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L’approche française, un modèle de réalisme prudent Philippe ABI-AKL

Plus raisonnable qu’ambitieuse, l’initiative française n’en a que plus de chances de produire des résultats positifs. La question reste toutefois de savoir si l’on peut dénouer un nœud gordien (par référence aux entrelacs que Damas, capitale du tissage, ne cesse de mettre en trame), sans le trancher. N’importe, l’expérience est à tenter. D’autant plus impérativement, sans doute, qu’à l’étonnement de nombre d’observateurs, les prosyriens radicaux ne s’y opposent pas. Pour le moment. En tout cas, les responsables français, pragmatiques et réalistes, ne s’en cachent pas. La Celle-Saint-Cloud, ce n’est qu’une amorce. Le début, volontairement prudent, d’un long processus de normalisation. Que les Libanais devront eux-mêmes, eux seuls, mener à bien. Par le rétablissement précautionneux d’un climat sinon de confiance, du moins d’une méfiance réciproque atténuée. En somme, c’est le recours et le retour à la vieille recette latine : pour espérer aller loin, aller lentement mais sûrement. Chi va piano va sano, chi va sano va lontano. Ou encore, comme le dit Racine, Qui veut aller loin, ménage sa monture. En interne… externe Les Français font valoir que le simple bon sens commande, si l’on veut trouver une issue à la crise, que les protagonistes reprennent langue et contact. En cessant de se bouder. Paris adopte dès lors, dans une éthique de bons offices, une position d’équidistance ou, si l’on préfère, de neutralité positive. Cela par rapport aux parties libanaises. Par contre, comme le démontrent les déclarations successives de l’Élysée et du Quai d’Orsay, Damas n’est pas encore rentré en grâce aux yeux des Français. Cependant, l’intérêt du Liban leur tenant à cœur, en raison de l’amitié séculaire des deux pays, ils veulent croire, ils espèrent, que les Libanais puissent se (re)parler librement. Loin du chant des sirènes syriennes ou autres. Paris veut faire confiance aux Libanais, pour qu’ils reprennent confiance en eux-mêmes, comme entre eux. Il s’agit donc de recentrer le dossier, à partir d’un angle, d’un point de vue sans doute divergent, mais purement local. L’essentiel étant de le dégager du bourbier régionalo-international. Du moins autant que faire se peut. C’est bien pourquoi les Français soulignent, avec insistance, que La Celle-Saint-Cloud, ce n’est pas une conférence internationale, à la Taëf, mais bien une table ronde uniquement libanaise, regroupant des pôles de la société civile. On notera, incidemment, que la France souhaite que l’aide constante, soutenue, qu’elle a développée via Paris I, Paris II et Paris III n’ait pas été prodiguée en vain. Revirement Mais pourquoi l’opposition a-t-elle levé ses réticences antérieures, par rapport à l’initiative française ? Ces réserves, on le sait, avaient suscité le report du rendez-vous, initialement prévu pour juin. La réponse, selon un député loyaliste, tient dans le fait que trop de monde, les Occidentaux mais aussi les Arabes, a reproché aux prosyriens d’avoir fait capoter la mission Moussa. Ils ne veulent pas qu’on les accuse d’obstructionnisme flagrant. Et de plus, estiment d’autres sources, ils n’ont rien à perdre, et tout à gagner, à se montrer ouverts, du moment que l’initiative française est strictement limitée à une question de simple détente. Et non d’entente, cette entente pour laquelle les prosyriens les plus engagés n’auraient toujours pas reçu de feu vert. Ainsi s’expliquent les nuances, pour ne pas dire les différences qui marquent actuellement le langage, tempéré pour l’un et radical pour l’autre, du mouvement Amal et du Hezbollah. Ou encore, les divergences de vues entre la composante chiite de l’opposition et le CPL. Des dissonances que l’on prend soin de ne pas faire éclater au grand jour, ni de crier sur les toits. Mais qui n’échappent pas à la sagacité de diplomates, occidentaux et arabes, qui les commentent d’abondance dans leurs assises privées, et sans doute dans leurs dépêches d’ambassade. On sait, par exemple, que le CPL et Amal sont réticents face à l’idée d’un deuxième gouvernement. Qui constitue à leurs yeux, et au mieux, un moindre mal éventuel, mais un mal quand même. Du reste assez grave par son caractère partitionniste. Tandis que le Hezb y est largement, ostensiblement, favorable. Dans la mesure, peut-être, où l’État ce serait enfin lui. Et dans la mesure, assez sûrement, où il se montrerait le plus fidèle à une ligne téléguidée notoire, d’ailleurs avouée sans vergogne, visant à la dislocation des institutions libanaises. Selon les cadres du Hezb, le scénario pourrait être que le président Lahoud, tout en formant un deuxième gouvernement, dissoudrait la Chambre présente et irait éventuellement jusqu’à proclamer l’état d’urgence. Projets Cependant, il convient de souligner que Baabda ne partage pas ces vues. Les sources proches du président répètent en effet qu’il ne cesse de militer pour un cabinet d’union. Mais, précisent-elles, il n’écarte pas la possibilité d’être obligé de prendre des mesures constitutionnelles, sans en révéler la teneur. Du côté de la Syrie, on pousse à la roue, comme toujours. Les dirigeants baassistes exigent ouvertement un cabinet d’union avec tiers de blocage ou sinon… Ils répètent à satiété que leurs alliés libanais sont forts, plus forts que la majorité fictive, à laquelle ils ne manqueront pas d’imposer leur volonté. Entendre, le diktat syrien. Ils s’opposent à une surveillance internationale des frontières comme à la levée du sit-in. En faisant peu de cas des doigts pointés vers eux dans l’affaire de Fateh el-Islam comme dans les autres secousses infligées à ce malheureux pays, à Beyrouth, en montagne ou au Sud. En tout cas, les Syriens confirment, par leurs actions comme par le soutien de leurs fidèles du cru, qu’ils détiennent toujours nombre de cartes importantes au Liban. C’est ce qui explique les informations selon lesquelles Amr Moussa se résignerait à visiter Damas, dimanche ou lundi. À ce propos, les Syriens font savoir que, tout en écoutant le secrétaire général de la Ligue, ils feront en pratique la sourde oreille ! Dans ce sens qu’à les en croire, ils ne sont pas concernés par la crise libanaise, la solution se trouvant d’après eux uniquement à Beyrouth. Mais peut-être que Moussa les trouvera plus attentifs, et plus concernés, quand il s’ouvrira à eux du projet qu’on lui prête d’organiser une rencontre entre l’émir Saoud el-Fayçal, ministre saoudien des Affaires étrangères, et son homologue syrien, Walid Moallem. Pour parler relations bilatérales, Irak, Iran, Palestine mais aussi… Liban. Par ailleurs, après avoir rouvert le poste frontalier de Qaa, fermé pendant 15 jours, les Syriens laissent entendre, à travers des informations de presse, qu’ils vont rappeler tous les ouvriers syriens travaillant au Liban avant le 15 juillet, sous peine de responsabilité.
Plus raisonnable qu’ambitieuse, l’initiative française n’en a que plus de chances de produire des résultats positifs. La question reste toutefois de savoir si l’on peut dénouer un nœud gordien (par référence aux entrelacs que Damas, capitale du tissage, ne cesse de mettre en trame), sans le trancher. N’importe, l’expérience est à tenter. D’autant plus impérativement, sans doute, qu’à l’étonnement de nombre d’observateurs, les prosyriens radicaux ne s’y opposent pas. Pour le moment.
En tout cas, les responsables français, pragmatiques et réalistes, ne s’en cachent pas. La Celle-Saint-Cloud, ce n’est qu’une amorce. Le début, volontairement prudent, d’un long processus de normalisation. Que les Libanais devront eux-mêmes, eux seuls, mener à bien. Par le rétablissement précautionneux d’un...