Pourquoi avoir attendu jusqu’au soir du 19 septembre pour réagir ? La conjoncture régionale et internationale a-t-elle réellement varié depuis ce funeste 19 décembre pour permettre aujourd’hui aux différents pôles politiques de s’activer d’une manière aussi dynamique que constructive ?
Le fait est que, enfin, quelque chose a bougé. Un brin, un reste de conscience, un sentiment diffus de responsabilité aura été sûrement ressenti de part et d’autre. Peut-être parce que le député Antoine Ghanem, assassiné le 19 septembre, était, par excellence, homme de modération, de dialogue et de consensus. Peut-être parce que sa mort aura servi à activer les sonnettes d’alarme des chancelleries du monde entier, pour qu’enfin elles se décident à exercer des pressions conséquentes sur la Syrie.
Idéalement, ce réveil en sursaut aurait débouché sur l’élection d’un nouveau président de la République, le 25 septembre, c’est-à-dire demain. Mais bien sûr, le Liban étant ce qu’il est, la session de demain se limitera à une séance de dialogue, de « dégel », comme s’est plu à le souligner une source bien informée.
En clair, seuls les députés de l’Alliance du 14 Mars se rendront demain à l’hémicycle. Les membres du bloc Amal se contenteront d’effectuer une permanence dans leurs bureaux du Parlement et ne se rendront à la séance que si le quorum des deux tiers pourra être atteint.
Les élus du Hezbollah et du Courant patriotique libre (CPL) ont quant à eux purement et simplement décidé de boycotter la séance, chacun pour ses raisons.
Pour le CPL, seul un consensus sur la personne du député Michel Aoun comme candidat à la présidentielle mériterait un détour par la Chambre.
Pour le Hezb en revanche, il devient clair que, plus le temps passe, moins Michel Aoun reste réellement son candidat de prédilection. Mais le parti de la Résistance compte jouer la carte du suspense jusqu’au bout, en s’abstenant de faire connaître, pour le moment, le nom de son candidat favori, souligne la source précitée.
Pour le président de la Chambre et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, l’enjeu de la séance de demain reste néanmoins de taille. Il s’agit pour lui de prouver qu’il compte poursuivre son initiative jusqu’au bout et qu’il désire parvenir à un consensus sur le futur président, afin de prouver à ses détracteurs qu’ils ont tort de croire que tous ses efforts ne sont que gesticulations de façade. M. Berry a ainsi assuré au député Ghassan Tuéni qu’il sera présent à la séance de demain, mais que « si le quorum n’est pas atteint, nous la reporterons ». Les députés du bloc Amal ont effectué pour leur part un forcing tout le week-end durant pour rappeler l’importance de l’initiative de M. Berry ; ainsi, le député Yassine Jaber affirmait que « l’initiative de M. Berry est salutaire, et nous espérons qu’elle sera couronnée de succès puisqu’elle a été appuyée et soutenue par tous ». Ali Bazzi a de son côté insisté sur la détermination du président de la Chambre qui n’a fait que se renforcer à la suite de l’attentat qui a coûté la vie à Antoine Ghanem : « M. Berry va insister encore plus pour aller de l’avant afin de dépasser la crise actuelle et empêcher que la crise vienne à bout des Libanais dans leur ensemble. »
Il reste une inconnue à ce tableau : la date de la réunion entre le patriarche maronite Nasrallah Sfeir et Nabih Berry, initialement prévue pour la semaine passée, avant l’odieux assassinat du député Kataëb. À ce propos, une source bien informée souligne que la rencontre Sfeir-Berry n’aura vraisemblablement pas lieu avant la séance de demain, car elle permettra aux deux hommes d’évaluer les résultats de cette première ébauche de dialogue, la première depuis plus d’un an.
Le week-end aura néanmoins été prolifique, puisqu’il s’est soldé, samedi, par une rencontre entre M. Berry et le chef du parti Kataëb, Amine Gemayel. Une réunion à l’issue de laquelle l’ancien chef de l’État a mis en relief l’importance de la réunion de demain, place de l’Étoile. « Que la séance de mardi serve de porte d’entrée. Nous sommes conscients des difficultés qui nous attendent. Que cette séance soit une séance de dialogue », a souligné M. Gemayel, qui a aussi indiqué qu’il devenait urgent de « sortir le pays du dangereux marécage dans lequel il est plongé depuis une longue période ». « Je fais personnellement partie de ceux qui pensent que la session du 25 septembre devra servir au dialogue, à la concertation. Il faut éviter toutes les autres solutions qui ne servent pas les intérêts du pays (...) et je pense personnellement qu’il y a une chance à saisir en ce sens », a aussi indiqué M. Gemayel. Le député Michel Murr semble aussi partager cette vision des choses, puisque, à l’issue de la visite de condoléances qu’il a effectuée auprès de la famille du député assassiné Antoine Ghanem, il a indiqué qu’il n’attendait pas « grand-chose » de la séance de demain, « autre qu’une occasion de se rencontrer et d’étudier certains points précis », et que « ceux qui ne s’y rendront pas ne sont pas en train de boycotter leur patrie, contrairement aux propos tenus par certains ».
Certains juristes, à l’instar de Ziad Baroud, ont d’ailleurs cherché à relativiser l’importance de la séance de demain, soulignant ainsi que « même avant l’assassinat, il était probable que la séance du 25 n’aurait pas pour but d’élire un président », et que « le 25 n’est que le premier jour du délai de deux mois ». Dans le même temps, le chef du bloc de la Rencontre démocratique, Walid Joumblatt, a affirmé, dans un entretien à la revue ach-Charq al-Awsat, qu’il existe un plan tendant à éliminer physiquement quatre députés de la majorité au sein de l’hémicycle, de manière à faire basculer définitivement l’avantage au profit de l’opposition.
Quoi qu’il en soit, et comme l’a souligné le candidat à la présidence Robert Ghanem, « le président Gemayel a ouvert la voie du dialogue » en se rendant à Aïn el-Tiné, et a démontré que « les forces de la majorité restent ouvertes à toute possibilité qui permet de sortir du tunnel ». Ce climat positif, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, l’a relayé aussi, non sans relever qu’assurer une élection présidentielle dans les délais constitutionnels était « le devoir naturel du président de la Chambre dans notre système démocratique, que nous souhaitons tous préserver ».
Le 19 septembre, au soir de l’attentat qui a coûté la vie à Antoine Ghanem, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, se disait « extrêmement préoccupé » par la situation. « Ce qui me préoccupe, avait-il dit, c’est que face à cette incapacité à élire un président, il pourrait y avoir un scénario dans lequel nous aurions deux gouvernements, deux présidents. » C’est probablement cela qui a fait dire au vice-président du Conseil supérieur chiite : « Réunissez-vous mardi, dialoguez, concertez-vous et élisez un bon président. »
Seulement, tout porte à croire que la séance électorale sera ajournée demain jusqu’à la mi-octobre pour défaut de quorum constitutionnel et que, d’ici là, sur le plan sécuritaire, tout peut encore arriver.
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Le fait est que, enfin, quelque chose a bougé. Un brin, un reste de conscience, un sentiment diffus de responsabilité aura été sûrement ressenti de part et d’autre. Peut-être parce que le député Antoine Ghanem, assassiné le 19 septembre, était, par excellence, homme de modération, de dialogue et de consensus. Peut-être parce que sa mort aura servi à activer les sonnettes d’alarme des chancelleries du monde entier, pour qu’enfin elles se décident à exercer des pressions conséquentes sur la Syrie.
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