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La bombe était placée sous une voiture, et le bus a encaissé une bonne partie du choc Sedd el-Bauchrieh : une énième scène de désolation et des pertes considérables Suzanne BAAKLINI
Par BAAKLINI Suzanne, le 06 juin 2007 à 00h00
La même odeur de brûlé, le même bruit de verre que l’on balaie, le même spectacle de désolation… Pour la quatrième fois en moins de trois semaines, une rue commerçante libanaise est touchée de plein fouet par le terrorisme : à Sedd el-Bauchrieh, les dégâts apparaissaient hier aussi importants qu’à Achrafieh, Verdun ou Aley. Un centre commercial de grande dimension, baptisé Abdelmassih, a été entièrement soufflé par la déflagration. Quelque cent bureaux, 24 boutiques et plus de seize appartements dans les immeubles des environs ont été gravement endommagés, si bien que les habitants rencontrés sur place, malgré leur désarroi, se félicitaient du fait qu’une explosion de cette ampleur n’ait provoqué que de légères victimes (on compte quelque 17 blessés légers selon la Croix-Rouge). Non loin, l’église Mar Takla située au niveau du grand carrefour menant à la rue commerçante : les bureaux attenant à l’église ont eu les vitres cassées, et une garderie à proximité a été partiellement détruite.
La caïmacam du Metn, Marlène Haddad, a assuré hier que les commerçants et les habitants seront indemnisés. Plusieurs comités rattachés aux forces de l’ordre et au haut comité de secours étaient déjà à pied d’œuvre dans la rue pour une première évaluation. Par ailleurs, le commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire, le juge Jean Fahd, a engagé des poursuites contre toute personne dont l’enquête prouvera l’implication dans cet attentat et transféré le dossier au premier juge d’instruction militaire, Rachid Mezher. Selon les informations judiciaires, toutefois, aucun suspect n’a été arrêté dans le cadre de cette affaire.
À l’endroit même de l’explosion se tient toujours le bus détruit, avec son allure fantomatique. La charge explosive avait été placée sous une voiture, dont les restes calcinés jonchent la rue des deux côtés. Selon les témoignages d’habitants, cette voiture appartient à un commerçant qui possède une boutique dans le centre. Elle était garée là depuis longtemps, apparemment en panne, devant un bâtiment non habité en pierres. Son propriétaire y avait placé quelques marchandises. Un témoin raconte que quand la déflagration a eu lieu, le bus venait d’être garé là par son propriétaire, qui vit également dans la région. Sa présence a permis d’encaisser une grande partie du choc et d’épargner partiellement les boutiques et les passants. C’est la force de la déflagration qui l’a propulsé au milieu de la route. Quant au bâtiment en pierre, quadrillé par l’armée, on peut observer, à quelques mètres, le grand cratère causé par la bombe. La façade du bâtiment est complètement éventrée.
Le propriétaire du snack Sahebna, situé juste en face de l’endroit où a eu lieu l’explosion, Élie Kairouz, pense que la présence du bus a grandement atténué l’impact sur ses clients et lui-même. « Il n’y a pas de mots pour exprimer ce que nous avons ressenti au moment de la déflagration, dit-il. Nous avons échappé par miracle. » Il nous montre une photo de la Vierge de Béchouate accrochée au mur, toujours à sa place. « Regardez, tout le reste du snack est à terre, souligne M. Kairouz. Seule cette photo n’a pas bougé. »
Dans la rue passent un nombre d’habitants, l’air hagard, observant cette rue si familière défigurée en quelques instants. Beaucoup viennent réconforter les boutiquiers touchés par l’explosion. L’un d’eux, Charbel Dimassi, est assis devant ce qui était sa boutique d’habits pour femmes, sur le rideau métallique cassé et étalé à terre, le regard perdu au loin. « J’avais fermé boutique depuis une demi-heure quand l’attentat s’est produit, raconte-t-il. Quand je suis venu inspecter les lieux hier soir (lundi), je n’ai pensé qu’à une chose : ma chance incroyable d’être sain et sauf. Aujourd’hui, cependant, je mesure l’ampleur des dégâts. » Il indique que même l’infrastructure est détruite, sachant que la marchandise est invendable parce que les vêtements ont été déchiquetés par les éclats de verre. Toutefois, comme Élie Kairouz, il est résolu à reconstruire et à tout recommencer. « Je refuse d’être poussé à l’émigration », affirme-t-il.
Une volonté de reconstruire
Robert Esber, propriétaire d’une boutique d’habits pour enfants, évalue ses pertes entre 10 et 15 000 dollars. « Toutes les installations d’électricité, les vitres, etc. sont détruites », déplore-t-il. Comme les deux autres, il avait remarqué une activité anormalement intense des forces de l’ordre et de l’armée durant toute la journée de lundi. « Avaient-ils des craintes concernant ce quartier ? Je n’en sais rien », dit-il. « Dans tous les cas, personne ne peut arrêter ceux qui veulent à tout prix faire du mal », constate Charbel Dimassi.
Même si les pertes sont très lourdes pour tout le monde, elles le sont davantage pour certaines personnes. Ainsi, Tony Abou Dib a été lésé, ainsi que sa famille, sur trois tableaux. « Notre appartement est totalement détruit et inhabitable pour un moment, dit-il, montrant l’immeuble contigu au centre Abdelmassih. Ma boutique de linge pour maison est gravement endommagée, la marchandise est gâtée et elle est désormais invendable. Et pour comble, nos voitures étaient garées devant le centre et elles ont été démolies. » Il garde pour autant un remarquable sang-froid. « Que pouvons-nous faire ? dit-il. Nous devons rebâtir et tout recommencer. Nous sommes habitués à la guerre. Mais ce sont nos responsables politiques qui ne savent que dénoncer en paroles ces incidents. » De fait, les hommes politiques étaient particulièrement absents hier de la scène de cette nouvelle explosion. Les habitants n’auront donc même pas eu droit aux habituelles déclarations compatissantes…
Les pertes considérables, Gilbert Nacouzi en sait quelque chose. Propriétaire d’un magasin d’optique doublé d’une clinique ophtalmologique, les dégâts chez lui s’élèvent à quelque cent mille dollars, puisqu’il ne reste absolument rien. Sa mère, présente sur les lieux pour aider à nettoyer, est accablée par ce revers de fortune, mais elle ne peut que remercier le ciel pour la vie sauve de ses deux enfants. « Mes deux fils étaient présents lors de l’explosion, dit-elle. Quand ils m’ont appelée pour me dire qu’ils allaient bien, plus rien ne m’importait. » Gilbert Nacouzi n’en appelle pas moins « tous ceux qui peuvent aider à se manifester ».
La même odeur de brûlé, le même bruit de verre que l’on balaie, le même spectacle de désolation… Pour la quatrième fois en moins de trois semaines, une rue commerçante libanaise est touchée de plein fouet par le terrorisme : à Sedd el-Bauchrieh, les dégâts apparaissaient hier aussi importants qu’à Achrafieh, Verdun ou Aley. Un centre commercial de grande dimension, baptisé Abdelmassih, a été entièrement soufflé par la déflagration. Quelque cent bureaux, 24 boutiques et plus de seize appartements dans les immeubles des environs ont été gravement endommagés, si bien que les habitants rencontrés sur place, malgré leur désarroi, se félicitaient du fait qu’une explosion de cette ampleur n’ait provoqué que de légères victimes (on compte quelque 17 blessés légers selon la Croix-Rouge). Non loin,...