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Actualités - OPINION

LE POINT Sécurité d’abord Christian MERVILLE

Ce n’est pas tous les jours que Mahmoud Ahmadinejad se plaît à jouer les ogres. Il lui arrive parfois – mais si, mais si… – d’être rassurant. En témoigne son discours prononcé dimanche devant les présidents des universités iraniennes, dans lequel il se dit certain, preuves à l’appui, que les États-Unis n’oseront jamais lancer une guerre contre son pays. Et pourquoi donc ? Parce que, soutient-il le plus sérieusement du monde, spécialiste en chiffres et en calcul, il a passé des heures à dresser des tableaux et à échafauder des hypothèses d’où il ressort que les Américains ne sauraient être source de problèmes pour son pays. CQFD. Passons sur l’autre raison invoquée, qui relève de sa confiance dans la promesse faite par Dieu « à ceux qui suivent la voie de la droiture ». L’autre assurance à l’adresse de ses concitoyens, mais source d’inquiétude pour le reste du monde, aura porté sur l’annonce que les savants ont atteint l’objectif de 3 000 centrifugeuses destinées à produire de l’uranium enrichi. Un chiffre contesté par l’Agence internationale de l’énergie atomique, laquelle juge qu’il s’agit là d’une gasconnade. Moins de vingt-quatre heures après ces révélations, le guide de la révolution a semblé apporter de l’eau au moulin de son protégé en promettant que, sur ce dossier, Téhéran ne pliera jamais face à l’intimidation. Une détermination qui cadre plutôt mal avec la désignation à la tête des pasdarans du général Mohammad Ali Jaafari, en remplacement de Yahia Rahim-Safavi, propulsé au poste purement honorifique de conseiller militaire spécial de l’ayatollah Ali Khamenei. Le nouveau commandant en chef de la garde prétorienne du pouvoir, promu dans le même temps général de division le jour de son anniversaire, passe pour être un protégé de Mohsen Rezaï, son prédécesseur et proche collaborateur de Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani, éminence grise du pouvoir mais aussi « électron libre », jadis favori de l’Occident avant d’être neutralisé par les mollahs partisans de la ligne pure et dure. Jaafari est aussi le beau-frère de Mohammad-Bagher Zolghadr, ex-numéro deux de la milice officielle, actuel ministre de l’Intérieur et à ce titre adjoint du ministre des Renseignements généraux. L’énumération pourrait devenir rapidement fastidieuse tant ne cesse, ces derniers jours, de s’allonger la liste des désignations, dont la plupart se font dans une totale discrétion. L’impression, aujourd’hui, est que les dirigeants en place serrent les rangs face à une conjoncture dominée de plus en plus par une triple menace qui risque, d’un jour à l’autre, de se préciser. Il y a d’abord, au plan strictement interne, cette tension latente dans les zones frontalières : le Khouzistan à forte communauté arabe, le Kurdistan et l’Azerbaïdjan occidental où vivent des populations kurdes, ainsi que dans les régions turkmènes du Nord-Est. Des éruptions violentes se produisent par moments, ponctuées de morts, de blessés, d’arrestations, de fermeture de journaux ou d’associations à devanture sociale. De tels dérapages risquent très rapidement de devenir incontrôlables dans un pays dont la population est le produit d’un étrange cocktail ethnique, à 51 pour cent persan, à 24 pour cent azéri, à 7 pour cent kurde et à 3 pour cent arabe. Pour expliquer les tours de vis successifs de ces dernières semaines, il y a aussi l’agitation sociale, dont la dernière manifestation en date avait vu des dizaines de milliers de personnes descendre dans la rue pour conspuer le gouvernement, coupable de vouloir rationner l’essence. En outre, ces deux dernières années, les femmes et les jeunes ont donné l’impression de vouloir se mettre de la partie parce que la poigne de la police se fait plus pesante pour faire respecter la tenue islamique ou même une certaine longueur de cheveux. C’est ainsi que l’université, par exemple, continue d’être un haut lieu de la contestation, à la faveur de débats qui souvent débouchent sur des affrontements musclés avec les forces de l’ordre. Mais plus grave que l’agitation ethnique ou sociale, il y a la menace sans cesse rappelée par Washington de frappes ciblées contre les installations nucléaires de Natanz et Bouchehr, ou encore d’une véritable guerre qui serait déclenchée directement ou par l’entremise du féal israélien. Piètre consolation : George W. Bush, dit-on, pourrait tout aussi bien lancer ces fusées à partir de sa flotte de guerre qui patrouille depuis des mois au large du Golfe ou, au contraire, choisir de laisser cette « patate chaude » en héritage hautement explosif à son successeur, qu’il soit républicain ou démocrate. Dans ce dernier cas, le répit ne saurait être que bénéfique à une « mollacratie » qui a donné la preuve de son habileté à jouer sur les contradictions de l’Occident et sur d’apparentes discordes internes. Pas mal pour de nouveaux venus dans le club très fermé des grands. Encore n’a-t-on pas tenu compte de leur bilan (pas si) étranger…
Ce n’est pas tous les jours que Mahmoud Ahmadinejad se plaît à jouer les ogres. Il lui arrive parfois – mais si, mais si… – d’être rassurant. En témoigne son discours prononcé dimanche devant les présidents des universités iraniennes, dans lequel il se dit certain, preuves à l’appui, que les États-Unis n’oseront jamais lancer une guerre contre son pays. Et pourquoi donc ?...