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Les États-Unis, la Russie et l’Union européenne appellent la Turquie à la retenue En autorisant une incursion en Irak, Ankara cède aux pressions de l’armée

Le durcissement de ton du gouvernement turc à l’égard des séparatistes kurdes renforce la main des généraux qui veulent neutraliser depuis des mois les camps du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Irak, estiment les analystes. Hier, Washington, Moscou et Bruxelles ont appelé Ankara à la retenue, après ses menaces de lancer « si nécessaire » une opération transfrontalière. «Cela serait très utile (...), je ne peux pas dire que nous en finirons avec le PKK, mais une incursion portera un grand coup » contre les rebelles réfugiés en Irak, avait déclaré cet été le chef de l’armée turque, le général Yasar Büyükanit, insistant sur la nécessité d’une autorisation politique. Le feu vert politique a été finalement donné mardi à une opération transfrontalière en Irak, « si nécessaire », lors de la réunion d’une instance antiterroriste réunissant les principaux dirigeants civils et militaires du pays, sous la houlette du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier, craignant de vexer l’allié américain, s’était jusque-là opposé à une incursion en Irak avant d’épuiser toutes les voies diplomatiques. Depuis l’intervention américaine contre l’Irak en 2003, les Kurdes irakiens ont été les premiers alliés des Américains. Or Ankara accuse les Kurdes d’Irak d’approvisionner leurs « frères » du PKK en armes et en explosifs sur leur territoire, sanctuaire à partir duquel les rebelles s’infiltrent en Turquie pour y mener des attaques. « Si le gouvernement avait donné son feu vert en avril, quand l’armée l’avait demandé pour la première fois, il n’y aurait pas eu autant de morts aujourd’hui », assure le général à la retraite Necati Özgen, se référant aux soldats tués dans des combats avec le PKK, dont 15 le week-end dernier, le bilan le plus lourd depuis 1995. Cet ancien général quatre étoiles souligne que même si une opération n’est pas imminente, « la menace d’une incursion va faire réfléchir à deux fois les Américains et les Kurdes d’Irak ». Des manifestations ont été organisées ces trois derniers jours à travers la Turquie pour dénoncer le PKK, dont certaines critiquant particulièrement le laxisme des États-Unis à l’égard de ce groupe qui figure sur leur liste des organisations terroristes. M. Erdogan était de plus en plus pressé par l’opposition et les médias à sévir contre le PKK en Irak, sur fond d’exaspération populaire attisant les sentiments antiaméricains en Turquie, pays membre de l’OTAN. Pour lancer une opération d’envergure dans la montagne irakienne il faut un feu vert des députés, comme le demande la Constitution. Une motion pourrait être présentée dès la semaine prochaine, précise-t-on de source parlementaire. M. Erdogan a confirmé hier ces informations. « Des préparatifs sur une motion ont commencé et se poursuivent », a-t-il dit. Ce texte ne sera pas immédiatement appliqué, mais « sera une façon de montrer que la Turquie est sérieuse et déterminée », a indiqué le général à la retraite Edip Baser, sur la chaîne NTV. Cet officier faisait partie d’un groupe de travail tripartite constitué en 2006 pour encourager le dialogue avec les Irakiens. Mais lui et son homologue américain, le général à la retraite Joseph Ralston, ont quitté cette instance devenue obsolète. Washington et Bagdad ont de nouveau tenté hier de dissuader Ankara de recourir à une intervention unilatérale, mais leurs voix semblent avoir de moins en moins d’effet. « Nous ne pensons pas que la meilleure chose à faire, ce soit que des soldats entrent de Turquie en Irak. Nous pensons que nous pouvons nous occuper de cette affaire sans que cela soit nécessaire », a dit la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino. « Nous avons dit que nous voulions coopérer avec le gouvernement turc et les Irakiens pour éradiquer le problème terroriste dans le nord de l’Irak », a-t-elle ajouté. « Depuis des mois, la Turquie attend en vain des actions de la part des États-Unis », a déclaré l’ancien ambassadeur de Turquie à Washington, Faruk Logoglu, qui estime que la réaction américaine à une éventuelle incursion serait sans doute « limitée ». Ankara et Bagdad ont récemment signé un accord pour contrer le PKK, mais il ne permet pas aux troupes turques de poursuivre les rebelles en fuite en territoire irakien, comme ce fut le cas dans les années 90. Ankara envisage aussi des mesures de rétorsion économique pour isoler le Kurdistan irakien qui s’approvisionne en électricité depuis la Turquie. En outre, la police a arrêté 20 militants kurdes soupçonnés d’avoir « reçu l’ordre de (...) créer une atmosphère de chaos dans la population » et de vouloir préparer des désordres dans le sud-est de la Turquie, ont affirmé hier des sources locales. Les suspects, parmi lesquels figurent huit femmes, ont été interpellés à un poste-frontière de la province de Sirnak alors qu’ils s’apprêtaient à entrer en Turquie depuis l’Irak. Le PKK devra être évoqué en priorité lorsque M. Erdogan sera reçu en novembre par le président George W. Bush à la Maison-Blanche. Moscou a également appelé Ankara à la retenue. « Nous comprenons la préoccupation des autorités turques face à la vague d’attaques terroristes survenues ces derniers temps », a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Kamynine. « Dans le même temps (...), nous appelons les parties au conflit à faire preuve de la plus grande retenue et de leur capacité à mesurer à long terme toutes les conséquences possibles de leurs actes », a déclaré le porte-parole. M. Kamynine a mis en garde contre « les conséquences négatives à long terme pour la sécurité et la stabilité dans un contexte régional large ». De son côté, la Commission européenne a rappelé la nécessité de respecter « l’intégrité territoriale de l’Irak ». « L’UE et la Turquie se sont régulièrement engagées pour l’indépendance, la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Irak », a indiqué Krisztina Nagy, porte-parole du commissaire européen à l’Élargissement, Olli Rehn. « Nous espérons que la Turquie continuera à jouer un rôle constructif pour atteindre ces objectifs et promouvoir la coopération régionale », a-t-elle ajouté.
Le durcissement de ton du gouvernement turc à l’égard des séparatistes kurdes renforce la main des généraux qui veulent neutraliser depuis des mois les camps du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Irak, estiment les analystes. Hier, Washington, Moscou et Bruxelles ont appelé Ankara à la retenue, après ses menaces de lancer « si nécessaire » une opération transfrontalière....