Un ambassadeur arabe, qui a participé à la tournée de la mission de la Ligue conduite par Amr Moussa, accable les protagonistes locaux… En voulant se montrer indulgent à leur égard ! En effet, il indique qu’à son avis, ils ne sont, ni les uns ni les autres, responsables d’une crise agencée par des parties extérieures. Qui, une fois de plus, refrain connu, ont choisi la scène libanaise pour y régler leurs comptes. Dès lors, estime ce diplomate, « la clé ne se trouve pas au Liban. Mais dans des capitales étrangères concernées par le dossier. Notamment Damas, le plus proche voisin de votre pays. Partant de là, il faut un accord avec la Syrie pour résoudre le problème. »
Sur le plan pratique, cette personnalité certifie que la mission arabe va revenir à Beyrouth pour y reprendre ses démarches conciliatrices. Car cela est rendu particulièrement nécessaire, ou urgent, par les « messages sanglants » qui se multiplient sur la scène libanaise. Nahr el-Bared, l’assassinat de Walid Eido, Abi Samra et l’attentat contre la Finul. Ce dernier exploit terroriste est un clair avertissement à la communauté internationale, États-Unis en tête. Et l’on sait que Washington ne cesse pas d’accuser la Syrie d’être derrière toutes les secousses qui se produisent au Liban. Reproche qui s’inscrit dans la politique de pressions US sur la Syrie comme sur l’Iran. D’une manière générale, dit ce diplomate, il faut tenter de prévenir une explosion ou une implosion qui n’iraient pas sans répercussion sur bien d’autres pays arabes du Machrek.
Flou
Le diplomate affirme que les Arabes ne laisseront pas tomber le Liban qu’ils considèrent comme relevant de leur responsabilité. Cependant, il reconnaît ne pas disposer encore de précisions sur le parcours que compte suivre Moussa. Ainsi, il ne sait pas si, cette fois, le secrétaire général de la Ligue ne va pas aborder le dossier par la porte syrienne. Ou s’il ne va pas entamer ses concertations à partir du Caire, après avoir participé aux récents contacts qui ont eu lieu à Paris entre personnalités américaines, européennes et arabes. Selon cette source, il serait logique que Moussa ne remette son rapport au Conseil de la Ligue qu’après en avoir fini de son deuxième volet de mission. Le secrétaire général ne voudrait pas en effet saboter ses propres efforts en révélant, dans ce procès-verbal, le pourquoi de son premier échec, et en dénonçant les parties qui en sont responsables.
À ce propos, le diplomate indique qu’à son avis, certaines fractions, n’étant pas encore prêtes pour une solution, ont recouru à la fuite en avant, en présentant à dessein des revendications rédhibitoires, irrecevables. Il ajoute que ceux qui critiquent les tendances de certaines parties visant à l’internationalisation du dossier libanais feraient mieux, pour être conséquentes avec elles-mêmes, de soutenir les efforts arabes, au lieu de les contrecarrer.
Limites
On sait que du côté des loyalistes, la mission Moussa devait se contenter de suivre la feuille de route tracée par le Conseil de la Ligue. S’occuper du trafic transfrontalier et des relations entre deux États membres, la Syrie et le Liban. Sans se mêler d’affaires intérieures libanaises, son seul devoir à cet égard étant de presser les protagonistes locaux de reprendre le dialogue. Pour bien s’entendre sur l’échéance présidentielle, et mieux soutenir l’armée, ainsi que les FSI, en face d’un évident complot usant de moyens terroristes. L’agenda arabe, répète un pôle du 14 Mars, ne se mêle pas de la formation d’un cabinet d’union. Et il s’étonne que le camp d’en face ait tenté, avec persistance, de lancer l’initiative arabe sur une telle piste. Le diplomate arabe précité confirme, à ce sujet, que l’opposition n’a dit et répété qu’une chose : le cabinet d’union sur base de 17/13, entendre avec tiers de blocage. Ou, plutôt, avec 40 %, en harmonie avec le quota à la Chambre.
Parallèlement, l’intransigeance de certains se répercute négativement sur la rencontre de la Celle-Saint-Cloud, qui pourrait être annulée, s’il n’y a toujours pas d’assouplissement du côté des protagonistes libanais et si la mission de la Ligue devait être définitivement conclue sur un constat d’échec. Dans le même ordre d’idées, les Français, comme les Américains, refusent de plier devant un quelconque chantage terroriste ou déstabilisateur axé sur le Liban. Le président Sarkozy proclame ainsi qu’il n’y aura pas d’ouverture sur la Syrie avant qu’elle ne modifie son comportement. Et Damas, pensent nombre d’observateurs, prend actuellement le risque de se voir infliger de nouvelles sanctions économiques.
Cela étant, un diplomate avisé n’en pense pas moins que le réalisme commande, si l’on veut vraiment parvenir à une solution au Liban, de traiter avec le régime syrien. Et c’est par là, à son avis, que la mission arabe devrait (re) commencer. Un point de vue que partage un responsable libanais, qui a rencontré des personnalités occidentales à Paris, en marge du congrès sur le Darfour. Et qui indique que ces pôles pensent tous que Washington et Paris, tout en renforçant la pression sur une Syrie de plus en plus agissante et redoutable au Liban, le font en vue de négocier, en fin de compte.
Philippe ABI-AKL
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