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Sismologie - Il existe plus d’une faille majeure au Liban, d’où la configuration sismologique compliquée Le CNRS relativise les informations alarmistes sur un prochain séisme dévastateur

Un article paru récemment dans une grande publication internationale parlait d’un séisme majeur imminent au Liban, accompagné d’un raz-de-marée, se basant sur des calculs de dates. L’article avait, comme on peut facilement l’imaginer, causé une panique. Le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) et son centre de géophysique, qui surveille l’activité sismique depuis de nombreuses années, avaient réagi immédiatement, rappelant que le stade qu’a atteint la science de la sismologie actuellement ne permet pas encore de prédire les dates des tremblements de terre. Hier, le CNRS a organisé en son siège à Beyrouth une conférence sur un état des lieux des informations sismologiques disponibles au Liban, dont il ressort principalement que les failles responsables des séismes ne se limitent pas à une, et donc deux tremblements de terre séparés par un certain nombre d’années peuvent ne pas avoir été causés par la même faille. D’où, par conséquent, l’impossibilité de prédire des événements déjà imprévisibles en soi. D’autre part, les experts ont beaucoup insisté sur l’importance de la préparation à l’éventualité d’un séisme de grande envergure. On connaissait au Liban l’existence de trois grandes failles : celle dite de Yammouné, la plus longue et la plus dangereuse, qui est un segment de 200 kilomètres d’un système de failles encore plus vaste appelé grande faille du Levant (et qui peut causer un séisme de magnitude 7,5° sur l’échelle de Richter, tel qu’on l’a précisé hier) ; celle de Serghaya, plus à l’Est ; et celle de Roum, au Sud. Il y a quelques années, a rappelé hier Alexandre Sursock, directeur du Centre de géophysique (six stations actuellement, douze à l’avenir), une étude du fond sous-marin au large des côtes libanaises, en collaboration avec des partenaires français comme l’Ifremer, a montré l’existence d’une quatrième faille passant sous la côte, et étant à l’origine du fameux séisme de l’année 551, qui avait causé la destruction de Beyrouth ainsi qu’un raz-de-marée. Cette faille, qui n’aurait plus bougé depuis, est reliée à celle de Yammouné, et son existence explique la formation de montagnes aussi hautes et aussi proches de la côte, mais c’est elle également qui peut être à l’origine de tsunamis. M. Sursock explique que les tsunamis jalonnent l’histoire de la région, mais celui qui a frappé l’Asie du Sud-Est a accru la panique déclenchée par ce genre de phénomènes. Ata Élias, du Centre de géophysique, qui a axé sa thèse de doctorat sur la découverte de la faille marine, a parlé plus longuement de la formation du Mont-Liban et de ses hautes montagnes. Il a rappelé que le Liban se trouve à la frontière entre la plaque arabique et la plaque Afrique (cette frontière étant Yammouné), et que la pression entre les deux a donné ce paysage accidenté, le Mont-Liban, qui se prolonge à quelque 1 500 mètres sous la mer, avec, à sa base, la fameuse faille. Quand elle bouge, la faille marine provoque des cassures dans le sous-sol marin, encore visibles aujourd’hui, et elle exerce une poussée vers la côte. M. Élias a montré des photos où la côte libanaise est visiblement à deux niveaux, ce qui prouve que le dernier séisme de l’an 551 avait provoqué une élévation de la côte. La date de l’événement a été confirmée par l’analyse de fossiles de coquillages trouvés au niveau supérieur. Un avertissement qui ne trouve pas d’écho Pour tout ce qui touche aux séismes, mieux vaut être préparé, surtout quand il est clair que l’on vit dans un pays exposé. Les constructions parasismiques sont une partie essentielle de cette préparation, ainsi que la définition de normes locales. Il s’est avéré que ces dernières existent, mais que c’est l’application qui fait défaut. Comme l’a constaté Mouïn Hamzé, secrétaire général du CNRS, dans son mot d’introduction, « les recherches des Libanais en matière de sismologie sont à un niveau international (…) sauf que les mesures préventives et l’organisation de la protection des citoyens, avant et pendant la catastrophe, restent malheureusement en deçà de la gravité de la menace, et demeurent très localisées et confuses, à un point désormais inacceptable ». Le président de l’ordre des ingénieurs, Samir Doumit, a souligné que l’intensité que les séismes peuvent atteindre au Liban, selon les études, est de 6,5 à 7,5° sur l’échelle de Richter, ce qui signifie qu’ils seront « relativement forts », et, en même temps, « qu’il est possible de concevoir les bâtiments et l’infrastructure de manière à résister un minimum aux tremblements de terre, ce qui est facilement réalisable ». Il ajoute que l’ordre a publié des recommandations pour appliquer les lois et les normes, s’occuper de la politique d’urbanisme, sensibiliser les citoyens aux dangers, créer un conseil pour la gestion des catastrophes naturelles, former les ingénieurs et les entrepreneurs… Mais M. Doumit constate amèrement que leurs efforts pour sensibiliser les institutions étatiques à la nécessité d’appliquer les lois n’a donné « qu’un changement très limité sur le terrain ». Mohammad Hrajli, chercheur et professeur à l’AUB, auteur, avec d’autres spécialistes, de la première étude destinée aux ingénieurs sur les dangers sismiques (datant des années 1992-1994), a parlé des normes parasismiques de base à respecter, comme les murs en béton armé par exemple, insistant aussi sur l’importance d’étudier le sol sur lequel on construit, sur le renforcement des bâtiments existants et sur la sensibilisation. « Il faut savoir que pour une construction parasismique, le coût n’augmentera que de 2 à 5 % », a-t-il assuré. Les normes libanaises de construction parasismique existent, a affirmé Fadi Geara, professeur à l’Université Saint-Joseph et un des fondateurs de Libnor. « Les normes sont une culture, a-t-il ajouté. Nous ne pouvons continuer à construire avec une mentalité de commerçant, surtout que les acheteurs seraient prêts à payer 2 à 3 % de plus s’ils savent que leur sécurité est assurée. Pour cela, il faut que la société civile fasse pression. » Pour lui, l’objectif premier des normes est d’assurer la sécurité des hommes (un bâtiment qui reste debout, même endommagé, aura servi ce but), et puis de limiter les dégâts. Comme M. Doumit, M. Geara a insisté sur l’importance de la création d’un centre de gestion des catastrophes naturelles. Il faut dire que l’expérience de la gestion très lacunaire de la marée noire, survenue l’été dernier, tend à leur donner raison… S. B.
Un article paru récemment dans une grande publication internationale parlait d’un séisme majeur imminent au Liban, accompagné d’un raz-de-marée, se basant sur des calculs de dates. L’article avait, comme on peut facilement l’imaginer, causé une panique. Le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) et son centre de géophysique, qui surveille l’activité sismique depuis...