercer sa pleine souveraineté, il est indispensable qu’il soit doté d’une force armée crédible et légitime, qui soit à même de garantir la sécurité et la stabilité sur l’ensemble de son territoire  (S/2007/392). » En un mot, pour rebâtir l’État libanais, restaurer sa souveraineté et rétablir son indépendance, il s’agit d’une responsabilité incombant non seulement aux Libanais, mais aussi sur plusieurs acteurs, tant au niveau d’organisations régionales et internationales qu’au niveau d’États voisins, limitrophes, amis ou alliés. Père Fady FADEL Professeur de droit public, secrétaire général de l’Université antonine Article paru le mercredi 16 janvier 2008
Les règles d’engagement provisoires de la Finul autorisent les Casques bleus à ouvrir le feu pour se défendre, protéger les civils ou désarmer les miliciens qui se trouvent sur leur passage. Les Casques bleus n’ont toutefois pas pour mission de rechercher activement les armes du Hezbollah ni de s’interposer en cas de reprise des combats. En effet, le document « UN Restricted »...