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Quand l’Occident et l’Orient se disputent un Liban « moribond »

La réunion d’Istanbul représente-elle une phase charnière entre les différentes crises qui secouent un Moyen-Orient en perpétuel mouvement ? S’inscrit-elle dans le cadre de ce long périple engagé, depuis 1948 par Israël, et à ces côtés, par l’Occident tout entier, pour introduire dans cette géographie du monde une nouvelle entité étatique et réhabiliter une histoire vieille de deux mille ans ? Le chemin de Croix qui jalonne les « terres sacrées » de toutes ces régions est toujours aussi pesant. Drapé dans un symbolisme inspiré de cette période dramatique qui a caractérisé l’histoire des religions à l’aube du premier millénaire, ce nouvel objectif social et politique, qui a été réfléchi et construit à partir des appartenances religieuses et géographiques d’antan de ceux qui s’en prévalent, va porter en son sein, aussi, beaucoup de drames et de désespoirs, et être à l’origine d’hémorragies mouvantes et lancinantes qui minent chaque jour un peu plus les structures de tous les pays de la région. Tout cela avec l’approbation des États membres des Nations unies qui, après avoir reconnu Israël, se devaient naturellement d’en assumer les conséquences, en lui apportant toutes les garanties du « retour » et les soutiens réels pour assurer une cohabitation « viable » au sein du monde arabe. Cette aventure surréaliste ne se réalisera certainement pas sans des grincements de dents et... d’armes, et sans aussi des bouleversements profonds, aussi bien pratiques que juridiques, sur l’environnement de tous les pays riverains. Pour atteindre ses objectifs, l’Occident avait bâti sa stratégie régionale en se basant sur les composantes religieuses qui peuplent l’Orient et il l’avait assimilée à un « tréteau à trois colonnes », dont la première, sunnite, serait représentée par la Turquie, la seconde, chiite, serait représentée par l’Iran, et la troisième, constituée de minorités, serait représentée par Israël. La rencontre en Turquie, il y a quelque temps, marque virtuellement la fin d’une première étape importante de cette longue et pénible traversée, commencée il y a de nombreuses années. Elle intervient après la réalisation et l’adoption des nouvelles structures relatives au chiisme régional, engagées il y a quelques années par un homme de religion inconnu à l’époque, en l’occurrence l’imam Khomeyni, et dont la personnalité charismatique avait été largement contesté au moment de son apparition, à cause de son extrémisme religieux et de ses discours révolutionnaires. Ce qui n’avait toutefois pas empêché l’Occident de le recevoir, de le protéger durant ses années d’exil en France et ensuite de l’escorter et le ramener dans son pays, en sauveur de son peuple « opprimé » par le régime pro-occidental de son prédécesseur qui devra, résigné et attaqué de toutes parts, quitter le pouvoir, lâché par les puissances qui l’y avaient autrefois porté et aidé à s’y maintenir. Plébiscité en tant que chef de la révolution, l’imam Khomeiny allait établir, en l’absence de toute réaction internationale, les fondements idéologiques et stratégiques d’une nouvelle République islamique dont l’objectif principal était de devenir le berceau et l’école de référence du chiisme à travers le monde. Grâce à son nucléaire produit lui aussi au vu et au su de tous et sans, là encore, aucune obstruction ferme de la part de la communauté internationale, il parviendra à asseoir avec tous ses héritiers idéologiques le rôle prépondérant de l’Iran comme porte-parole exclusif de cette communauté qui devient, malgré une démographie plus réduite que celle du sunnisme, un élément d’équilibre régional. Sa consécration en tant que force régionale aussi va certainement aider l’Occident à mieux parer aux risques de dérapage de son plan géostratégique déjà largement amorcé, puisqu’il va mettre un frein aux dangers dévastateurs de certaines branches extrémistes du sunnisme à travers le monde et protéger de façon naturelle la ceinture des minorités, dont il était jusqu’alors l’une des principales composantes. C’est ce qui expliquerait éventuellement cette alliance objective et quelque part stratégique de l’État d’Israël avec un Iran devenu haut lieu du chiisme international et héritier de la civilisation perse, qui avait autrefois protégé les juifs en fuite, et dans ce même axe d’idées, avec ses dérives dogmatiques desquelles sont issus les alaouites, avec qui il entretient, pour le moins qu’on puisse dire, des rapports ambigus depuis le début de la guerre du Liban. Les événements qui suivront l’avènement de Khomeyni, tels, par exemple, la guerre irako-iranienne, les attentats du 11 septembre aux USA, la guerre irako-américaine, la fin du régime de Saddam Hussein, le démantèlement de l’Irak, les négociations autour du nucléaire iranien, favoriseront tous l’épanouissement de ses thèses et justifieront ses objectifs idéologiques et stratégiques. Mais c’est l’histoire dans les prochaines années qui déterminera le bien-fondé de ce choix occidental. Cette même rencontre de Turquie établira ensuite les règles de jeu de la nouvelle étape de la stratégie occidentale au Moyen-Orient, à savoir le tracé des nouvelles frontières et le choix des £ structures internes des pays qui seront touchés par ces correctifs et ces alignements. C’est pourquoi cette conférence apparaît, tant dans la forme que dans le fond, comme une véritable charnière entre deux périodes. Pour preuve : l’entrée en jeu de nouveaux acteurs qui devront accompagner l’évolution de l’édifice stratégique et soutenir le programme précédemment indiqué, et l’accroissement des perturbations qui secouent déjà les populations de ces régions minoritaires. C’est dans cette perspective qu’il faut en effet noter le choix du pays d’accueil, qui devient en fait le nouvel intervenant choisi pour participer à la réalisation de cette autre étape. De par sa situation géographique aux portes de l’Orient et de l’Occident, son statut de principal État sunnite d’Orient mais néanmoins laïc de par sa Constitution, l’existence d’une armée très présente sur la scène politique intérieure puisqu’elle assume, depuis Atatürk, le rôle de gardien des institutions républicaines ; de par sa large influence régionale, sa puissance militaire, son action, accrue récemment, de médiateur dans les litiges régionaux, son alliance outre-atlantique indéfectible, et enfin sa candidature à l’Europe des 27, la Turquie se présente dorénavant comme un des interlocuteurs sunnites incontournables de l’échiquier moyen-oriental. Ses multiples facettes en font un partenaire essentiel dans l’équation géostratégique en cours et le premier grand acteur régional avant même l’Iran. Telles sont donc les deux grandes phases de la stratégie américaine au Moyen-Orient, qui devraient logiquement atteindre leur épilogue au moment où la constitution de l’État palestinien sera finalement adoptée, les frontières définitives d’Israël fixées, et la signature de la paix avec la Syrie et le Liban finalisée. Ce qui signifie que les derniers aménagements géopolitiques relatifs aux frontières d’Israël, la Palestine, la Jordanie, le Liban, la Syrie et l’Irak doivent maintenant être entrepris, ratifiés et reconnus internationalement, pour mettre un terme à cette action commencée au lendemain de la reconnaissance d’Israël par les Nations unies. C’est dans cette ambiance de fièvre intense et de tiraillements continus que le Liban vit depuis plus de trente ans cette interaction événementielle qui inonde ses espaces d’action et de réflexion. La confrontation des diverses stratégies qui secouent la région accroît à chaque étape de ses échéances nationales les risques d’un embrasement général. Le déroulement de l’échéance régionale susmentionnée n’augure rien de spécialement encourageant sur la scène intérieure libanaise, d’autant plus que les observateurs politiques ne voient pas aujourd’hui, par exemple, comment l’Occident, en dehors de la valse diplomatique intense qui l’amène au chevet d’un Liban à nouveau en crise, va pouvoir imposer, en cas de blocage syrien, la solution au bras de fer entrepris actuellement par les alliés libanais de la Syrie et visant à torpiller une étape vitale dans la normalisation et le rééquilibrage des institutions républicaines, à savoir l’élection d’un nouveau président de la République. C’est pourquoi les Libanais, toutes catégories confondues, sont inquiets et se demandent s’il faut interpréter l’absence éventuelle de garanties palpables pour parer à des circonstances aussi graves de la vie de la nation, comme un présage de bouleversements fondamentaux futurs et conséquents à l’exécution du plan régional précédemment indique. Tout pour le moment porte malheureusement à le croire, seul l’avenir proche peut réellement le déterminer ! Mais en attendant, et dans la dernière ligne droite qui nous sépare de l’échéance présidentielle, les politiques de ce pays et les chrétiens plus particulièrement doivent prendre conscience de ces réalités stratégiques et de l’urgence de se solidariser pour sauver cette élection en l’assumant à n’importe quel prix afin d’éviter le vide constitutionnel qui pourrait entraîner un effondrement général. Personne, religieux ou civils, n’a donc droit à l’erreur, et encore moins à mettre en péril impunément la république. Engagés sur ce même bateau à la dérive, il faudra, coûte que coûte, le ramener à quai, ou s’attendre à couler, tous ensemble. L’heure de vérité sonne aujourd’hui à ce rendez-vous de l’histoire. Est-ce que tous les acteurs libanais de ce « Grand théâtre national » seront au rendez-vous le 21 novembre 2007, pour sauver ce pays message d’amour, de tolérance, de liberté et de démocratie ? Salim DAHDAH Conseiller en stratégie et en relations publiques
La réunion d’Istanbul représente-elle une phase charnière entre les différentes crises qui secouent un Moyen-Orient en perpétuel mouvement ? S’inscrit-elle dans le cadre de ce long périple engagé, depuis 1948 par Israël, et à ces côtés, par l’Occident tout entier, pour introduire dans cette géographie du monde une nouvelle entité étatique et réhabiliter une histoire vieille de deux mille ans ?
Le chemin de Croix qui jalonne les « terres sacrées » de toutes ces régions est toujours aussi pesant. Drapé dans un symbolisme inspiré de cette période dramatique qui a caractérisé l’histoire des religions à l’aube du premier millénaire, ce nouvel objectif social et politique, qui a été réfléchi et construit à partir des appartenances religieuses et géographiques d’antan de ceux qui s’en prévalent,...