Quoi qu’en disent les affiches et autres banderoles bariolées qui jalonnent les autoroutes du Liban-Sud, célébrant la « victoire divine » et la défaite d’ « une armée naguère invincible », c’est dans un Bint Jbeil quasi désert et sur lequel pèse un vide synonyme de mort que l’on atterrit. La ville étale ses nombreuses plaies sous les yeux des rares visiteurs qui daignent...
Actualités - CHRONOLOGIE
Grâce à un partenariat entre la Caisse de développement économique et social et l’AUB Des étudiants contribuent à la reconstruction de Bint Jbeil
Par HARB Mahmoud, le 29 août 2007 à 00h00
Quoi qu’en disent les affiches et autres banderoles bariolées qui jalonnent les autoroutes du Liban-Sud, célébrant la « victoire divine » et la défaite d’ « une armée naguère invincible », c’est dans un Bint Jbeil quasi désert et sur lequel pèse un vide synonyme de mort que l’on atterrit. La ville étale ses nombreuses plaies sous les yeux des rares visiteurs qui daignent s’y attarder un moment. Il va sans dire que la reconstruction de Bint Jbeil et de ses environs, qui ont subi les bombardements massifs de l’armée israélienne en juillet 2006, est loin d’être achevée. Les pelleteuses continuent même de déblayer les décombres d’une région qui se targuait, quelques mois auparavant encore, d’être la zone d’échange la plus prospère du Liban-Sud.
La Caisse de développement économique et social, financée à hauteur de quelque 25 millions d’euros par l’Union européenne et de 6 millions d’euros par le gouvernement libanais, et parrainant 39 projets dont profitent 150 mille habitants de 89 localités défavorisées, s’est jointe aux efforts de reconstruction. Elle a organisé, pour une durée d’une semaine, en partenariat avec la Société d’ingénierie civile de l’Université américaine de Beyrouth, un camp de volontaires auquel participent 20 étudiants en ingénierie civile, dans les villages de Rchaf et de Tiri, dans le caza de Bint Jbeil. Supervisés par Mounir Mabsout, les étudiants se sont répartis en deux équipes afin d’évaluer les besoins de l’infrastructure routière et des résidences privées des deux localités, et de fournir des conseils scientifiques aux citoyens et aux conseils municipaux.
Deux enfants du village de Tiri, Mohammad et Mehdi, accompagnent les étudiants dans leurs pérégrinations sur les routes du village et les introduisent auprès des habitants. L’équipe de Tiri est fière d’avoir couvert 600 mètres de voirie en une journée. « Soit plus de 4 kilomètres en une semaine ! Cela dépasse nos meilleures prévisions préalables », nous ont déclaré les étudiants, plongés dans la mesure des constructions afin d’élaborer des plans « comme il faut », sur le logiciel Autocad.
Omar Abou-Kar, coordinateur de l’équipe, nous fait état du grand étonnement de l’équipe, sortie droit de l’idéalisme des salles de classe, face à l’absence de toute planification urbanistique dans la région. « Il n’y a même pas de réseaux téléphoniques, ni d’égouts ! Les travaux ont été effectués arbitrairement, sans le moindre plan », s’exclame Omar. Et d’ajouter que « les gens se contentent de donner des instructions aux maçons et ne se rendent même pas compte de l’importance des plans et de l’expertise des ingénieurs et des architectes pour leur sécurité et pour celle de leur entourage ». « Un strict minimum de planification et d’études scientifiques pourrait économiser des sommes considérables aux commanditaires, et décupler l’utilité des travaux », renchérit un autre étudiant.
Cependant, la désillusion n’est pas totale. Les volontaires avouent avoir été agréablement surpris par « les conseils municipaux qui œuvrent sincèrement pour le bien-être de la population, fait rarissime dans notre pays ». Omar affirme que « les responsables sont soucieux de préserver l’héritage affectif des habitants, afin de renforcer leurs liens avec leur terre ». Un autre volontaire ajoute que « la présence d’un architecte à la tête du conseil municipal est une valeur ajoutée considérable, ses propositions ont même étonné notre professeur » !
Les étudiants sont venus de régions diverses du pays, « pour mettre leur humble savoir au service des habitants de cette région défavorisée, qui a subi le joug de l’occupation pendant des décennies ». Certes, les motivations ne sont pas uniquement désintéressées. « Cette expérience me permet d’enrichir mon CV », affirme l’un des membres de l’équipe. Le coordinateur explique que « les étudiants sont confrontés à des problèmes qui échappent à leur cursus académique et se trouvent obligés de développer des solutions innovatrices ».
Le contact humain avec la population locale suscite la curiosité des volontaires. « C’est essentiellement un monde d’hommes, que la présence d’étrangers intriguent », révèle Omar, ajoutant qu’ « une fois rassurés sur notre identité, les habitants se mettent à nous présenter une litanie de revendications et à se plaindre des difficultés de leur quotidien et nous avons beau leur expliquer que nous sommes de simples citoyens, comme eux, il n’y a aucun moyen de les en dissuader ! » « C’est dire combien leur situation est désespérée », commente un de ses collègues.
Profitant de la présence, au sein de l’équipe, d’étudiants originaires de la région, les volontaires ont pu découvrir des zones qu’ils n’avaient pas visitées auparavant, comme le célèbre village frontalier de Maroun el-Rass. Tarek Kanso, qui a organisé ces randonnées, nous informe que « l’équipe a également visité l’arbre des Martyrs, desséché depuis belle lurette, mais qui a fleuri lorsqu’ils ont gravé les prénoms des martyrs sur son écorce ». Tarek sourit. « Ce sont des superstitions à dormir debout mais c’est une culture populaire à laquelle nous ne sommes pas habitués à Beyrouth. »
La politique reste à l’ordre du jour au sein de l’équipe dont les membres ne partagent pas les mêmes opinions. Omar assure que « les discussions sont scientifiques et se fondent sur le respect mutuel ». Et de conclure que « la connaissance de l’autre est une richesse incommensurable, nous sommes des amis de longue date, ce n’est pas la politique qui viendra semer la discorde parmi nous ».
Magnifique leçon de démocratie à qui veut bien entendre !
Mahmoud HARB
Quoi qu’en disent les affiches et autres banderoles bariolées qui jalonnent les autoroutes du Liban-Sud, célébrant la « victoire divine » et la défaite d’ « une armée naguère invincible », c’est dans un Bint Jbeil quasi désert et sur lequel pèse un vide synonyme de mort que l’on atterrit. La ville étale ses nombreuses plaies sous les yeux des rares visiteurs qui daignent...
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