Le népotisme est une attitude en vertu de laquelle des faveurs particulières sont accordées par une personne à sa famille.
Et si la disposition d’un parent à accorder à son enfant des faveurs (« le traiter avec bienveillance, lui accorder son aide », dit le Larousse) participe de la marche naturelle de l’humanité vers l’avant, le favoritisme, forme maligne de cette disposition, est répréhensible, en ce qu’il se définit comme une tendance à accorder des faveurs injustes. La faveur se présente alors avec « le parfum de la corruption » que dégage le favoritisme.
C’est précisément ce népotisme déviant que le Courant patriotique libre semble mettre en exergue dans sa dialectique électorale d’aujourd’hui, lorsqu’il critique la candidature d’Amine Gemayel à la législative partielle du Metn, en remplacement de son fils, Pierre.
Je comprends l’attrait de l’argument. Mais ce serait oublier que le népotisme (de « nepos », neveu en latin) est un schéma essentiellement descendant, s’exerçant du parent vers sa progéniture, dans un but évident de protection et de pérennisation. C’en est là la philosophie. Or la volonté d’Amine Gemayel de continuer la mission de son fils est ascendante ; point de protectionnisme ou de pérennisation de progéniture ici. Cette volonté émane de plus d’un homme ayant connu tous les mandats que la République peut offrir ; point de favoritisme corruptif donc ; et point de germes de népotisme, ou de népotisme déviant.
Comment, dans ces conditions, voir dans le geste d’un Amine Gemayel repreneur de flambeau, autre chose que le dépassement, par un parent, de sa douleur la plus profonde, dans le but d’acheminer le message écrit par un fils perdu ?
Comment y voir autre chose que l’image du père thuriféraire, portant à bout de bras l’enfant et son idéal ?
Il y a là les éléments de l’abnégation, dans le sens thomiste du terme.
Un autre argument se retrouve dans la dialectique électorale du CPL : la présentation d’un candidat par un parti (Camille Khoury en l’occurrence) est un acte démocratique, qui ne saurait, par conséquent, être critiqué ; une élection se joue et se gagne, démocratiquement.
Certes. Mais, là encore, ce serait oublier un des fondements de toute organisation sociale heureuse : l’équité, avec, pour corollaire, la loyauté dans les rapports entre acteurs d’un même système.
Or l’assassinat d’un député en exercice, pour ses idéaux politiques, casse la transmission de son message ; et, remplir son siège vacant, autrement que dans un sens permettant à ce message de retrouver sa chaîne de transmission illégalement brisée, serait une prime au crime perpétré, un début d’anéantissement de la notion de députation et une violation de l’équité évoquée.
Les duellistes français du XVIIe siècle avaient bien compris la nécessité de satisfaire au remplacement « équitable » des moyens du combat. Un fleuret perdu en cours de combat était remplacé, de la volonté même de l’adversaire armé.
Plus proche de nous et dans un autre registre, les juristes anglo-saxons assortissent leurs contrats internationaux d’une clause dite de « hardship ». Une telle clause impose aux parties de renégocier, de bonne foi, les termes de leur contrat, lorsqu’un bouleversement de circonstances a profondément modifié l’équilibre initial des obligations des parties. Et ce, dans le but de pérpétuer cet équilibre d’origine, rompu par les circonstances extérieures.
« Ne suivez pas les passions au détriment de l’équité », dit le Coran.
Ainsi et au-delà des enjeux stratégiques de la législation partielle du Metn, prétendue « primaire » de l’élection présidentielle à venir ; au-delà également des considérations de cohésion et des enjeux de survie communautaire, l’équité s’érige en critère de choix.
Dans son Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline concluait ainsi : « De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l’écluse, un autre pont, loin, plus loin… Il appelait vers lui toutes les péniches du fleuve, toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne et nous, tout qu’il emmenait, la Seine aussi, tout, qu’on en parle plus. »
Georges K. HADDAD
Avocat à la cour
Chargé de cours à la faculté de droit
de l’Université Saint-Joseph
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