Sarah Élias Ibrahim avait à peine deux mois. Elle est décédée mardi dernier dans une garderie de Mansourieh, où ses parents l’avaient placée pour la deuxième journée consécutive. Elle a été retrouvée inanimée, alors qu’elle dormait sur le ventre. Transporté dans un premier temps à l’Hôpital militaire, le nourrisson, dont le père fait partie des forces spéciales de l’armée, a été transféré à l’Hôpital gouvernemental de Baabda, pour l’autopsie et l’examen anatomo-pathologique, dans le but d’éclaircir les circonstances du décès. S’agit-il d’une mort subite ou d’une suffocation ? Seule l’enquête le dira. Mais le scandale réside dans le fait que cette garderie, dont nous tairons le nom, « n’avait pas de permis d’exercer », selon la responsable du dossier des garderies au ministère de la Santé, Amal Mansour. « Elle avait bien reçu une mise en demeure du ministère de la Santé, il y a tout juste un mois, la sommant de cesser ses activités, car la propriétaire avait ignoré les invitations du ministère à légaliser sa situation. Mais cette décision judiciaire n’a jamais été appliquée par les forces de l’ordre. La petite garderie exerçait en toute illégalité, et sans infirmière de surcroît, comme l’exige la loi », explique encore cette ancienne infirmière et docteur en santé publique, qui tient à préciser que « le ministère de la Santé n’a pas l’autorité d’user de la force pour faire appliquer la loi ». Appel à la vigilance des parents Étrangement, la mort de la petite Sarah survient moins de sept mois après celle de la petite Perla Bou Abboud, décédée elle aussi dans une garderie de Mansourieh, à l’âge de cinq mois, le 7 mars 2007. L’acte d’accusation avait alors conclu à la suffocation de l’enfant, et mis en accusation la propriétaire de la garderie et la nounou en charge de l’enfant. Ce dramatique décès, qui avait défrayé la chronique, avait mis en exergue le manque de compétence des autorités à faire appliquer la loi et à contrôler sérieusement la profession, dans le respect de la sécurité de l’enfant. Il avait également fait la lumière sur le recours en invalidation (concernant le dernier décret sur les garderies) présenté auprès du Conseil d’État par la présidente du Syndicat des propriétaires de garderies au Liban, Hana Joujou, demandant que les garderies soient placées sous la tutelle du ministère des Affaires sociales, et non pas sous celle du ministère de la Santé. De son côté, le ministère de la Santé avait accordé son soutien au Syndicat des garderies spécialisées au Liban, présidé par Charbel Abi Nader, espérant en contrepartie que cette collaboration lui permettrait de mieux contrôler la profession. Mais aujourd’hui, et alors que le ministère affirme avoir effectué un recensement exhaustif de l’ensemble des garderies du Metn et identifié les garderies exerçant illégalement, les choses en sont toujours au même point. « Nous espérons pouvoir imposer aux garderies l’obligation d’afficher leur permis à l’entrée de l’établissement », indique encore Amal Mansour, tout en invitant les parents à être très vigilants et à exiger de voir les permis d’exercer des garderies, avant d’y placer leurs enfants. La responsable tient cependant à ajouter que « même certaines garderies qui obtiennent leur permis en toute légalité commettent des irrégularités par la suite », montrant ainsi que les moyens limités dont dispose le ministère pour exercer son autorité. Après le décès de la petite Sarah, le parquet a ordonné la fermeture de la garderie de Mansourieh. Les résultats de l’autopsie et de l’examen anatomo-pathologique devraient être connus samedi. Mais alors que les priorités des politiciens sont aux antipodes de la sécurité de l’enfance, combien d’autres garderies continuent-elles encore à exercer, dans l’illégalité la plus totale, faisant fi des règles de sécurité et d’hygiène les plus élémentaires ? Anne-Marie EL-HAGE