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Actualités - CHRONOLOGIE

La situation actuelle étouffe le potentiel du secteur Les sociétés de production libanaises résistent tant bien que mal aux turbulences politico-sécuritaires

«Des pellicules en or » : ainsi titrait Le Commerce du Levant du mois de février 2005. L’industrie des sociétés de production, principalement de spots publicitaires, était alors en plein boom, quelques semaines avant l’assassinat de Rafic Hariri. Depuis, le secteur traverse tant bien que mal une période marquée par l’instabilité politique. Mais c’est surtout la guerre de juillet qui a freiné la croissance du secteur. Depuis, le chiffre d’affaires est en baisse entre 30 et 50 %, selon les boîtes. Et pour cause : 75 à 90 % du chiffre d’affaires des sociétés de production implantées au Liban provient de clients étrangers. Les clients du Golfe, qui représentent jusqu’à 90 % des clients étrangers, préfèrent désormais tourner à Dubaï, quitte à payer 30 % plus chers – et même le double, selon certains. L’essentiel étant de ne pas courir le risque d’annuler le tournage au dernier moment suite à un attentat, une bombe sonore, une manifestation, voire une guerre. En effet, les boîtes de production ont presque fait du tournage une activité subsidiaire. Aujourd’hui, leur métier s’apparente plutôt à « la gestion de crise », selon les propos d’un PDG d’une grande société de production. Afin de rassurer le client, « nous proposons désormais deux devis pour chaque projet, l’un pour le Liban et l’autre pour Dubaï, au cas où la situation tourne mal », assure Gabriel Chamoun, le PDG de Talkies. Aussi, le pays présentait autrefois l’avantage d’être une destination touristique pour certains clients qui occupaient les hôtels de la capitale pendant les journées de tournage. Aujourd’hui, « vous les Libanais, vous nous privez du Liban », confie l’un d’eux à Antony Makhlouf, producteur à Signature Productions. Arrive ensuite le problème du repérage. Paranoïa sécuritaire oblige, surtout lorsqu’on porte en bandoulière un engin qui ressemble à un projectile, il faut désormais un permis pour filmer dans les lieux publics. De plus, le centre-ville de Beyrouth, où une grande partie des repérages avait lieu, a perdu de son attrait artistique depuis le sit-in de l’opposition. Enfin, les compagnies d’assurances internationales n’étant pas friandes à couvrir un pays comme le Liban, les boîtes ont de plus en plus de mal à faire appel à des spécialistes ou des acteurs de l’étranger. Quant aux professionnels locaux, ils sont de plus en plus nombreux à chercher leur bonheur ailleurs, vidant progressivement le marché national de ses talents. Et lorsque la vague d’immigration qui s’est déferlée sur les côtes du Golfe retourne au Liban, elle exerce des pressions inflationnistes sur les salaires. En effet, après avoir acquis une certaine expérience à l’étranger, les spécialistes qui retournent au pays revendiquent des salaires au diapason du coût de la vie à Dubaï. Ainsi, la journée d’un directeur artistique est passée de 500 dollars en 2004 à 1 250 dollars en 2007. « Dubaï est un virus », estime Marc Hadifé, PDG de City Films. Un constat qui semble partagé par la plupart des producteurs, même ceux pour qui le « talent n’a pas de prix ». Or, cette pression ne s’exerce pas seulement au moment où les clients étrangers se raréfient. La composante locale de la clientèle des sociétés de production est également affectée par le marasme ambiant. Résultat : la plupart des clients libanais consacrent à la production un budget parfois 50 % inférieur à ce qu’ils étaient en 2005. Pour faire face à la situation, surtout depuis la guerre de juillet, la plupart des boîtes libanaises ont donc ouvert un bureau à Dubaï, ou en Égypte. Mais l’expérience n’a pas toujours été concluante. « Les Égyptiens nous ont clairement mis les bâtons dans les roues, affirme un producteur. Sans parler du manque de professionnalisme et de spécialistes, et des coûts qui se sont révélés parfois plus chers que ceux du Liban. » D’autres sociétés ont choisi de rester. City Films et Laser Films, par exemple, n’ont aucune branche à l’extérieur. « Il faut croire en ce pays, lance M. Hadifé. Au lieu de promouvoir leur pays, les Libanais se lancent à la conquête d’autres destinations : Afrique du Sud, Europe de l’Est… Autant faire du tourisme ! » Toutefois, cette volonté de se maintenir au Liban n’est pas complètement irrationnelle. À l’image du reste du pays, l’activité est cyclique, mais le secteur est connu pour sa résilience. À chaque dégradation sécuritaire, le chiffre baisse pendant quelques mois. « Alors que je déclinais des propositions une semaine avant l’attentat contre Walid Eido, je me suis retrouvée du jour au lendemain sans rien », témoigne Nadine Ghanem, directrice artistique indépendante. Mais les affaires ont repris en juillet. « Ce qui prouve que le Liban est indispensable, affirme Toufic Traboulsi, le PDG de Independent Productions. On a le matériel et le talent. Il faut avouer que rapport qualité/prix, le Liban est imbattable. » Cette reprise n’est pas pour autant un retour à la normale. Alors que les clients de l’Europe constituaient 25 à 30 % du chiffre d’affaires de Talkies, « il ne reste plus personne aujourd’hui », regrette Gabriel Chamoun. Et puis « c’est quoi la normale ? » rétorque, Jean-Pierre Sikias, PDG de Laser Films. Vu le potentiel du secteur, la situation actuelle participe plutôt de la récession. Souheil KHOURY
«Des pellicules en or » : ainsi titrait Le Commerce du Levant du mois de février 2005. L’industrie des sociétés de production, principalement de spots publicitaires, était alors en plein boom, quelques semaines avant l’assassinat de Rafic Hariri. Depuis, le secteur traverse tant bien que mal une période marquée par l’instabilité politique. Mais c’est surtout la guerre de...