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Actualités - OPINION

Un an après l’adoption de la résolution 1701 Un rétablissement significatif de la souveraineté de l’État libanais par le droit international

Août 2006 – août 2007. Un an est passé après l’adoption par le Conseil de Sécurité (CS) de la résolution 1701. En créant de nouvelles données juridiques, d’une part, et en modifiant d’anciennes conjonctures de fait, d’autre part, ce nouveau texte, qui a intégré le dispositif juridique international concernant la situation au Liban, constitue un tournant dans l’assistance apportée par le CS pour le rétablissement de la souveraineté territoriale de l’État libanais. La résolution 1701/2006 qui renforce les compétences et le mandat de la Finul s’inscrit, de ce fait, dans le sillage de la nouvelle génération de résolutions onusiennes relatives aux opérations de maintien de la paix. En effet, il s’agit de situations où le CS n’intervient plus seulement pour « maintenir » la paix, mais pour la « rétablir » (passage du « peace-keeping » au « peace-enforcement »). Or les forces de maintien de la paix risquent de se retrouver dans des situations extrêmement délicates, spécialement lorsque l’État sur le territoire duquel elles se sont déployées est en pleine décomposition. Cette tendance peut être observée en Sierra Leone où la Minusil, dont les effectifs ont été fortement accrus, se voit confier la tâche de circonscrire la rébellion et de soutenir le gouvernement « légal ». Bien plus, le CS, à travers les opérations de maintien de la paix, peut aller jusqu’à la reconstruction des États. Cela a été le cas de l’opération des Nations unies au Cambodge, qui a permis le retour à la paix et des élections libres. Dans ce cas, le rôle du CS a été essentiel : il était invité, par l’article 2 des accords de Paris du 23 octobre 1991, à mettre en place une autorité provisoire des Nations unies au Cambodge. Cette autorité, une fois instituée par le Conseil, a administré le Cambodge pendant toute la période transitoire jusqu’aux élections. Depuis lors, l’UNMIK au Kosovo et l’UNTAET au Timor se sont vu confier la tâche de restaurer des institutions étatiques disparues. Qu’en est-il, en l’espèce, de la résolution 1701 et du mandat de la Finul II ? En rappelant dans la résolution 1701 à 15 reprises le rétablissement de la souveraineté territoriale de l’État libanais – étendre son autorité sur son territoire, déploiement de forces armées libanaises dans tout le Sud, étendre son autorité à l’ensemble du territoire libanais, exercer intégralement sa souveraineté, etc. –, le CS met l’accent sur l’apport de son texte et sur le rôle dévolu désormais à la Finul II. Pour cette instance, le seul responsable des personnes, des activités, des biens ou des situations localisés sur son territoire est l’État libanais. Le seul acteur souverain sur les scènes nationale et internationale est l’État libanais. Or en quoi consiste l’approche du droit international quant à la souveraineté territoriale et quelles en ont été les implications, jusqu’à présent, dans la situation au Liban ? I - La souveraineté en droit international La souveraineté est au cœur des attributs de l’État en droit international. L’État est en effet traditionnellement défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumise à un pouvoir organisé et qui se caractérise par la souveraineté (cf. avis nº 1 de la commission d’arbitrage de la conférence pour la paix en Yougoslavie). La souveraineté peut se définir comme le pouvoir suprême de l’État « qui n’a pas d’égal dans l’ordre interne » ni de supérieur dans l’ordre international. Selon Jean Bodin : « La souveraineté est le pouvoir de commander et de contraindre sans être commandé ni contraint par qui que ce soit sur la terre. » La souveraineté caractérise donc un pouvoir politique qui n’est soumis juridiquement à aucun autre pouvoir compétent pour décider à sa place ou donner des ordres. Comme l’a écrit Paul Reuter : « La souveraineté exprime un caractère et un seul : celui de ne pas être soumis à un autre pouvoir de même nature. La souveraineté signifie simplement que, dans la pyramide des groupes humains actuellement constitués, l’État se retrouve au sommet. » En un mot, principal sujet du droit international public, l’État est le seul sujet du droit international possédant la souveraineté, c’est-à-dire la plénitude des compétences susceptibles d’être dévolues à un sujet de droit international (Marc Perrin de Brinchambaut). En outre, il convient de rappeler que le principe de la souveraineté étatique est à la base des relations entre les Nations unies dont la charte rappelle dans son article 2 § 1 : « L’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres. » À travers l’égalité souveraine, c’est l’indépendance de l’État qui est affirmée. Comme l’a souligné l’arbitre Max Huber dans l’affaire de l’île de Palmes : « La souveraineté dans les relations entre États signifie l’indépendance » (cf. sentence arbitrale de 1928). Plus précisément, la souveraineté est le garant de l’indépendance dans la mesure où elle exclut la création d’une autorité supérieure à celle des États, tant à l’intérieur de son territoire que dans le cadre des relations internationales. En effet, le territoire de l’État (terrestre, maritime, aérien) est l’espace à l’intérieur duquel s’exercent les compétences propres à l’État souverain. Il constitue à la fois un titre et une limite à l’exercice de ces compétences. Or la résolution 1701 est venue rappeler que toute atteinte à l’intégrité territoriale à l’encontre de l’État libanais portée par Israël est une atteinte à la souveraineté libanaise et une violation du droit international. D’où la demande formulée par le CS à Israël de se retirer du territoire libanais (art. 2 et 11 § 6). Mais aussi il est déduit de ce même texte que l’une des formes d’atteinte à la souveraineté se produit lorsque l’État, au sens moderne du terme, se disloque, qu’on en revient en quelque sorte à une situation pré-étatique, caractérisée par un émiettement du pouvoir. C’est face à cette réalité que consiste à nos yeux l’apport de la résolution 1701. Qu’en est-il sur le plan juridique ? II - L’apport de la résolution 1701 La dégradation de la souveraineté interne a été marquée par l’affaiblissement de l’autorité centrale, qui devait concentrer entre ses mains, grâce au monopole de la force, la totalité du pouvoir et par le manque d’allégeance directe à cette autorité de l’ensemble de la population vivant sur le territoire. C’est pourquoi, à travers cette nouvelle génération de textes onusiens et d’opération de maintien de la paix qui caractérisent la résolution 1701, le CS s’est assigné le rôle de contribuer à la restauration de la souveraineté étatique libanaise en rappelant dans le texte en question les principes suivants : - L’extension et l’exercice de l’autorité du gouvernement libanais sur son territoire, par l’intermédiaire de ses propres forces armées légitimes (préambule et art. 12). -Le déploiement des forces armées du gouvernement libanais dans tout le Sud du Liban (art. 2). - L’exclusivité d’exercice intégral de la souveraineté libanaise (pas d’armes sans le consentement du gouvernement et pas d’autorité autre que celle du gouvernement (art. 3). - L’exclusivité de l’autorité du gouvernement quant à la bienveillance sur la sécurité dans le pays et à l’égard des personnes (art. 6). - L’exclusivité des personnels, armées, biens et armes reconnue au gouvernement libanais, et à titre d’assistance à la Finul. C’est le principe du monopole de la force qui est affirmé à travers cette disposition (art. 8). - L’exercice exclusif de l’autorité du gouvernement quant à la sécurisation des frontières (art. 14). Ces considérations rappelées par le CS constituent des règles juridiques et des obligations internationales, dont la violation, l’atteinte ou le manquement peuvent être objets de dénonciation par la haute instance onusienne, qui dispose du pouvoir de qualification très important débouchant à des actions conséquentes. Autrement dit, quelles que soient les données de fait et de droit précédant la résolution 1701 (déclaration(s) gouvernementale(s) ou ministérielle(s), promesses électorales, entente entre factions et acteurs politiques, etc.), l’affirmation de la « plénitude » et de l’ « exclusivité » de la souveraineté de l’État libanais à travers les diverses dispositions dans cette même résolution constitue une règle juridique de droit international supérieure hiérarchiquement et normativement à toute considération juridique, doctrinale et circonstancielle sur le plan interne. C’est en ce sens que le droit international a, encore une fois, son mot à dire si ce n’est le dernier mot quant au rétablissement de la souveraineté étatique sur l’ensemble du territoire libanais, grâce notamment à l’assistance prêtée par la Finul renforcée et musclée. Face à cet apport significatif des dispositions de la résolution 1701, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a souligné dans son dernier rapport en date du 28 juin 2007, que l’on assiste désormais à « l’établissement d’un nouvel environnement stratégique militaire et de sécurité dans le Liban-Sud » (§ 53). À cet effet, et dans le but d’assurer la pérennité de la nouvelle donnée relative à la « stratégie militaire et de sécurité à travers une force armée crédible et légitime », le secrétaire général invite les États, notamment les grandes puissances, « à fournir aux forces armées libanaises le soutien et l’assistance bilatérale dont elles ont besoin, en temps voulu et autant que nécessaire, en vue de les aider à s’acquitter des obligations que leur impose la résolution 1701 » (§ 55). Entre la naissance d’un environnement stratégique militaire propice au Liban-Sud et un renforcement considérable – à venir – des moyens des forces armées libanaises, la solution tant recherchée par les acteurs politiques nationaux au Liban est enfin retrouvée. Ne parlait-on pas d’une stratégie de défense militaire nationale, comme condition sine qua non pour que l’État souverain dispose, comme il convient normalement, du monopole de la force ? Encore une fois, le droit international inspire, voire éclaire le chemin sur la scène nationale ! P. Fady FADEL Docteur en droit public et secrétaire général de l’Université antonine

Août 2006 – août 2007. Un an est passé après l’adoption par le Conseil de Sécurité (CS) de la résolution 1701. En créant de nouvelles données juridiques, d’une part, et en modifiant d’anciennes conjonctures de fait, d’autre part, ce nouveau texte, qui a intégré le dispositif juridique international concernant la situation au Liban, constitue un tournant dans l’assistance...