Actualités - OPINION
Regain d’optimisme pour la dernière ligne droite Philippe ABI-AKL
Par ABI AKL Philippe, le 23 octobre 2007 à 00h00
Nous voici arrivés au dernier mois de l’échéance présidentielle. Après des hauts et des bas, c’est sur une note d’optimisme, prudent quand même, que la fin du parcours s’annonce. Un climat positif auquel la troïka européenne (Kouchner, D’Alema et Moratinos) a certainement contribué. Mais dont l’élément concret majeur reste la détente au sein de la frange maronite, concernée au premier chef par la première magistrature. Détente initiée par les efforts de Bkerké et que les retrouvailles Gemayel-Aoun illustrent bien.
La tendance dominante, que n’occultent pas les surenchères négociatoires de part et d’autre, est à la quête d’un président d’entente. Un nom, un seul ? Peut-être pas, la préférence générale allant plutôt à une sélection de postulants plausibles, plutôt réduite du reste, parmi lesquels la Chambre choisirait.
Dès lors, les protagonistes devraient aller assez vite en besogne. Car le rendez-vous initial de ce 23 octobre n’a été reporté qu’au 12 novembre, soit dans trois petites semaines. À l’avant-veille de la date butoir fatidique du 14 que la Constitution fixe comme délai ultime pour un scrutin obligatoire. En enjoignant à la Chambre de se réunir ce jour-ci très précisément, de plein droit en tant que collège électoral.
La bourse des noms prend donc son élan. En base, essentiellement, des qualifications établies par Bkerké. Un président propre et probe, compétent, capable, attaché aux constantes nationales. Mais aussi, rassembleur. Comme l’a également, et fortement, souhaité la troïka européenne. Et comme le veulent les médiateurs arabes, voire Téhéran.
Doutes
Mais cela ne va pas sans une certaine équivoque. Ou même une certaine contradiction de fond. Car, en bonne logique, pour être unanimement applaudi, un tel président devrait être équidistant de tous. Donc neutre. Et bonjour, alors, l’attachement à l’indépendance, la souveraineté, l’État de droit seul armé, seul maître du terrain. À moins, bien entendu, qu’on ne lui reconnaisse un statut d’arbitre, également souverain, tranchant le cas échéant en faveur du bon droit, sans être obligé de couper la poire en deux. Or, la Constitution de Taëf ne lui reconnaît pas un tel pouvoir, qu’elle attribue au Conseil des ministres. Tout ce qu’un président peut faire, c’est montrer par son comportement qu’il n’est l’ennemi malintentionné d’aucune partie libanaise et qu’il essaie, toujours, d’arrondir les angles. Mais il ne peut évidemment pas adopter une telle attitude d’empathie à l’égard de fractions qui s’avisent de combattre l’État, et la nation, dont il est le premier symbole.
Cela ressort du reste de la condition suivante évoquée dans le manifeste épiscopal maronite dit des normes : un président doit savoir décider par lui-même et pour lui-même. Savoir dire non quand il le faut. Avoir le courage de ses opinions, nationales s’entend, loin de tout suivisme et de toute influence.
L’une de ses principales missions étant de dynamiser le redressement, institutionnel autant que socio-économique, en soutenant les réformes, en maximisant l’aide extérieure qui va dans ce sens.
Abondant dans le même sens, les loyalistes précisent que le président doit être un patriote engagé, convaincu, à forte personnalité, capable de batailler pour l’indépendance, la souveraineté et l’application des résolutions internationales qui consacrent ces droits élémentaires. À savoir la 1559, la 1701 et la 1757.
Clivage
Or, ces caractéristiques impliquent, par elles-mêmes, un choix de ligne, donc de programme global, déterminé. Qui n’est pas absolument celui des opposants. Et absolument pas celui des prosyriens.
Dont la défense consiste, on le sait, à contre-attaquer, en accusant la majorité, et plus particulièrement Joumblatt et Geagea, de faire le jeu des Occidentaux, Américains en tête, face au tandem syro-iranien. Et les loyalistes leur rendent la politesse, en leur reprochant d’être à la solde de cet axe régional.
Mais ce facteur récurrent de discorde, que les protagonistes mettent en relief dans les phases d’escalade, s’estompe, se trouve mis de côté, dans les moments de décrispation. Ce qui est le cas aujourd’hui, grâce aux efforts combinés de Bkerké, de Berry, des conciliateurs européens ou arabes. Et, il faut le souligner, de l’Iran qui redoute des affrontements entre chiites et sunnites. Et qui se déclare pour une présidentielle libanaise normale. Sans trop se mettre en vedette, pour ne pas aller sur les brisées d’une Syrie qui n’est visiblement pas du même avis.
Il convient de signaler également que la Curie romaine recommande de ne pas articuler la quête d’un accord sur le programme général. Car ce dossier comprend trop d’éléments conflictuels pour un arrangement dans les délais.
Négociations
Donc, on oublie un peu actuellement la controverse sur les options de fond à retenir, et partant sur la déclaration ministérielle du prochain cabinet. Pour se focaliser sur le profil d’un président qui serait persona grata aux yeux de tous. C’est ce dont Berry et Hariri ont traité vendredi. Parallèlement au comité quadripartite mixte mis en place, du côté des majoritaires et opposants maronites, dans la foulée de l’initiative de Bkerké.
De source informée, l’on indique que Berry a d’abord conféré avec le chef du Courant du futur des cas de Michel Sleimane et de Riad Salamé. En faisant valoir que pour le commandant en chef de l’armée, toutes les études juridiques confirment la nécessité d’un amendement de la Constitution. Bien que certains politiciens estiment qu’on peut passer outre, vu qu’à leur avis le pays se trouve devant un cas de force majeure, imposant le recours à un sauveur. Pour Salamé, par contre, il n’y a pas besoin d’amendement, jugent les spécialistes, du moment qu’il n’a pas statut de fonctionnaire.
De même source, on ajoute que Berry a ensuite discuté avec Hariri des présidentiables que lui-même classe comme consensuels. Il s’agit notamment de Michel Eddé, Farès Boueiz, Boutros Harb, Robert Ghanem et Jean Obeid. Cependant, les deux hommes, qui négocient comme on sait au nom de l’opposition et de la majorité, sont convenus de ne rien faire, de ne rien proposer, qui puisse aller contre l’initiative de Bkerké qu’ils veulent, au contraire, soutenir à fond. Ils ont donc décidé d’attendre la fumée blanche du patriarcat, via le comité quadripartite maronite, avant de reprendre les pourparlers sur les présidentiables plausibles.
L’événement
Le dimanche en étant le premier jour, la semaine s’est ouverte sur les spectaculaires retrouvailles Gemayel-Aoun au domicile de l’homme d’affaires Élias Abou Saab, époux de l’artiste Julia Boutros, qui réside ordinairement à Dubaï. C’est d’ailleurs l’un de ses compatriotes et collègue de là-bas, Joseph Ghossoub, ami des deux leaders, qui s’est fendu en quatre pour organiser la rencontre. À laquelle de multiples entretiens entre le Dr Sélim Sayegh et Gebran Bassil avaient pavé la voie. L’objectif final étant cette réconciliation à quatre Gemayel-Aoun-Geagea-Frangié dont on avait parlé à l’origine et qui n’a pu avoir lieu. Une recimentation des rangs sous l’égide de Bkerké, pour que les chrétiens, maronites en tête, retrouvent ce rôle politique majeur dont leurs divisions les privent.
Dans le même sens, le comité de suivi se retrouve ce mardi à Bkerké pour sa troisième séance de travail. Il se compose, comme on sait, d’Élias Abou Assi, Marwan Sakr, Nagi Hayeck et Youssef Saadé. La fois précédente, ces cadres sont convenus d’une liste de 12 présidentiables, passée ensuite au crible des critères épiscopaux par l’un des cinq évêques qui secondent Mgr Sfeir dans sa démarche.
À noter, pour compléter la note d’optimisme, les propos tenus par Sleimane Frangié qui assure que le général Aoun son allié et lui-même soutiennent à fond le principe d’entente. Ce qui implique, précise-t-il, que nul ne doit chercher à imposer son propre candidat. De son côté, le général affirme maintenant qu’il est disposé à se désister, au nom de l’entente nationale, pour tout candidat maronite qui serait assuré d’obtenir plus que les deux tiers des suffrages parlementaires.
Nous voici arrivés au dernier mois de l’échéance présidentielle. Après des hauts et des bas, c’est sur une note d’optimisme, prudent quand même, que la fin du parcours s’annonce. Un climat positif auquel la troïka européenne (Kouchner, D’Alema et Moratinos) a certainement contribué. Mais dont l’élément concret majeur reste la détente au sein de la frange maronite,...
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