Actualités - CHRONOLOGIE
Présidentielle - « La question du quorum des deux tiers est quasiment tranchée », affirme le président de la Chambre Berry rencontrera Sfeir pour « couronner » et non pour lancer son initiative
Par HADDAD Scarlett, le 17 août 2007 à 00h00
De bien lourdes responsabilités pèsent désormais sur les épaules du président de la Chambre, Nabih Berry. C’est vrai que le point fort de cet homme a toujours été de tenter d’arrondir les angles et de travailler sur les compromis. Mais aujourd’hui, alors que l’impasse semble totale, les yeux des Libanais se tournent plus que jamais vers lui, comme s’il était le magicien qui allait sortir de son chapeau le fameux lapin. Pourtant, comme il le dit lui-même avec humour, « j’ai sacrément besoin de l’aide d’un ami et même de plusieurs », reprenant pour son compte une des règles-clés du jeu télévisé « Qui veut gagner des millions ». Les visiteurs de Aïn el-Tiné ne s’ennuient d’ailleurs jamais en présence du président de la Chambre. Avec son discours imagé et sa propension à utiliser des proverbes du terroir, il donne une idée concrète de la situation et sait aussi faire passer les messages, avec un mélange de pragmatisme et de subtilité.
Tout en n’étant pas d’un optimisme délirant sur ce qu’il est désormais convenu d’appeler « son initiative », le président de la Chambre fait remarquer qu’il est de son devoir de déployer tous les efforts possibles pour tenter de débloquer la situation. Il ajoute qu’il ne se lassera jamais de travailler dans ce sens car l’avenir du Liban en dépend. Selon ses visiteurs, le président de la Chambre s’étonne toutefois des réponses de certaines personnalités politiques, qui affichent ouvertement leur refus de discuter. Les visiteurs de Aïn el-Tiné racontent ainsi qu’une des personnalités du 14 Mars avec laquelle Berry a toujours gardé des relations acceptables a même déclaré : « Je refuse de le retrouver à la moitié du chemin. » À quoi Berry aurait répondu : « Qu’à cela ne tienne, je le retrouverai au bord de la route, mais il ne faut pas refuser le dialogue. »
Le président de la Chambre s’étonne aussi des accusations portées contre lui par certains médias proches du 14 Mars selon lesquelles il serait en train de gagner du temps et il s’écrie devant ses visiteurs : « Peut-on me dire comment je chercherais à gagner du temps ? J’ai fixé depuis trois mois la date de la séance d’élection présidentielle au 25 septembre et je prêche pour un gouvernement d’union nationale depuis un an. Aujourd’hui, je parle plus de la présidence car l’échéance approche. D’ailleurs, tout le monde me demandait de lancer une initiative pour le dialogue et dès que je commence à le faire, les critiques pleuvent. »
Berry rappelle qu’il avait annoncé qu’il entamerait ses concertations après le 15 août, mais dès le 14, de nombreuses personnalités ont demandé des rendez-vous, notamment des candidats potentiels à la présidence de la République, comme Boutros Harb, Robert Ghanem, Charles Rizk et Nassib Lahoud. Ce qu’il perçoit comme un élément positif.
Berry précise qu’il insiste avec ses interlocuteurs sur l’importance d’établir des programmes et il confie qu’il attend d’achever ses contacts et de procéder à un tri des informations recueillies avant de se rendre chez le patriarche maronite, Nasrallah Sfeir. Selon lui, son entretien avec le cardinal Sfeir devrait être un couronnement et non un commencement...
Dans ce qui ressemblerait à de la schizophrénie (comme il le dit lui-même avec autodérision), Berry fait une distinction entre son appartenance à l’opposition, et par conséquent son engagement en faveur de la candidature du général Michel Aoun à la présidence, et sa fonction officielle de président de la Chambre, qui le contraint à organiser l’élection présidentielle, sans laquelle, selon lui, le Liban est en danger. « En tant que président de la Chambre, dit-il, je suis tenu d’organiser des élections et je suis engagé dans l’entente, qui suppose un quorum des deux tiers des députés. » Il remercie le Ciel que ni les forces du 14 Mars ni celles du 8 Mars ne disposent des deux tiers des députés. Ce qui, selon lui, devrait rendre le consensus obligatoire pour l’élection présidentielle.
Sur les chances de succès de son initiative de pousser l’opposition et la majorité à s’entendre sur un candidat, Berry précise qu’elles dépendent de l’appui des différentes parties. « Je compte d’abord sur l’aide des Libanais », précise-t-il avant d’affirmer que la question du quorum des deux tiers est pratiquement tranchée. Lorsqu’on lui fait remarquer que le chef des FL tient un autre langage, Berry répond par une boutade : « Il n’est pas député. Tant que ce n’est pas sa femme qui le dit... » Il rappelle aussi que le Dr Samir Geagea insiste depuis des mois sur l’importance de l’échéance présidentielle. Il devrait donc, selon lui, l’aider dans ses efforts. Berry évoque ensuite la séance de l’élection présidentielle du 18 août 1988. Les Syriens voulaient alors une élection avec un quorum réduit. Et en tant que ministre de la Justice, on lui avait demandé son avis. Il avait répondu qu’il fallait un quorum des deux tiers des députés c’est-à-dire 66 sur 99. Mais le président de la Chambre de l’époque, Hussein Husseini, avait décidé qu’il s’agissait d’une question qui concerne le Parlement et il avait fixé le quorum exigé aux deux tiers des députés vivants. Geagea avait alors adopté le point de vue de Berry et il avait affirmé qu’il n’acceptait qu’un président d’entente et qu’il ferait tout pour empêcher le quorum. Résultat : il avait fermé les routes pour empêcher les députés des régions est de se rendre au palais Mansour. Berry ne se prive pas de faire remarquer que la position de Geagea aujourd’hui ressemble fort à celle des Syriens en 1988...
Le président de la Chambre affirme ensuite que les contacts avec les différentes parties sont en cours.
Évoquant l’initiative française, Berry rappelle qu’il avait été question qu’il réunisse à Aïn el-Tiné les piliers de l’opposition, mais il ne voulait pas se lancer dans une telle démarche sans être sûr des résultats. Il rappelle ainsi que les réunions de dialogue avaient eu un effet positif pendant la guerre de l’été facilitant la solidarité entre les Libanais alors que l’échec des concertations avait au contraire entraîné une crise dans laquelle le pays continue de se débattre. C’est pourquoi, selon lui, ce qui est plus grave que l’absence de réunion, c’est l’échec de celle-ci. Pour préparer le terrain, il avait donc envoyé ses idées, au sujet du gouvernement d’union, par écrit au ministre français des Affaires étrangères et ce dernier l’avait rappelé en soirée pour lui dire qu’elles avaient reçu un accueil positif. Le lendemain, la majorité a fait un pas en arrière et est revenue à l’idée des 19, 10, 1 ministres. Berry affirme qu’« en toute conscience, les entraves ne sont pas venues de l’opposition ».
Répondant au chef du Courant du futur qui avait déclaré que la majorité avait accepté à trois reprises la formation d’un gouvernement d’union, Berry précise que cette déclaration est un aveu du fait que les entraves viennent de son camp. D’abord, il parle de gouvernement de 19-11, puis il propose de nommer le trentième alors que le principe était qu’il soit choisi par l’opposition et approuvé par la majorité. Bref, Berry est parvenu à la conclusion que la majorité ne voulait pas la formation de ce gouvernement et il précise qu’il y a plusieurs façons d’exprimer son refus...
Selon lui, l’idée de former un gouvernement d’union reste le meilleur moyen de parvenir à une solution et il ajoute que la majorité avait réclamé des garanties pour que les ministres de l’opposition ne démissionnent pas. Il révèle ainsi qu’il avait personnellement fourni cette garantie et malgré cela la majorité n’était pas convaincue. Berry précise qu’il est passé outre, développant le point suivant : même si les ministres de l’opposition devaient démissionner, le gouvernement serait alors considéré comme démissionnaire. Il serait chargé de gérer les affaires courantes en attendant la formation d’un nouveau gouvernement et en cas de vacance à la présidence de la République, c’est lui qui prendrait le pouvoir, avec, cette fois, l’obligation pour le président de signer les décrets. La situation serait donc préférable à la prise du pouvoir par le gouvernement actuel non consensuel et considéré par le chef de l’État comme non existant...
Selon le président de la Chambre, l’initiative française n’est pas une page tournée. Il attend d’ailleurs d’en parler avec le nouvel ambassadeur de France qui doit arriver très bientôt à Beyrouth. Berry a aussi des contacts avec le ministre espagnol des AE et il laisse entendre que l’idée d’un congrès international sur le Liban n’est pas abandonnée, même s’il a perçu des changements dans les positions de certains ambassadeurs. Il conclut en affirmant que la situation régionale est très grave et le Liban n’est malheureusement pas un îlot... Et si la séance du 25 septembre n’a pas lieu ? « J’en fixerai une autre dix ou quinze jours plus tard et ainsi de suite... »
Scarlett HADDAD
De bien lourdes responsabilités pèsent désormais sur les épaules du président de la Chambre, Nabih Berry. C’est vrai que le point fort de cet homme a toujours été de tenter d’arrondir les angles et de travailler sur les compromis. Mais aujourd’hui, alors que l’impasse semble totale, les yeux des Libanais se tournent plus que jamais vers lui, comme s’il était le magicien qui...
Les plus commentés
Deux femmes nommées dans l’équipe du président Joseph Aoun
Le duo Hezbollah-Amal prend sa revanche… mais ne coupe pas tous les ponts
Le tandem chiite ne boudera pas le nouveau cabinet