– À dire vrai, sur le plan interne, il faut quand même reconnaître aux radicaux le mérite d’être conséquents avec...
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PERSPECTIVES Régimes pompiers ou pyromanes : la dislocation n’épargnera personne
Par ISSA Jean, le 28 juin 2007 à 00h00
Le nouveau slogan « percutant » des prosyriens et de leurs bons copains cryptos : Non à la « moukayada ». Pas de troc. Pas de gouvernement de deux mois contre une présidence de six ans. Une devise qu’il convient de saluer bien bas, le plus respectueusement du monde. Comme haute expression de la misère humaine la mieux partagée, la plus pitoyable. Et la plus trompeusement euphorisante : la débilité. Mentale. Insensé, parano, « le rejet de l’équation », comme ils disent, l’est d’abord en soi. Ensuite, en regard de son effarante déconnexion de ces réalités d’un présent qui s’écrit en lettres rouge sang. Dans la région. Et par ricochet direct (en termes de boxe), sur place même.
– À dire vrai, sur le plan interne, il faut quand même reconnaître aux radicaux le mérite d’être conséquents avec eux-mêmes. Ils refusent tout dialogue véritable, c’est-à-dire entre pôles décideurs. Et posent de telles conditions rédhibitoires que Paris a dû reporter à la mi-juillet (façon, sans doute d’en préparer l’annulation), le timide rendez-vous de La Celle-Saint-Cloud, réservé à des figurants. Partant de là, il est compréhensible que les zélés de Damas et leurs adjoints rejettent tout échange. Compréhensible, mais anormal et inconséquent. Anormal, suicidaire même, dans un pays composite ne pouvant vivre que si chacune de ses composantes est aussi disposée à donner qu’à recevoir. Inconséquent, in fine, dans la mesure où, ici, le niet catégorique ne peut mener qu’à cette partition que nos bonshommes prétendent abhorrer.
Mais le principal illogisme des contestataires tient dans le fait qu’ils refusent avec hauteur ce que nul, jamais, ne leur a proposé ! Mgr Sfeir l’a dit en substance, et M. Berry lui-même n’est pas loin de partager cet avis : la présidentielle, fléau de la balance des équilibres nationaux, n’est pas une marchandise de commerce, de bazar. Elle n’est en aucune manière négociable. C’est une nécessité qui s’impose d’elle-même, sans besoin de démonstration. Un postulat que nul, jamais, n’a songé à remettre en cause jusqu’à nos jours. Sans doute parce que nul, jamais, malgré les guerres, n’a songé à gommer le Liban.
Cécité
– Le pire, sans doute, c’est que les obstructionnistes, tout en reconnaissant en privé que tout dépend de la lutte des axes, ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. En dépassant la microanalyse d’un lourd microclimat local, on débouche de suite sur des mouvements d’Histoire qui ont tout l’air d’annoncer rien moins que la recomposition du Moyen-Orient. Et de sa si large périphérie allant de l’Asie profonde, pakistanaise ou afghane, à l’Afrique égypto-soudanaise, en frôlant l’Europe via la Turquie ou le grand Caucase. Les indices du changement, ou d’une gestation aux contours encore incertains, s’accumulent. En particulier à travers les dossiers, bien visibles de par leurs violences, de l’Afghanistan, de l’Irak, du Liban et de la Palestine.
En Irak, la présence US, politique autant que militaire, empêche assez paradoxalement cet éclatement, ce fractionnement, dont elle-même a semé les germes. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand Washington pourra-t-il tenir face à des facteurs d’érosion entretenus par l’Iran, qui rêve sans doute d’une république chiite jumelle, et à un moindre degré par la Syrie ?
Au Liban, seule la crainte d’une guerre civile, plus exactement la peur que cela ne soit un passage obligé, semble empêcher la partition.
En Palestine, c’est pratiquement un fait accompli. Et c’est minauder assez pitoyablement que de soutenir, comme le font les diplomates arabes (notamment le ministre égyptien des AE) qu’il n’y a pas sécession, du moment que le Hamas n’a pas annoncé qu’il créait son propre État dans la bande de Gaza. On notera que, par une sorte d’ironie du sort ou de vocation nationale, les Palestiniens, maintenant partitionnés, avaient failli en 75-76 provoquer la partition du Liban et y installer un État bien à eux.
Le processus kissingérien, défendu par bien des sionistes radicaux, se trouve réenclenché dans les faits, qu’on l’admette ou non. Il s’agit tout simplement, les idées fortes sont toujours simples, de morceler la région en une myriade d’entités ethniques ou confessionnelles, pour qu’Israël seul y surnage.
La grande différence, hallucinante, c’est que cette fois, les Iraniens et, accessoirement les Syriens, ennemis jurés du Grand Satan israélo-américain, développent une stratégie d’activisme violent menant fatalement à la dislocation généralisée. Pour effacer la présence US, ils ont besoin d’affaiblir, voire d’évincer à terme, les régimes arabes dits modérés qui gravitent dans l’orbite de Washington. Sans trop se rendre compte, ces apprentis sorciers, que si Moubarak, les émirs du Golfe et les deux Abdallah devaient sauter, l’unité de leur propre pays ne tarderait pas à voler en éclats.
À moins d’un brusque, et prodigieux, arrêt volontaire de grossesse, la gestation d’un nouveau Moyen-Orient, désarticulé, anarchique et nécessairement violent paraît d’autant mieux engagée que les conservateurs (quel contresens !) des deux axes ennemis y travaillent de concert. Il est cependant évident que les résistances sont fortes, comme le montre par exemple notre propre révolution du Cèdre. Et de ce fait, l’on ne peut dire si la métamorphose va prendre des décennies. Ou se produire en quelques petits mois, comme ce fut le cas pour l’Empire soviétique.
Jean ISSA
Le nouveau slogan « percutant » des prosyriens et de leurs bons copains cryptos : Non à la « moukayada ». Pas de troc. Pas de gouvernement de deux mois contre une présidence de six ans. Une devise qu’il convient de saluer bien bas, le plus respectueusement du monde. Comme haute expression de la misère humaine la mieux partagée, la plus pitoyable. Et la plus trompeusement euphorisante : la débilité. Mentale. Insensé, parano, « le rejet de l’équation », comme ils disent, l’est d’abord en soi. Ensuite, en regard de son effarante déconnexion de ces réalités d’un présent qui s’écrit en lettres rouge sang. Dans la région. Et par ricochet direct (en termes de boxe), sur place même.
– À dire vrai, sur le plan interne, il faut quand même reconnaître aux radicaux le mérite d’être conséquents avec...
– À dire vrai, sur le plan interne, il faut quand même reconnaître aux radicaux le mérite d’être conséquents avec...