Walid Joumblatt ne cédera pas sur les constantes. Il ne reculera pas. Il œuvrera sans relâche pour faire élire un président du 14 Mars avec ses alliés, celui que « les chrétiens auront choisi ». Il ne permettra pas que, le 24 novembre, le piège du vide constitutionnel puisse se refermer sur le Liban. Il y aura donc un nouveau président du 14 Mars, « à n’importe quel prix »....
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Interview - Pas de compromis, pas de vide constitutionnel, souligne le chef du Rassemblement démocratique Joumblatt à « L’Orient-Le Jour » : Il y aura un président de la majorité le 24 novembre, à n’importe quel prix
Par HAJJI GEORGIOU Michel, le 23 août 2007 à 00h00
Walid Joumblatt ne cédera pas sur les constantes. Il ne reculera pas. Il œuvrera sans relâche pour faire élire un président du 14 Mars avec ses alliés, celui que « les chrétiens auront choisi ». Il ne permettra pas que, le 24 novembre, le piège du vide constitutionnel puisse se refermer sur le Liban. Il y aura donc un nouveau président du 14 Mars, « à n’importe quel prix ».
C ’est la détermination qui frappe dans le discours et l’attitude du président du Rassemblement démocratique. D’entrée, inébranlable, il rejette toute idée de compromis, quelle qu’elle soit, d’où qu’elle vienne, et la démonte pour prouver qu’elle est absurde, et qu’elle cache « autre chose ». Une autre chose qui est dans l’intérêt de l’axe irano-syrien. Tout comme il rejette le chantage permanent, celui de menacer constamment d’un chaos imminent si l’opposition n’obtient pas ce qu’elle demande. Un gouvernement d’union nationale avant la présidentielle, par exemple.
« Un gouvernement d’union nationale équivaut à un triumvirat. Le triumvirat désigne à l’origine une association de trois généraux romains pour s’emparer du pouvoir. L’histoire prouve que cela ne peut pas marcher. On ne peut pas gouverner avec trois têtes : l’alliance bicéphale Hezbollah-Aoun et, troisième tête, le 14 Mars », affirme Walid Joumblatt. « Quand ils auront les deux tiers ou la minorité de blocage, ils gouverneront comme un conseil révolutionnaire du style qui existait à l’époque des coups d’État arabes. Puis après, ils contrôleront tout. Et ils élimineront quand ils le voudront les décisions majeures qui ont été prises, comme la 1701, la déclaration ministérielle, et même le tribunal international. Ayant, dès le départ, la présidence de la Chambre, puis le triumvirat, ils imposeront ensuite le candidat qu’ils voudront à la présidence de la République. Et, dans leur arrière-pensée, il y a l’équilibre politique de Taëf qu’ils veulent remettre en cause. Ils l’ont bien dit. Larijani l’a dit à Téhéran. Et si Nasrallah a été contraint d’admettre dans son dernier discours, il y a quelques jours, qu’il était contre la révision de Taëf dans le sens de la répartition par tiers, il a de tout temps été hostile à l’accord. C’est pourquoi notre seule issue est d’élire, de notre côté, et à n’importe quel prix, un président du 14 Mars, qui pourrait peut-être à long terme, selon les circonstances régionales et internationales, rétablir plus ou moins l’équilibre », dit-il.
À n’importe quel prix ? « Cela veut dire ne jamais flancher, ne jamais avoir peur, de ce chantage autour du vide constitutionnel qu’on nous annonce, du quorum des deux tiers... Nous avons dix jours d’une importance capitale, entre le 14 et le 23 novembre. La Constitution est nette et claire : on peut élire un président à la majorité simple », poursuit-il. « Le subterfuge de Nabih Berry est le suivant. Dans un mois, il va aller à son bureau. Il y restera seul. Il n’ira pas avec la minorité, qui ne se présentera pas à la séance... En échange de la présence des deux tiers, ils veulent nous imposer un candidat de compromis, ce qui équivaudrait à notre déroute politique totale. Nous serions en train de nous résigner aux conditions du clan irano-syrien », note-t-il.
Pas de candidat
de compromis
Pour Walid Joumblatt, il n’y a « aucun candidat de compromis ». « Les forces du 14 Mars ont relevé un défi historique, ont donné tellement de martyrs et continuent de résister. Accepter un compromis, c’est aller au suicide ! Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Nous avons plusieurs candidats. Il faut choisir l’un d’eux qui soit du 14 Mars. Si nous lâchons cet attachement à une candidature du 14 Mars, nous cessons d’être crédibles. Il appartient à ceux qui se sont réunis à Meerab de décider qui sera le candidat. Ils vont se réunir à nouveau chez le président Gemayel dans les jours qui viennent. Et ce n’est pas les musulmans qui vont dicter leur choix aux chrétiens, contrairement à ce qu’une sotte rumeur prétend. Ce n’est ni Koraytem ni Moukhtara ! » affirme-t-il.
Le chef du PSP n’est pas tendre pour le président de la Chambre : « Je pense que Nabih Berry n’existe pas. C’est une boîte postale au service du régime syrien et du Hezbollah. Sa dernière chance d’exister en tant qu’entité politique indépendante, c’était il y a quelques mois. Il aurait pu convoquer le Parlement pour le vote sur le tribunal. Mais il ne le pouvait pas, parce que les ordres syriens et iraniens étaient clairs. Et puis cette approche selon laquelle il aurait sauvé la Chambre en la fermant... Ces hérésies constitutionnelles dépassent tout entendement. Je pense que ni Maurice Duvergé, ni Georges Vedel, ni Maurice Hauriou ne pourraient tolérer ce genre d’aberrations ! »
Pour M. Joumblatt, le terme de « candidat de confrontation » qui serait présenté par le 14 Mars est faux. « Il faut choisir. Ou bien nous sommes cohérents avec ce que nous voulons : un Liban indépendant, des relations diplomatiques avec la Syrie, le tracé des frontières de Chebaa, c’est-à-dire les constantes adoptées à l’unanimité durant la conférence de dialogue national. Puis, le respect intégral des résolutions internationales, depuis la 1559, c’est-à-dire la démilitarisation de tout le monde, l’État détenant seul le monopole de la violence légitime. Ou bien nous allons vers le compromis ; c’est-à-dire l’État du Hezbollah, syro-iranien, et un compromis entre des milices officieuses et l’État officiel », indique-t-il.
Il ne voit pas non plus de compromis saoudo-syrien pour le moment : « La Syrie a choisi le camp iranien, la déstabilisation de la région, la division de la Palestine en sabotant l’accord de La Mecque, contre le plan de paix très clair de Beyrouth et de La Mecque qui propose la paix contre la terre, c’est-à-dire la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem contre la paix. »
Une autre idée de compromis qu’il balaie d’un revers de la main : celle d’un président pour un mandat de deux ans : « C’est absurde. Il n’aura même pas le temps de recevoir les lettres de créance des ambassadeurs. C’est là la thèse irrecevable de certains vieux roublards de la politique libanaise. »
Qu’en est-il de ceux qui pensent que la majorité ne tiendra pas le coup, qu’il y aura des dissensions ? « C’est notre mission d’assurer l’existence de la majorité jusqu’au 24 novembre. Il faut rester cohérent, rester vivant politiquement, tout en prenant aussi en considération que notre ennemi, le régime syrien, avec ses alliés, ne lésinera pas sur les moyens de provoquer notre chute. Si le régime syrien voit que nous allons rester unis et qu’il n’y a pas moyen de nous disloquer, je ne vois pas pourquoi il ne reprendrait pas la vieille sale méthode des assassinats. Rien ne l’en empêche. Il n’a aucun scrupule. Ni lui ni ses alliés, d’ailleurs », répond-il. « Sur la question du quorum, je ne peux pas répondre. Il y a eu beaucoup d’études contradictoires. Dans tous les régimes parlementaires, c’est la majorité qui décide. Au Liban, on a décidé que la coutume l’emporte sur la loi. Ce sont là des aberrations constitutionnelles à la libanaise. Moi je parle des dix derniers jours. Il n’y aura pas de vide. On essaye de nous faire peur et d’effrayer le patriarche en parlant de vide. Mais il n’y aura pas de vide. Tant que nous existons en tant que majorité, nous aurons un président en novembre, durant les dix derniers jours », insiste-t-il.
Quant à l’élection dans un lieu alternatif au Parlement, « il y a des précédents : Béchir Gemayel a été élu à Fayadieh, René Moawad au Nord et Élias Sarkis à Chtaura ».
Déjà dans le chaos
Pour Walid Joumblatt, la menace du chaos généralisé ne tient pas. Et pour cause : nous y sommes déjà, selon lui : « Le pays est déjà plongé dans une situation de chaos. Il n’est certes pas généralisé, mais, à un moment donné, nous avons failli plonger dans une guerre sectaire à Beyrouth. Quand il y a eu l’avertissement saoudien clair, de la part du roi Abdallah à Nabih Berry et à Ahmadinejad, ils ont eu peur et ont hésité à envahir le Sérail. Quant au chaos économique, il existe. Avec la fermeture du Parlement, nous n’avons pu traduire dans les faits Paris III. Paient-ils les factures d’électricité dans la banlieue sud ? Et les communications ? Ils ont relié leurs régions par un système indépendant des communications libanaises, et 60 % des communications internationales passent par un réseau irano-libanais. C’est de la piraterie. »
Et de poursuivre : « N’y a-t-il pas de chaos à la frontière ? Quand Hassan Nasrallah lui-même admet qu’il a une puissance de feu plus importante que l’an dernier et qu’il veut essayer de nouvelles fusées... Peut-être même a-t-il des armes chimiques et biologiques, maintenant... Le chaos existe. Comment cela peut-il empirer ? Que va-t-il faire ? Tenter de contrôler tout le terrain ? Qu’il essaye. Aoun laisse entrevoir l’éventualité d’une désobéissance civile... Mais quand on ne paie pas ses factures, quand on établit un état de fait sécuritaire, politique et économique autonome au Sud, et qui va être relié au Nord à travers les achats de terrains, quand la banlieue sud paralyse le centre-ville de Beyrouth à travers le sit-in... c’est déjà le chaos. Pire. Il y a les assassinats. On a tenu bon, malgré cela. Que peut-il y avoir encore de pire ? Une guerre civile ? Il n’y en aura pas. Le Hezbollah prendra alors directement le contrôle du pays. Peut-il assumer toutes les responsabilités ? Hassan Nasrallah peut-il s’installer à Baabda et au Sérail ? »
Un corps étranger
Pour le chef du PSP, il n’y a « pas de compromis possible avec le Hezbollah ». « Est-il un parti politique libanais ? C’est une division iranienne sur le sol libanais, au détriment des Libanais et des chiites. C’est une percée iranienne, un parti militaire, presque fascisant, qui défend les intérêts du régime syrien et des aventuriers de Téhéran, qui n’ont rien à faire du Liban. Malheureusement, le système libanais, vu les divisions internes des années 80 et 90, ont permis au Hezbollah de se développer au détriment du pays. On n’a jamais eu un tel précédent dans notre histoire. C’est une structure autonome, militaire, qui embrigade des milliers de jeunes chiites qui vont en Iran pour s’entraîner politiquement et militairement, un corps étranger », dit-il.
Et de poursuivre : « Je ne crois pas non plus à la thèse qu’avec un régime totalitaire comme la Syrie, il y ait une possibilité de compromis. Du reste, il l’a prouvé. Quand nous avons osé dire non à la présence syrienne, il y a eu la succession d’assassinats politiques et de mouvements subversifs et de déstabilisation au Liban. Le régime syrien ne reconnaît pas l’entité libanaise. Il ne veut pas accepter qu’il puisse y avoir la possibilité d’un Liban indépendant. Bachar el-Assad est toujours fidèle à la thèse d’un seul peuple dans deux États, en attendant de réanschlusser l’État libanais. »
La seule solution ? « Il faut aller à l’offensive. C’est vrai que nous n’avons pas la même centralisation que leur camp. Eux sont un parti totalitaire, qui reçoit ses ordres directs de Téhéran et Damas. Nous sommes un rassemblement large, multiconfessionnel et diversifié. Il y aura un seul candidat du 14 Mars, et il y aura un président le 24 novembre. »
« N’amendons pas à nouveau la Constitution »
Walid Joumblatt souhaite rester cohérent avec la position qu’il avait prise en 2004, lorsqu’il s’était opposé à l’amendement constitutionnel pour la prorogation du mandat Lahoud.
« Nous ne pouvons pas nous lancer à nouveau dans un amendement constitutionnel pour remettre en cause toute notre bataille politique, nous les forces indépendantistes qui avons payé le prix du sang pour avoir refusé, les 29 députés, Kornet Chehwane et moi-même, l’amendement de la Constitution en 2004... Ce serait aberrant. Ce serait nous décrédibiliser, décrédibiliser toute notre lutte, internationale et locale », affirme-t-il.
« L’armée fait un excellent travail. Gardons-la en dehors des querelles politiques. Préservons le général Sleimane, qui fait un excellent travail en tant que commandant en chef de l’armée, et qui, je pense, reste parfaitement crédible pour l’avenir. Il a tout son temps pour devenir ministre et président plus tard. Essayons de dépolitiser l’affaire de l’armée. Respectons la Constitution. Respectons notre passé. N’amendons pas de nouveau la Constitution. Sans oublier que nous avions milité contre la militarocratie en 2004. Quand Michel Sleimane redeviendra un civil, il sera un excellent candidat. Je pense aussi qu’il est dans son intérêt lui-même de respecter la Constitution et de ne pas se lancer dans des querelles inutiles locales avec la classe politique », souligne le chef du PSP.
« Bienvenue à Aoun… s’il déchire
le document d’entente avec le Hezb »
Walid Joumblatt indique qu’après la partielle du Metn, et malgré la victoire arithmétique du candidat aouniste, Michel Aoun « ne peut plus se targuer de représenter à lui seul les chrétiens ». « Il avait une certaine crédibilité avant la partielle. Désormais, il est comme toute autre personnalité chrétienne du 14 Mars », dit-il. « Par ailleurs, c’est vexant de perdre le siège du Metn à 400 voix de différence. Mais on est loin du temps où, en 2005, le comprador affirmait représenter 70 % des chrétiens », ajoute-t-il.
Selon le chef du PSP, la divergence entre Aoun et le 14 Mars est « une question de choix ». « Le CPL a choisi le camp syro-iranien. Que peut-on y faire ? Mais il n’est jamais trop tard. Michel Aoun n’a qu’à déchirer cette fameuse feuille de route avec Nasrallah et se présenter à nouveau devant le 14 Mars. Il en redeviendra le leader. Il est le bienvenu », note M. Joumblatt.
« Certains évêques devraient
se conformer à la ligne du patriarche »
Dans le cadre d’un hommage au patriarche maronite, Walid Joumblatt affirme : « Je n’ai aucun conseil à lui donner, il n’en a pas besoin. Il sait très bien ce qu’il fait. Mais je conseille juste à certains évêques de suivre sa ligne. »
Michel HAJJI GEORGIOU
Walid Joumblatt ne cédera pas sur les constantes. Il ne reculera pas. Il œuvrera sans relâche pour faire élire un président du 14 Mars avec ses alliés, celui que « les chrétiens auront choisi ». Il ne permettra pas que, le 24 novembre, le piège du vide constitutionnel puisse se refermer sur le Liban. Il y aura donc un nouveau président du 14 Mars, « à n’importe quel prix »....
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