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Présidentielle : la mère des batailles, pour un régime syrien en quête de récupération Émile KHOURY

Pour le régime syrien, la présidentielle libanaise constitue un enjeu primordial. Elle lui offre, en effet, une occasion en or de rétablir sa tutelle. Sous une forme peut-être différente au début. Mais rien qu’au début. Car il saura bien retisser assez rapidement sa toile d’araignée. Ce réseau qui lui permettait, et lui permettrait de nouveau si ses espérances étaient comblées, de contrôler complètement ce pays. Et ses multiples ressources. Sans compter qu’il se retrouverait en mesure de passer pratiquement à la trappe sa bête noire, le tribunal international. Via la coopération active d’un pouvoir libanais qui lui serait tout acquis. Pouvoir qui dispose d’assez de marge de manœuvre pour entraver le tribunal. Vu que cette instance comprend des juges libanais, qu’on peut faire valser, ou rendre indisponibles, à volonté. Et que la procédure se fonde, en large partie, sur le code libanais. C’est donc pour obtenir un président qui lui soit favorable que ce régime exige de ses alliés locaux d’exiger à leur tour, en priorité absolue prenant le pas sur l’élection, un cabinet dit d’union avec tiers de blocage. Damas sait bien que cette revendication ne peut pas passer. Mais il s’en sert comme d’une carte de pression sur la majorité pour la forcer à admettre un président qui lui convienne. La menace sous-jacente reste, bien sûr, le torpillage de l’échéance présidentielle. À travers un défaut du quorum requis, qui est des deux tiers. Après quoi le nouveau gouvernement, contrôlé grâce au tiers de blocage, prendrait en main tous les rênes. Ces orientations expliquent pourquoi le président Nabih Berry, qui a fixé le rendez-vous de la présidentielle au 25 septembre et qui milite pour l’échéance, évite pourtant soigneusement de préciser si son propre bloc parlementaire y fera acte de présence. Il en va de même d’ailleurs pour le général Michel Aoun, tout candidat qu’il soit. On ne sait toujours pas en effet si son groupe va assister à la séance, pour répondre au vœu pressant de Bkerké. Ou s’il va, en définitive, s’aligner sur un Hezbollah qui, sur ordre, aurait décidé de boycotter l’élection. Tactiques Sur le plan tactique, un député du 8 Mars confie à des témoins que l’opposition compte se déterminer en fonction des choix que la majorité ferait. Si les loyalistes devaient présenter un candidat issu de leurs rangs, l’on y riposterait par le défaut de quorum. En maintenant le barrage jusqu’à ce que la majorité accepte de négocier sur un candidat de compromis, dit d’entente. Au cas où la majorité, divisée, ne parvenait pas à désigner un candidat la représentant, l’opposition procéderait à un pointage minutieux des suffrages que le sien propre pourrait recueillir. Pour tenter de se gagner l’appui des indépendants et remporter le scrutin. Ce député avoue qu’a priori on ne peut séduire ces indépendants en présentant le général Aoun. Mais en face, on ne manque pas non plus de possibilités. En effet, la question du quorum est une arme à double tranchant que la majorité peut aussi bien utiliser que le camp adverse. Au cas où il lui apparaissait que si l’on ne fait pas sauter la séance, c’est le candidat d’en face qui l’emporterait. Une probabilité qui prendrait certainement corps si plusieurs postulants provenant d’une majorité disloquée devaient se faire concurrence. Le cabinet Pour tout dire, et le parlementaire opposant cité le souligne volontiers, le quorum resterait aléatoire, compromis d’un côté ou de l’autre, tant que l’on ne se serait pas accordé sur un président de consensus. L’éventualité d’un vide institutionnel reste forte à ce stade. C’est bien pourquoi il est important pour les radicaux opposants de continuer à réclamer la mise en place préalable d’un cabinet dit d’union. À ce propos, tandis que la majorité maintient son non catégorique, certains députés indépendants indiquent qu’ils ne sont pas tout à fait contre l’idée d’un gouvernement d’exception. Mais elle ne devrait être retenue, à leur sens, qu’au cas où il devenait évident que l’élection ne peut être organisée. Ces parlementaires centristes critiquent les prétentions de l’opposition articulées autour du principe de la participation. Car, soulignent-ils, le 8 Mars est plus que largement représenté au pouvoir par les présidents Lahoud et Berry. Qui font montre d’une redoutable efficacité en matière d’obstruction. L’un refusant de signer les décrets et l’autre fermant la Chambre. Le jeu de la corde Mais la grande question, c’est naturellement de savoir si les parties prenantes extérieures vont laisser faire le régime syrien. Si elles vont lui permettre de décrocher un président libanais à sa guise, pour ne pas dire à sa botte. En sachant que cela compromettrait leurs intérêts. Pour le moment, on tire à la corde. La Syrie fait clairement voir qu’elle est résolue à provoquer, à attiser, divers problèmes politiques, sécuritaires ou économiques sur la scène libanaise. Tant que les États-Unis n’auront pas souscrit à ses conditions. Un détail à signaler, à souligner : c’est la première fois que de si nombreux États, ou organisations, ambitionnent, à des degrés variables, de participer à la fabrication d’un nouveau président de la République libanaise. Autour de la table, on trouve en effet, cette fois, la Syrie, les USA, l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Égypte, la Ligue, la France et l’Union européenne. Tandis que dans le passé, les intervenants allaient le plus souvent par couples, opposés ou raccordés. La France et la Grande-Bretagne avant et en 43. Les USA et Nasser en 58. Puis la Syrie et Washington. Enfin, la Syrie toute seule.
Pour le régime syrien, la présidentielle libanaise constitue un enjeu primordial. Elle lui offre, en effet, une occasion en or de rétablir sa tutelle. Sous une forme peut-être différente au début. Mais rien qu’au début. Car il saura bien retisser assez rapidement sa toile d’araignée. Ce réseau qui lui permettait, et lui permettrait de nouveau si ses espérances étaient comblées, de...