Actualités - CHRONOLOGIE
Une journée difficile après l’attentat de mercredi Aley réagit avec défi mais sans illusions sur l’impact au niveau touristique Suzanne BAAKLINI
Par BAAKLINI Suzanne, le 25 mai 2007 à 00h00
Il serait vain de dire que Aley s’est réveillée hier sous le choc de l’explosion qui l’avait secouée la veille, puisque la ville n’a tout simplement pas dormi. Une atmosphère d’effervescence a régné à la suite de l’attentat à l’explosif qui est le troisième de ce qui paraît être une nouvelle série noire d’explosions, après celle d’Achrafieh dimanche et de Verdun lundi. La réaction spontanée des habitants de Aley a été une immense colère – principalement dirigée contre la Syrie –, et une volonté de défi « pour faire face au terrorisme », qui persistaient hier dans les propos des passants et des commerçants. Pour autant, personne ne se fait d’illusions : cette localité de villégiature, qui commençait déjà à accueillir les premiers vacanciers arabes, se prépare déjà à vivre un « second été raté ».
La ruelle où la bombe, placée dans une valise, a explosé sous un escalier, est évidemment dévastée. Une boutique d’habits est éventrée, et les deux immeubles y attenant sont partiellement détruits. Par bonheur, l’un n’est pas habité, et l’autre était vide ce soir-là. « C’est le premier soir où il y avait aussi peu de passants dans la rue, heureusement, parce que cela a contribué à éviter un lourd bilan en vies humaines », affirme une commerçante. Les dégâts sont visibles à 500 mètres à la ronde au moins. En face, au bureau du Comité des commerçants de Aley, lui aussi endommagé, des banderoles avec le slogan « J’aime la vie » ont été suspendues au balcon. Le bruit du verre brisé que l’on balaie domine le tronçon touché de la rue commerçante de Aley. Les gens se rassemblent pour féliciter leurs voisins et amis d’avoir échappé à l’attentat, mais aussi pour commenter la situation et se réconforter mutuellement. Plus loin, c’est le calme plat.
L’explosion, qui a eu lieu autour de 21h, s’est produite peu après que les commerçants aient fermé boutique, et certains d’entre eux n’étaient même pas arrivés à leur domicile quand la déflagration a eu lieu. « Nous venions de quitter le magasin, il y a dix minutes à peine, raconte Issam Abi Rafeh, propriétaire d’une pistacherie juste à côté de l’endroit où a explosé la bombe. Regardez, il ne reste plus rien. Il y a des dégâts pour au moins 7 000 à 8 000 dollars. »
Les autres commerçants affichent un certain calme et font de leur mieux pour nettoyer leurs boutiques en vue de leur réouverture, malgré leurs mines fatiguées. Nabil Debs n’a pas beaucoup de motifs de sourire. Sa boutique d’habits pour enfants venait d’être inaugurée la veille. Hier, toutes les vitres étaient brisées et la moitié de la marchandise désormais invendable. Va-t-il aller de l’avant dans son projet ? « Je n’ai pas le choix, je me suis engagé pour cinq ans », répond-il. Non loin de là, Salam Jaber a repris son activité de changeur. « J’ai des pertes pour environ 4 000 dollars, dit-il. Nous avons surtout peur pour l’été qui vient, mais nous devons faire face, nous n’avons pas le choix. »
L’été, c’est aussi ce qui préoccupe le président du conseil municipal, Wajdi Mrad, rencontré alors qu’il faisait une tournée des lieux. Il se déclare cependant convaincu que « beaucoup de touristes arabes ne renonceront pas à venir », mais insiste à « envoyer les bons signaux aux pays arabes, leur faire comprendre que Aley retrouvera sa vitalité en un temps record ». « Pour les dégâts, je ne sais pas qui va pouvoir nous aider, mais il est clair que nous avons besoin d’assistance, sachant que l’été dernier a été tout aussi difficile en raison de la guerre », précise M. Mrad.
Il n’empêche que plus d’une centaine de magasins et de bureaux ont été touchés par l’explosion, comme nous le précise Samir Chehayeb, président du Comité des commerçants de Aley, ce qui représenterait, selon ses premières estimations, plus d’un million de dollars de pertes. « Nous allons faire circuler dans le marché un comité de recensement que nous avons formé, en attendant l’arrivée du Haut- Comité de secours », précise-t-il.
Boutiques et bureaux
saccagés
Les habitants de Aley ont opposé à l’agression aveugle contre leur ville une réelle réaction de défi, qui s’est parfois muée en violence. Ainsi, des agressions contre des ouvriers syriens ont été rapportées, mais aussi contre l’équipe de journalistes de la New TV, ce que les députés de la région ont fermement condamné le soir même. Par ailleurs, l’arrestation de suspects n’a pu être confirmée par personne, les habitants se contentant de relever « une activité anormale dans le commissariat ». Toutes les personnes interrogées pointent le doigt unanimement en direction de la Syrie. Curieusement, les habitants disent s’être attendus à un attentat dans la région, en raison de rumeurs qui circulaient.
Un jeune homme n’a pas de mots assez durs pour crier sa révolte : « Ils (les Syriens) n’ont pas leur place chez nous. » Sa voiture a été totalement détruite, et il a lui-même été plaqué contre une porte par la force de la déflagration, ayant eu le malheur de passer par là au mauvais moment. Un autre jeune homme affirme que « généralement, notre rue commerçante est bien surveillée par les habitants, mais nous n’aurions jamais pu penser à l’endroit choisi par le poseur de bombes ».
Raëb el-Farrage a, lui, été légèrement blessé au siège de la station de radio relevant de la société qu’il possède avec ses partenaires. « J’étais assis près de la fenêtre, raconte-t-il. J’ai été projeté en avant ainsi que tout le reste de l’équipe. » Il nous montre son studio totalement saccagé, avec les murs lézardés, les cadres en aluminium des fenêtres arrachés, les vitres brisées, les meubles dégradés.
Des cadres du Parti socialiste progressiste (PSP) sont venus inspecter les lieux, ainsi qu’une délégation du Conseil communautaire druze. Cheikh Sami Abou el-Mouna, membre du conseil, a considéré qu’il s’agissait d’une même et unique partie responsable de tous les attentats, celle qui veut « paralyser la résurrection de l’État et la création du tribunal international ». Selon lui, cette explosion ne pouvait entamer le moral de la population, qui doit supporter cette étape charnière et dangereuse, en espérant la « naissance d’un Liban libre et souverain ».
Il serait vain de dire que Aley s’est réveillée hier sous le choc de l’explosion qui l’avait secouée la veille, puisque la ville n’a tout simplement pas dormi. Une atmosphère d’effervescence a régné à la suite de l’attentat à l’explosif qui est le troisième de ce qui paraît être une nouvelle série noire d’explosions, après celle d’Achrafieh dimanche et de Verdun lundi. La réaction spontanée des habitants de Aley a été une immense colère – principalement dirigée contre la Syrie –, et une volonté de défi « pour faire face au terrorisme », qui persistaient hier dans les propos des passants et des commerçants. Pour autant, personne ne se fait d’illusions : cette localité de villégiature, qui commençait déjà à accueillir les premiers vacanciers arabes, se prépare déjà à vivre un...