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Actualités - CHRONOLOGIE

PERSPECTIVE Une « feuille de route » sous ombrelle onusienne Michel TOUMA

En annonçant vendredi dernier, lors du meeting de Baalbeck, que l’opposition abandonnait sa revendication portant sur la formation d’un gouvernement d’union nationale avant l’élection présidentielle, Nabih Berry n’a fait en réalité que se rendre à l’évidence. Il était en effet politiquement absurde de réclamer un changement ministériel quelques semaines avant une échéance qui, obligatoirement, conformément à la Constitution, doit s’accompagner de la démission du gouvernement en place. Il reste que l’initiative du président de la Chambre sert quand même à introduire un nouvel élément dans la partie qui se joue sur la scène locale, à faire avancer un pion, de manière à débloquer un jeu qui était depuis trop longtemps figé par des positions de principe intangibles avancées de part et d’autre. Le mérite de Nabih Berry aura été d’induire ainsi un nouvel élan en vue d’enclencher une dynamique de dialogue axée, comme cela aurait dû l’être depuis plusieurs mois, sur « l’après-Émile Lahoud ». Entamer des concertations sur le choix d’un président consensuel est en soi une démarche salvatrice pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle il se débat. Mais le succès d’une telle entreprise est tributaire du cadre dans lequel elle s’inscrit, de l’objectif réellement recherché. Son succès est inexorablement lié à un accord sur un « package » global, une entente sur la « feuille de route » qui devrait délimiter les orientations et la ligne de conduite du prochain régime. Car si la recherche d’un président consensuel se traduit par une volonté d’accorder à Damas le droit de jouer un rôle, directement ou par le biais de l’opposition, dans le choix du futur locataire de Baabda, il est alors très peu probable que le 14 Mars accepte de se laisser entraîner sur une telle voie. Cette position rejoint d’ailleurs à cet égard celle des principaux décideurs arabes et internationaux. S’il faut se fier en effet aux déclarations publiques, Washington et Ryad notamment, et à titre d’exemple, ne semblent pas voir d’un bon œil les tentatives de réinsérer le régime syrien dans les circuits du pouvoir au Liban. Les dirigeants américains ont affirmé à plus d’une occasion qu’il ne saurait être question pour eux de négocier avec la Syrie le dossier libanais. L’ambassadeur Jeffrey Feltman a réitéré cette position de principe pas plus tard que vendredi dernier en incluant l’Iran dans cette option de base. Toute la difficulté des concertations que Nabih Berry se propose de relancer, dans la perspective de la présidentielle, réside donc dans la délicate et complexe équation suivante : comment satisfaire la revendication, au demeurant tout à fait légitime, de l’opposition de définir les bases d’un partenariat dans l’exercice du pouvoir sans pour autant concéder à la Syrie une part de ce pouvoir, ou tout au moins un droit de regard sur la politique du gouvernement libanais. En clair, il s’agit de trouver la formule permettant une participation du tandem chiite et du CPL aux prises de décision sans remettre en question les acquis nationaux et souverainistes de la révolution du Cèdre. D’où l’importance d’un accord sur une « feuille de route » qui devrait avoir pour leitmotiv « l’engagement ferme » du gouvernement à respecter et mettre en application l’ensemble des résolutions sur le Liban adoptées par le Conseil de sécurité depuis septembre 2004. Des résolutions dont la finalité est de restaurer la souveraineté, l’autonomie de décision et l’indépendance politique du pays du Cèdre. Dans le supplément « L’avenir en points d’interrogation » publié par L’Orient-Le Jour en mars dernier, Ghassan Tuéni soulignait, fort à propos, que le seul moyen peut-être, dans les circonstances présentes, de permettre aux Libanais de « refaire ensemble le Liban » est d’« internationaliser la crise libanaise » de manière à assurer une protection internationale au Liban en plaçant le pays sous « l’ombrelle de l’ONU », de la communauté internationale, pour qu’il puisse parer aux convoitises régionales. Tel est l’essence, l’esprit, du processus historique défendu et entretenu par la vaste coalition souverainiste du 14 Mars. Prétendre à ce sujet – comme le font bizarrement certains pôles qui étaient jadis aux premières lignes du courant souverainiste – que la tutelle syrienne a été remplacée par une « tutelle internationale » revient à se livrer, de manière déplorable, à une déformation de l’histoire et à s’engager sur des sentiers sinueux menant à une situation aux antipodes des options souverainistes et des constantes historiques chrétiennes que ces mêmes pôles défendaient bec et ongle durant la triste ère de l’occupation syrienne. Consolider, donc, « l’ombrelle onusienne » afin de préserver la nouvelle indépendance conquise lors du printemps de Beyrouth : tel devrait être la ligne directrice de la « feuille de route » de tout président consensuel. Le Hezbollah, de par sa doctrine, sa structure même et ses liens supranationaux avec la République islamique, pourrait en toute vraisemblance tenter de remettre en question une telle protection internationale et l’occulter dans tout accord sur le profil du prochain chef de l’État. Mais les motivations du parti chiite ne devraient nullement concerner le CPL qui est appelé, par voie de conséquence, à lever aujourd’hui toute équivoque quant à son positionnement réel à l’égard de l’ensemble du processus de recouvrement de l’indépendance politique du Liban, enclenché par le Syria Accountability Act et la résolution 1559. Un nouveau régime et un nouveau gouvernement devraient être mis en place dans les prochaines semaines. L’occasion se présente ainsi à toutes les parties, aussi bien le 14 Mars que les principales composantes de l’opposition, de remettre les pendules à l’heure, de tourner la page de la discorde et de définir le contour de la prochaine étape, en avalisant le postulat stipulant que « l’ombrelle onusienne » et le soutien de la communauté internationale demeurent, dans le contexte présent, la seule planche de salut pour le Liban. Et la seule voie possible menant à la paix civile, la stabilité et la prospérité durable.
En annonçant vendredi dernier, lors du meeting de Baalbeck, que l’opposition abandonnait sa revendication portant sur la formation d’un gouvernement d’union nationale avant l’élection présidentielle, Nabih Berry n’a fait en réalité que se rendre à l’évidence. Il était en effet politiquement absurde de réclamer un changement ministériel quelques semaines avant une échéance qui, obligatoirement, conformément à la Constitution, doit s’accompagner de la démission du gouvernement en place. Il reste que l’initiative du président de la Chambre sert quand même à introduire un nouvel élément dans la partie qui se joue sur la scène locale, à faire avancer un pion, de manière à débloquer un jeu qui était depuis trop longtemps figé par des positions de principe intangibles avancées de part et d’autre. Le...