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Le fédéralisme territorial, une fausse solution Nancy AZAR

Encore une question qui divise les Libanais : le fédéralisme. Pour certains, évoquer ce concept, c’est être accusé d’hérésie alors que d’autres voient là le seul chemin permettant au Liban de sortir de sa crise pour jouir finalement d’un climat paisible au niveau tant politique que socioculturel. Ce débat stérile place la question du fédéralisme territorial sur un faux terrain. Ce n’est pas l’aspect idéologique du concept fédéral lui-même qui est posé ; ce dernier, au contraire, a prouvé son efficacité dans beaucoup de pays tels que la Belgique, la Suisse, les États-Unis... Précisons que c’est du fédéralisme « territorial » que nous traitons, en référence au fédéralisme personnel appliqué depuis l’Empire ottoman a l’égard des « gens du Livre » qui jouissaient ainsi d’une autonomie au niveau du statut personnel, autonomie qui a sauvegardé les identités culturelles en dépit d’une situation inégalitaire par rapport aux musulmans de l’empire. Un tel fédéralisme constitue une nécessité dans toutes les sociétés pluricommunautaires. Toutefois, si nous voulons aborder la question – devenue politique par excellence – d’une manière scientifique, nous devons nous placer sur un autre plan pour montrer l’inefficacité du projet de fédéralisme territorial au Liban. Dans tout État fédéral, les entités fédérées doivent, malgré leur indépendance, s’entendre sur trois éléments communs : la politique extérieure, la défense nationale et enfin le Trésor public. Or, ces trois éléments sont au cœur du débat qui renforce l’argument selon lequel le fédéralisme territorial ne résout en rien la crise politique du Liban; il ne fait que transposer le différend. Pour aborder la question d’un point de vue pratique plutôt que doctrinal, on ne peut pas ne pas s’attarder sur le caractère dangereux du fédéralisme en ce qui concerne les minorités, surtout a une époque d’échanges et de communication entre des espaces mouvants. Au Liban, les unités communautaires sont-elles parfaitement définies géographiquement ? Le Liban a déjà connu l’expérience d’un découpage territorial avec le système du caïmacamat qui fut une source de conflits puisque les minorités qui se trouvaient dans les districts étaient plus nombreuses qu’on le croyait. La division en deux de ces « circonscriptions » a été faite de façon à susciter des litiges entre chrétiens et druzes, ce qui mènera aux massacres de 1860. Donc, une « territorialisation » forcée dans le but d’homogénéiser des régions historiquement non homogènes coûtera cher aux Libanais, qui seront confrontés à des mutations douloureuses. Ainsi, chaque fois que la question est soulevée, l’idée de fédéralisme gagne à nouveau du terrain dans les rangs de nombre de Libanais. Il est temps de tirer les leçons de l’histoire, qui montrent distinctement l’impossibilité d’éliminer un partenaire en raison d’un équilibre structurel des forces à la fois internes et externes, et la nécessité d’assurer un climat minimal de concorde entre les diverses factions. Nicolas Bourée, diplomate français du temps de l’Empire ottoman, avoue lui-même après l’établissement du régime des caïmacamats au Mont-Liban : « On a échoué en voulant diviser ce qui était indivisible, le remède serait de revenir à l’unité. » Nancy AZAR Étudiante en sciences po Article paru le lundi 10 décembre 2007
Encore une question qui divise les Libanais : le fédéralisme. Pour certains, évoquer ce concept, c’est être accusé d’hérésie alors que d’autres voient là le seul chemin permettant au Liban de sortir de sa crise pour jouir finalement d’un climat paisible au niveau tant politique que socioculturel.
Ce débat stérile place la question du fédéralisme territorial sur un faux terrain. Ce n’est pas l’aspect idéologique du concept fédéral lui-même qui est posé ; ce dernier, au contraire, a prouvé son efficacité dans beaucoup de pays tels que la Belgique, la Suisse, les États-Unis... Précisons que c’est du fédéralisme « territorial » que nous traitons, en référence au fédéralisme personnel appliqué depuis l’Empire ottoman a l’égard des « gens du Livre » qui jouissaient ainsi d’une...