Pour la première fois depuis qu’elle a quitté l’Irak il y a quinze ans, Wahida Nissan reçoit de nombreux membres de sa famille dans sa maison, près de Detroit (Michigan, Nord). Pendant des années, elle ne leur a parlé que par téléphone, et n’a vu que des photos de ses nièces et de ses neveux. Aujourd’hui elle peut regarder ses frères dans les yeux.
« C’est un rêve éveillé », dit cette Irakienne de 45 ans en se pinçant le bras. Les Nissan figurent parmi les 83 réfugiés irakiens arrivés dans la région de Detroit alors que les États-Unis ont promis d’accueillir avant la fin de l’année fiscale le 31 octobre quelque 7 000 réfugiés parmi les 4,2 millions d’Irakiens déplacés depuis la guerre en Irak. Il est peu probable que cet objectif soit atteint puisque seulement 190 réfugiés sont entrés sur le territoire américain au 31 juillet et moins d’un millier depuis le début de la guerre.
« C’est dérisoire par rapport aux besoins », affirme Sean Garcia, un avocat travaillant pour l’organisation Refugees International. Selon lui, vu que les États-Unis ont attaqué l’Irak et qu’ils ne parviennent pas à y installer la paix, ils ont le devoir moral d’aider les victimes à fuir la violence, comme ils l’ont fait lors de la guerre du Vietnam en accueillant quelque 130 000 Vietnamiens après la chute de Saigon. Mais il reconnaît que « cela n’est pas politiquement faisable ». « Mettre en place un vaste programme d’accueil de réfugiés serait admettre que notre stratégie de guerre a échoué », dit-il à l’AFP.
Les rares places de réfugiés disponibles ont avivé une compétition et même des tensions parmi les Irakiens résidant aux États-Unis. Le maire de Warren, une banlieue de Detroit, s’est attaché quant à lui à ce que sa commune ne soit pas « injustement alourdie par le fardeau » de milliers de réfugiés alors que les habitants ont déjà du mal à trouver du travail. Le Michigan a le plus fort taux de chômage du pays.
L’installation de réfugiés est un processus long et coûteux, affirme Belmin Pinjic, directeur de Lutheran Social Services, une organisation qui aide à l’accueil de réfugiés dans cet État. Il faut compter entre trois et six mois pour qu’un réfugié parvienne à subvenir à ses propres besoins.
Chez Wahida Nissan, quatorze personnes s’entassent désormais dans la modeste maison de trois pièces. L’atmosphère est à la joie, tout le monde est dans l’impatience d’apprendre l’anglais et de trouver un emploi rapidement. Sabri et Sabah Nissan ont été les derniers frères de Wahida à fuir leur pays, quittant l’Irak peu avant que la guerre n’éclate en 2003. Ils ont quitté l’Irak après que Sabah, 48 ans, un épicier chrétien, eut été brièvement emprisonné par le régime de Saddam Hussein qui voulait faire de lui un informateur. Ils ont passé cinq ans dans des appartements insalubres en Turquie, sans la capacité de travailler, recevant de l’argent de leur sœur et d’autres parents installés en Australie.
« Les États-Unis c’est immense. Nous n’avons jamais vu tant de choses. Ce que tu vois, tu peux l’avoir. On ne s’attendait pas à tant », affirme Sabah. La nourriture, et plus particulièrement la taille énorme des portions, est une autre source de fascination. « McDonald’s c’est bon, et les pizzas ! » déclare son frère Sabri, 50 ans. « Je vais devenir gros ici. Je ne veux pas devenir obèse », dit-il en riant.
Absence visible, celle du mari de Wahida, Faris Matti. Il a passé ces quatre dernières années en Irak à travailler comme interprète pour l’armée américaine. L’argent qu’il gagne avec les Américains est bien plus élevé que son précédent emploi et même s’il a dû être renvoyé chez lui en convalescence après un tir dans la jambe, il est fier de travailler à la reconstruction de son pays, affirme son épouse.
Mira OBERMAN (AFP)
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