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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE L’opposition chrétienne se rend aujourd’hui à Bkerké, sans grande conviction ni réelle volonté de concession

Toutes les prières du monde n’y feront rien. La rencontre interchrétienne initialement voulue comme historique, a dû être scindée en deux. Cela, bien au-delà du symbolisme, dénote un clivage réel, même entre frères rivaux, même entre les membres d’une communauté tellement minoritaire à l’échelle du Proche et Moyen-Orient que le Vatican a dû peser de tout son poids pour tenter de ramener les protagonistes chrétiens à la raison. L’espoir suscité par l’annonce de Bkerké de réunir, ensemble, les pôles maronites de la majorité et de l’opposition a rapidement cédé la place au goût amer – mais désormais tellement familier – de la résignation et du désenchantement. À l’ordre du jour du patriarcat aujourd’hui figure néanmoins, non pas une discussion sur les noms du candidat potentiel à la présidentielle, mais bien une insistance sur la nécessité pour tous les députés chrétiens de se rendre à la séance électorale. Le patriarche Sfeir devrait inciter les députés – tant de l’opposition que de la majorité – à se rendre à l’hémicycle le jour du vote, « s’ils veulent réellement barrer la route à la marginalisation des chrétiens », comme le souligne une source proche de Bkerké. Cette même source précise aussi que Mgr Sfeir veut mettre l’accent sur le document rédigé par les évêques Samir Mazloum, Béchara Rahi et Youssef Béchara, qui retrace les constantes de l’Église maronite et qui devrait être approuvé par tous les pôles maronites, toutes tendances politiques confondues. Sera aussi à l’ordre du jour le pacte d’honneur élaboré par Bkerké pour mettre un terme aux violentes joutes verbales intrachrétiennes. Le problème, c’est que même en ayant accepté de se rendre au patriarcat sur invitation du chef de l’Église maronite, aucun des deux pôles opposants ne semble décidé à offrir une quelconque concession en vue de parvenir à un consensus sur le dossier de la présidentielle. Du côté de l’opposition, notamment du courant des Marada, l’avocat Sleimane Frangié, chargé des relations avec la presse, précise que « concernant une rencontre large et englobant tous les pôles, nous n’avons pas de réserves ». Mais, concernant l’obligation de se rendre au Parlement le jour de l’élection, les Marada ne cachent pas leur désaccord ni leur détermination à boycotter la séance en l’absence d’un consensus sur le futur candidat. « Nous respectons ce qui dit Bkerké, mais le patriarcat a son opinion politique et nous avons la nôtre. Nous avons le droit d’être en désaccord sur le plan politique ». Et même si, pour les Marada, la position de Bkerké concernant le quorum des deux tiers nécessaires pour la tenue de la séance électorale est parfaitement acceptable, il reste que le courant de Sleimane Frangié n’est pas prêt à « se rendre à l’hémicycle pour garantir un quorum à la majorité pour qu’elle puisse élire son propre candidat. Nous voulons renforcer l’influence des chrétiens dans ce pays et cela ne passera pas par un président faible. C’est notre droit démocratique le plus absolu de choisir de ne pas nous rendre place de l’Étoile ». Des informations faisant état de l’absence de Sleimane Frangié la réunion d’aujourd’hui ont en outre été démenties par les Maradas, qui ont assuré que M. Frangié était déterminé à se rendre à Bkerké. Même son de cloche du côté du courant aouniste, qui a certifié la présence de Sleimane Frangié. Sur l’état d’esprit avec lequel Michel Aoun se rendait à la réunion avec le patriarche, Alain Aoun, un cadre du CPL, a indiqué que « c’est le patriarche qui a pris l’initiative de cette réunion. Il a un message à délivrer, on ne sait pas au juste ce qu’il compte nous dire ». Concernant le point de vue du courant aouniste, celui-ci cherche avant tout à ce que « la Constitution soit respectée » et à ne pas « participer à l’élection présidentielle uniquement pour assurer un quorum à la majorité ». Tout comme il ne semblerait pas disposé à transiger sur la candidature de Michel Aoun, « sauf en cas de discussion basée sur des critères objectifs ». Le message direct que compte malgré tout faire passer le patriarche selon ses proches, c’est un interdit moral de procéder au boycott, même s’il est parfaitement conscient de l’inutilité de cet appel aujourd’hui. Faut-il le rappeler une fois encore, le Vatican a usé de toute son influence pour convaincre le patriarche d’amorcer des discussions interchrétiennes pour insister auprès des deux camps sur l’extrême nécessité de tenir les élections présidentielles dans les délais constitutionnels, aussi bien qu’avec un quorum des deux tiers. Mgr Sfeir, toujours selon ses proches, est néanmoins parfaitement conscient du fait que ses appels resteront lettre morte tant qu’aucune volonté politique, aussi bien interne qu’externe, ne viendra les concrétiser. Sur ce plan, justement, des informations puisées à bonne source indiquaient que rien ne bougera, du moins pas avant la rencontre prévue en début de semaine prochaine, entre le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud el-Fayçal, et son homologue iranien, Manouchehr Mottaki. Il faudra aussi attendre les retombées de la visite moyen-orientale de la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice. Pendant ce temps, la Syrie continue de s’agripper à la carte libanaise pour tenter de négocier un deal avec les États-Unis. D’ailleurs et les Libanais ne le savent que trop, pas d’élections présidentielles dans leur pays sans l’aval, au moins implicite, de Damas. Lélia MEZHER
Toutes les prières du monde n’y feront rien. La rencontre interchrétienne initialement voulue comme historique, a dû être scindée en deux. Cela, bien au-delà du symbolisme, dénote un clivage réel, même entre frères rivaux, même entre les membres d’une communauté tellement minoritaire à l’échelle du Proche et Moyen-Orient que le Vatican a dû peser de tout son poids pour tenter...