Airbus a livré hier à Toulouse le premier exemplaire de son A380, le plus gros avion de ligne de l’histoire, à Singapore Airlines, avec 18 mois de retard et en pleine affaire de délits d’initié au sein de sa maison mère EADS. Le programme a été retardé par des problèmes de fabrication et de coordination entre les différents sites de production d’Airbus. Ces retards sont à l’origine de l’affaire de délits d’initié qui secoue la maison. Airbus a démenti hier des spéculations portant sur d’éventuels retards supplémentaires de l’A380, Selon le Journal du Dimanche, la filiale du groupe EADS reste préoccupée par ses livraisons et aurait mis en place le mois dernier une nouvelle série de mesures destinées à prévenir tout nouveau retard. Après une seule livraison cette année, celle concernant Singapore, Airbus prévoit de livrer treize A380 l’an prochain. Interrogé sur le respect de cet objectif en 2008, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, a répondu : « C’est notre objectif et nous le respectons. Nous avons dit que c’était un défi, bien sûr, mais nous sommes dans les temps. » Des difficultés industrielles liées aux équipements électriques de l’A380 ont entraîné de profonds remaniements au sein de la direction d’Airbus, provoqué des pertes chez le constructeur aéronautique et retardé de deux ans le plus grand projet industriel européen, des difficultés qui se sont également traduites par l’annonce d’un projet de 10 000 suppressions d’emploi. « L’A380 n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Augmenter la production d’A380 pour répondre à la demande représente notre plus grand défi pour les deux années à venir », a déclaré aux journalistes, fournisseurs et employés d’Airbus Tom Enders, président du constructeur. Le premier exemplaire de l’A380 entrera en service le 25 octobre pour un premier vol spécial reliant Singapour à Sidney, dont les bénéfices seront reversés à des œuvres caritatives, les vols réguliers devant débuter le 28 octobre. Singapore Airlines a dévoilé l’aménagement de la cabine de son A380, qui peut accueillir 471 passagers, contre 525 sièges dans la version standard de l’avion géant et environ 800 dans la version charter. Défi industriel L’A380 de Singapore Arlines propose notamment une première classe haut de gamme nommée « Singapore Airlines Suites » et qui est censée « redéfinir les standards du transport aérien de luxe ». Les divertissements à bord comprendront une centaine de films, plus de 180 programmes télévisés, 700 disques compacts et plus de 22 fréquences radio. John Leahy a également déclaré qu’il n’excluait pas d’autres commandes d’A380 d’ici à la fin de l’année, après avoir reçu quelque 30 commandes ou engagements de commandes depuis le début de l’année. « Je pense que nous pouvons faire encore mieux pour l’A380 cette année », a-t-il dit. Airbus dispose de 165 commandes fermes d’A380, mais les récents accords signés avec British Airways et Grupo Marsans portent le total à 189 commandes de la part de 16 clients pour cet avion dont le prix catalogue, purement indicatif, est de 300 millions de dollars. Son grand rival Boeing estime pour sa part que la demande d’appareils de plus de 500 sièges représente un marché de niche comparé à la demande d’avions de taille moyenne qui sont en projet. Avec ses deux étages et ses espaces prévus pour un bar ou des boutiques, l’A380 revendique 50 % d’espace en plus que le 747 de Boeing et ses concepteurs estiment qu’il imposera de nouveaux standards dans le transport aérien de luxe. Richard Branson, le patron de Virgin Atlantic, a notamment promis d’équiper ses appareils de lits doubles et de casinos. La livraison par Airbus du premier A380 à Singapore Airlines doit marquer le renouveau de l’avionneur européen même si la fête est sérieusement perturbée par les soupçons de délits d’initié qui pèsent sur ses dirigeants et ceux d’EADS. Airbus peut toutefois trouver un certain réconfort dans l’annonce la semaine dernière par Boeing d’un report de six mois de la livraison du premier B787 Dreamliner qui relativise quelque peu les retards accusés par le programme A380, qui ont précipité Airbus dans la crise. Le constructeur basé à Toulouse devra faire face à ce qui s’annonce comme son plus grand défi industriel en 2008 et 2009, le calendrier fixé par Airbus prévoyant 13 livraisons la première année et 25 la deuxième. Des représentants d’Airbus ont en outre indiqué s’attendre à ce que le constructeur présente une nouvelle mouture de la version cargo de l’A380 d’ici à 2014 ou 2015, après avoir revu son projet vers 2009.