Actualités - OPINION
PERSPECTIVE La véritable transgression à l’esprit de Taëf Michel TOUMA
Par Michel TOUMA, le 26 novembre 2007 à 00h00
Jour J + 3. Après la vacance survenue le samedi 24 novembre, à 0 heure, à la magistrature suprême, la grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’on continuera pendant longtemps à compter les jours qui s’égrèneront jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République. D’emblée, certains analystes émettent l’hypothèse que cette période transitoire pourrait se prolonger plusieurs semaines, le temps que se décante une conjoncture régionale en pleine ébullition. Car selon des responsables politiques avertis, la conférence d’Annapolis qui se tiendra demain, mardi, pourrait enclencher une dynamique nouvelle ayant pour effet de relancer le processus de négociations (et de paix ?) au Proche-Orient. Une dynamique de nature arabe faisant face aux ambitions régionales de Téhéran… Et il est déjà question dans ce cadre d’une nouvelle conférence internationale semblable à celle d’Annapolis qui pourrait se tenir au début de l’année prochaine à Moscou et qui serait consacrée essentiellement aux volets libanais et syrien du conflit proche-oriental. De là à considérer que le choix du futur chef de l’État devra désormais tenir compte de cette nouvelle donne – si toutefois elle se confirme – il n’y a qu’un pas que nombre d’observateurs ne manquent pas de franchir. Ce qui aurait pour conséquence de prolonger quelque peu la phase de transition actuelle, le temps que se précise la nature, et surtout le sérieux, du processus qui serait mis en marche à Annapolis.
Mais dans l’immédiat, les préoccupations des Libanais sont d’un tout autre ordre et relèvent plutôt de considérations essentiellement locales, que d’aucuns pourraient qualifier de prosaïques. La vacance au niveau de la présidence de la République a en effet suscité ces derniers jours moult commentaires sur l’esprit et le texte de l’accord de Taëf. Dans le contexte passionnel présent, il est effectivement vital et impératif de réaffirmer l’attachement à l’essence de Taëf, sous l’angle plus particulièrement de la sauvegarde des équilibres intercommunautaires tels que prévus dans le document d’entente nationale. Afin de couper court à toute surenchère sur ce plan, le chef du gouvernement Fouad Siniora et le leader du Courant du futur, Saad Hariri, ont eu la sagesse de se rendre sans délais, chacun de son côté, au patriarcat maronite pour bien souligner devant le cardinal Nasrallah Sfeir que nul ne songe à se substituer au président maronite. Fouad Siniora a d’ailleurs eu le bon réflexe en rappelant, à sa sortie de Bkerké, que l’intérim de la première magistrature est assuré, conformément à la Constitution, non pas par le chef du gouvernement, mais par le Conseil des ministres réuni – au sein duquel, soit dit en passant, les chrétiens sont actuellement majoritaires.
Si certaines inquiétudes doivent être exprimées au sujet de la préservation de l’esprit de Taëf, ce n’est donc certainement pas au niveau de l’intérim de la présidence de la République qu’elles se manifesteraient. Le danger se situerait plutôt sur un tout autre plan. Les développements des derniers mois, notamment la guerre de juillet 2006, ainsi que l’épisode de la bataille présidentielle ont en effet montré que l’arsenal militaire du Hezbollah pèse de tout son poids sur l’échiquier interne et influe directement, par voie de conséquence, sur les rapports intercommunautaires. Les tractations portant sur le choix d’un candidat de consensus pour assurer la succession du général Émile Lahoud ont illustré indirectement, et de facto, à quel point les armes du Hezbollah faussent la donne au départ dans tout dialogue. Lorsque l’on discute en posant sur la table une arme à feu et que les interlocuteurs en face sont dépourvus de toute arme dissuasive, la négociation est à la base tronquée. Et elle est encore plus tronquée lorsque la partie qui possède les armes se livre régulièrement à des diatribes fiévreuses laissant planer constamment la menace d’une action sur le terrain si ses conditions ne sont pas satisfaites.
Un tel paramètre à caractère paramilitaire, s’il est maintenu dans l’état actuel, ne peut que se faire ressentir, à plus ou moins brève échéance, sur les équilibres intercommunautaires, menaçant par le fait même les fondements de Taëf. Et ce facteur est d’autant plus grave – et irrecevable – qu’il est tributaire (quoi qu’en disent les dirigeants du Hezbollah) d’une raison d’État iranienne et d’une doctrine politico-religieuse affichant des velléités hégémoniques et guerrières que nul n’est « autorisé » à contester, sous peine d’être la cible de toutes les invectives possibles.
La transgression à l’esprit (et à la lettre) de Taëf était également perceptible en filigrane dans la dernière initiative du général Michel Aoun qui a pratiquement balayé d’un coup de main tout l’édifice constitutionnel élaboré dans le document d’entente nationale, ouvrant indirectement la voie à la recherche d’un nouveau système politique qui constitue sans doute, au plan strictement local, l’un des objectifs cachés du Hezbollah.
Le leitmotiv brandi par l’opposition au cours des derniers mois a été essentiellement la réalisation d’un « partenariat » dans l’exercice du pouvoir. À la lumière des données présentes, la revendication à cet égard devrait être plutôt inversée : c’est aujourd’hui à la coalition du 14 Mars de demander au Hezbollah comment peut-il bien concevoir un partenariat avec les autres composantes du tissu social libanais en restant jalousement attaché à un puissant arsenal militaire à vocation régionale, qui, par son impact, dénature foncièrement l’essence et l’esprit de Taëf ?
Jour J + 3. Après la vacance survenue le samedi 24 novembre, à 0 heure, à la magistrature suprême, la grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’on continuera pendant longtemps à compter les jours qui s’égrèneront jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République. D’emblée, certains analystes émettent l’hypothèse que cette période...
Les plus commentés
Depuis les bancs de l’opposition, Bassil hausse le ton... sauf sur les armes
Le Liban n’a pas besoin d’un nouveau Riad Salamé
Bassil : Le CPL ne sabordera pas le travail de l'exécutif