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ENVIRONNEMENT Métier : chasseur de papillons au Kenya

Avec son filet à papillons, fait maison à partir d’une moustiquaire, Aïcha poursuit des espèces rares dans les allées sablonneuses de la forêt d’Arabuko Sokoke sur la côte kényane. « J’aime capturer les papillons. Ça me rapporte de l’argent », explique cette mère de famille. « J’ai besoin de la forêt, parce qu’elle nourrit les papillons », poursuit-elle, essoufflée, le nez perlé de sueur, mais tout sourire. Il y a quelques années pourtant, Aïcha Ali, comme la plupart des quelque 100 000 villageois qui habitent autour de cette forêt tropicale, avait « une image négative de la forêt », raconte Maria Fungomeli, scientifique kényane de 29 ans. « Les fermes étaient attaquées par les éléphants et les singes. Les villageois voulaient que la forêt disparaisse. » De nombreux autres habitants coupaient les arbres pour vendre le bois, menaçant les espèces en danger d’oiseaux et d’animaux, comme l’éléphant et le rat-trompette, qui vivent à Arabuko Sokoke, situé à environ 450 km au sud-est de Nairobi. Mais aujourd’hui, grâce au projet Kipepeo, qui signifie « papillon » en kiswahili, 800 familles vivent grâce aux papillons qui abondent dans la forêt et sont exportés essentiellement en Grande-Bretagne et aux États-Unis, pour des expositions ou des musées d’histoire naturelle. « Je serais fou aujourd’hui de couper des arbres », lance Suleiman Kachuma, un Kényan de 42 ans qui gagne 1 000 à 1 500 shillings (15 à 23 dollars, de 11 à 17 euros) par mois avec les papillons, contre 500 à 800 avec la coupe du bois. « Avant, des gens avaient quelques chèvres et poules. Maintenant, les paysans ont plus de poules et même du bétail pour certains. Le projet a vraiment changé nos vies », affirme-t-il du haut de son mètre 60. Pelisitna Isaac, une frêle maman, se réjouit, elle, de pouvoir « répondre aux besoins » de ses trois enfants. « Il nous arrivait d’avoir faim », mais plus maintenant, assure-t-elle, avant de confier ses chrysalides à Kipepeo. Le projet, lancé en 1993 et financé à l’époque notamment par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), n’achète en effet pas les papillons, mais les chrysalides. Les villageois doivent donc, après avoir capturé quelques spécimens, les faire reproduire. George Jefwa, qui a abandonné son petit commerce pour l’élevage de papillons, a construit une « ferme » : une grande cage de piquets de bois qui supportent des filets. À l’intérieur, des dizaines de papillons aux ailes tachetées de bleu turquoise, vert luisant ou jaune soleil virevoltent et se reproduisent. George, qui a appris à identifier des dizaines d’espèces, ramasse régulièrement les œufs, de minuscules perles translucides, les enferme dans des boîtes en plastique, pendant environ cinq jours. Une fois les chenilles écloses, il les pose sur une plante dont elles se nourrissent pendant un mois avant de se transformer en chrysalides, prêtes pour l’exportation. Le projet Kipepeo, qui s’autofinance aujourd’hui, est cependant victime de son succès. « On reçoit 200 000 chrysalides par an, mais on ne parvient à en vendre que 25 % », regrette Maria, numéro deux du projet Kipepeo. Seules les chrysalides vendues, qui ressemblent à s’y méprendre à des brindilles, des cailloux verts pigmentés d’or ou encore de grosses graines, sont payées aux fermiers. « Aujourd’hui, explique-t-elle, notre principal défi est de conquérir de nouveaux marchés » pour ne pas décourager les fermiers qui élèvent des papillons et pour convaincre ceux qui coupent encore les jolis arbres d’Arabuko Sokoke qu’une autre alternative est possible.
Avec son filet à papillons, fait maison à partir d’une moustiquaire, Aïcha poursuit des espèces rares dans les allées sablonneuses de la forêt d’Arabuko Sokoke sur la côte kényane. « J’aime capturer les papillons. Ça me rapporte de l’argent », explique cette mère de famille. « J’ai besoin de la forêt, parce qu’elle nourrit les papillons », poursuit-elle,...