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Une région où se côtoient mineurs de fond russes et norvégiens, demandeurs d’asile déboutés et scientifiques internationaux Le Svalbard, terre d’accueil du bout du monde

Dernière étape avant le pôle Nord, dans une région à l’intérêt stratégique croissant, le Svalbard est une terre d’accueil unique au monde où se côtoient mineurs de fond russes et norvégiens, demandeurs d’asile déboutés et scientifiques internationaux. On le croirait inhospitalier en raison de son emplacement et de son climat improbables, mais l’archipel norvégien est ouvert à tous. Ni visa ni permis de séjour : on peut s’y installer librement dès lors qu’on a les moyens de subvenir à ses propres besoins. Longyearbyen, le chef-lieu, est un village cosmopolite de 1 800 âmes où se croisent plus de 30 nationalités. Avec une soixantaine de ressortissants, les Thaïlandais forment la principale minorité dans un endroit où, en hiver, la température moyenne est de -12°C et l’obscurité totale pendant plus de deux mois. Les premiers furent des femmes rencontrées par des Norvégiens lors de vacances en Thaïlande. Le bouche à oreille a fait le reste. « Au début, j’étais frigorifiée, je n’aimais pas le Svalbard. Maintenant, ça va. C’est boulot, boulot, boulot », témoigne Pranom Ubonrat, une Thaïlandaise de 48 ans qui partage son temps entre la cuisine dans une auberge, les ménages et les massages. Mais gare à ceux qui croient voir en Svalbard un eldorado. Des Roumains qui avaient tout plaqué pour y chercher fortune ont été reconduits, ruinés, dans leur pays, faute d’avoir trouvé un toit et un emploi, choses peu aisées sans compétences linguistiques ou professionnelles adaptées. Kazem Ariaiwand, 48 ans, est quant à lui cloué au Svalbard depuis cinq ans. Cet Iranien, dont la demande d’asile politique a été rejetée en Norvège, ne peut quitter Longyearbyen – la seule liaison aérienne régulière est avec la ville norvégienne de Tromsoe – de peur d’être expulsé vers son pays d’origine. « À force, j’ai amassé pas mal d’argent, mais le problème, c’est que je ne sais pas comment le dépenser », explique ce « naufragé », employé de supermarché le jour et vendeur de kebabs dans un vieux camion de l’US Army le soir. Sauf très rares exceptions, on ne naît et on ne meurt pas au Svalbard. Faute de structures de soins, les femmes enceintes et les vieillards sont envoyés sur le continent avant le moment fatidique. « L’an dernier, une petite fille est née avant terme, puis un petit garçon. C’étaient les premiers bébés à naître ici depuis 15 ans », affirme Solbjoerg Skadberg, une représentante du gouvernement local. Accidents et suicides ne faisant qu’une ou deux victimes par an, le pasteur « le plus septentrional au monde », Leif Magne Helgesen, ne célèbre que peu de services funèbres. « Cela me permet de consacrer davantage de mon temps à prier contre le réchauffement de la planète (...) et rencontrer les gens », explique le religieux aux cheveux mi-longs et au jean décontracté. Comme tous ceux qui travaillent sur le terrain, le pasteur fait la tournée de sa « paroisse » un fusil à l’épaule en cas de rencontre inopinée avec un ours polaire. Ici, les ours blancs sont presque aussi nombreux que les hommes. Des affiches invitent toutefois à déposer les fusils à l’entrée de la banque, des bars et du supermarché. À Ny-Aalesund, dans une station scientifique elle aussi ouverte à tous, des dizaines de chercheurs de tous horizons planchent sur des disciplines complexes allant de la glaciologie à la climatologie. Plus au sud, dans l’enclave insolite de Barentsburg, 350 mineurs de fond russes et ukrainiens vident la montagne de son charbon dans un décor dominé par une statue de Lénine. Le Traité du Svalbard qui a confié le Svalbard à la Norvège en 1920 accorde à tous les pays signataires le droit pour leurs ressortissants d’exploiter les ressources locales sur un pied d’égalité. La production du filon de Barentsburg est modeste et le charbon médiocre, mais cette présence permanente est aussi pour Moscou un moyen d’afficher ses prétentions sur les ressources naturelles de l’Arctique – un appétit récemment illustré par la pose du drapeau russe à la verticale du pôle Nord.
Dernière étape avant le pôle Nord, dans une région à l’intérêt stratégique croissant, le Svalbard est une terre d’accueil unique au monde où se côtoient mineurs de fond russes et norvégiens, demandeurs d’asile déboutés et scientifiques internationaux.
On le croirait inhospitalier en raison de son emplacement et de son climat improbables, mais l’archipel norvégien est...