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Actualités - ANALYSE

Marketing Papa, tu m’achètes une voiture ?

Par le Dr Jan SHAAPER* Il y a dix ans, en 1997, la publicité pour la Peugeot 806 mettait en scène des enfants qui appréciaient l’espace et le confort de la voiture, suivi d’un slogan qui est resté dans la mémoire des consommateurs : « La 806, la voiture que les enfants conseillent à leurs parents. » Plus récemment, la publicité pour la Renault Scénic, sur un fond de musique répétant quatre fois « I feel just like a child », montre deux enfants, fille et garçon, attachés à l’arrière de la voiture, bien sûr avec papa et maman devant, regardant un éléphanteau qui fait éclater une bulle de chewing-gum rose. Ou encore, la pub pour la Renault Kangoo, où un père au zoo montre un kangourou à son fils qu’il porte dans ses bras, alors que l’enfant répète « Kangoo » faisant allusion à la voiture juste derrière le zoo. Outre ces deux marques françaises, la prestigieuse marque Mercedes n’est pas en reste. Une publicité pour la Classe S met en scène une fille paniquée qui cherche Spiky, son hamster. Maman téléphone à Papa qui conduit sa Mercedes confortablement pendant que Spiky court dans la jante de la roue de la Mercedes. Selon le Bureau de vérification de la publicité, alors que 88,5 % des publicités sont destinées en principe aux adultes, presque un message publicitaire sur cinq est assisté par la présence d’un enfant. Cela pose la question du degré d’influence qu’ont les enfants sur les achats de leurs parents, ce qu’on appelle habituellement la prescription enfantine. Ce point intéresse depuis longtemps les chercheurs et professionnels du marketing. Malgré un consensus très large pour reconnaître la place tout à fait considérable que les enfants ont comme acteurs dans la sphère de la consommation familiale, les résultats des recherches, pourtant relativement nombreuses, n’ont pas véritablement contribué à clarifier les idées. On peut évoquer plusieurs hypothèses pour expliquer cette méconnaissance. D’abord, la prescription enfantine est un processus subtil et difficile à mesurer. Puis elle intervient à différents stades du processus d’achat, entre la prise de conscience d’un besoin jusqu’à l’évaluation finale de produits disponibles pour effectuer l’achat. Enfin, l’estimation du degré d’influence de l’enfant dans l’achat diffère selon que l’on interroge les parents, qui la sous-estiment, ou les enfants, qui la surestiment. Cependant, toutes les études s’accordent pour constater que la prescription enfantine croît avec l’âge de l’enfant. Dès 4 ans, l’enfant influe sur des achats qui le concernent directement, comme ses céréales et ses jeux et jouets. À partir de 9 ans, son influence concerne un ensemble de courses hebdomadaires. À partir de 11 ans, l’enfant cherche son indépendance et à partir de 14 ans sa prescription se généralise. Les chercheurs du Centre européen des produits de l’enfant (www.cepe.univ-poitiers.fr), auteurs d’un ouvrage collectif intitulé L’Enfant consommateur (Vuibert, 2005), proposent un certain nombre de variables qui jouent sur l’importance de la prescription enfantine en matière de consommation familiale. D’abord, la prescription est plus forte dans des catégories socioprofessionnelles ayant des revenus élevés. Secundo, les enfants ont plus d’influence sur l’achat de produits peu chers, ce qui n’est pas le cas d’une voiture. Tertio, les enfants ont plus de chances d’obtenir leurs produits préférés lorsqu’ils répètent souvent leur demande. Ensuite, les parents sont plus enclins à écouter leurs bambins lorsqu’ils connaissent bien les marques préférées de leurs enfants. Puis, la prescription enfantine marche mieux auprès des parents qui ont adopté des valeurs éducatives libérales. Enfin, qui en doutait, la prescription enfantine est plus forte chez les filles que chez les garçons, qui semblent ainsi déjà jouer leur futur rôle de mère de famille. Cependant, ces recherches ne démontrent pas forcément l’efficacité de la prescription enfantine en matière d’achat d’une voiture. Ou bien l’achat d’une voiture miniature. * Maître de conférences HDR, coordinateur académique à l’École supérieure des affaires, Beyrouth. En coopération avec l’ESA
Par le Dr Jan SHAAPER*

Il y a dix ans, en 1997, la publicité pour la Peugeot 806 mettait en scène des enfants qui appréciaient l’espace et le confort de la voiture, suivi d’un slogan qui est resté dans la mémoire des consommateurs : « La 806, la voiture que les enfants conseillent à leurs parents. » Plus récemment, la publicité pour la Renault Scénic, sur un fond de musique répétant quatre fois « I feel just like a child », montre deux enfants, fille et garçon, attachés à l’arrière de la voiture, bien sûr avec papa et maman devant, regardant un éléphanteau qui fait éclater une bulle de chewing-gum rose. Ou encore, la pub pour la Renault Kangoo, où un père au zoo montre un kangourou à son fils qu’il porte dans ses bras, alors que l’enfant répète « Kangoo » faisant allusion à la voiture juste...