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Actualités - OPINIONS

Les mesures provisoires et le tribunal international : une option d’action pour le Conseil de sécurité Fady FADEL

Article 40 : Afin d’empêcher la situation de s’aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l’article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de Sécurité tient dûment compte de cette défaillance. Vu que la question relative à la création du tribunal international oscille entre la compétence interne étatique et la compétence internationale du Conseil de sécurité, il semble très normal d’envisager le processus d’adoption de ce tribunal oscillant aussi entre le chapitre 6 et le chapitre 7 de la Charte de l’ONU. L’un des aspects qui ne préjuge en rien le règlement définitif de cette affaire dans l’avenir consisterait dans l’adoption, très prochainement, du tribunal international par le Conseil de sécurité en tant que mesure provisoire, au terme de l’article 40 de la Charte (chapitre 7). Si nous nous tenons à une interprétation textuelle de l’article 40, nous remarquons que le Conseil de sécurité est obligé de « constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix, ou d’un acte d’agression » avant de pouvoir indiquer les mesures provisoires. Si le Conseil de sécurité peut agir au titre de l’article 40 « avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l’article 39 », il semble logique d’en déduire qu’il est habilité à agir dans les seules hypothèses où l’article 39 est applicable. Ainsi, après avoir constaté l’existence d’une menace, d’une rupture de la paix ou d’une agression, le Conseil de sécurité peut soit édicter des recommandations ou des décisions (article 39), soit décider que des mesures provisoires sont nécessaires afin de prévenir l’aggravation de la situation (article 40) dans l’attente de l’éventuelle adoption ultérieure de mesures coercitives visant à rétablir la paix (articles 41 et 42). Cependant, si le Conseil de sécurité s’est conformé dans ses résolutions précitées à une constatation formelle avant d’adopter des mesures provisoires, il n’en demeure pas moins que sa pratique ultérieure ne permet pas de conclure à l’obligation irréfutable pour le Conseil de procéder à la qualification avant d’édicter de telles mesures. En effet, le Conseil de sécurité se dispense le plus souvent de qualifier formellement la situation et de citer l’article 39, tout en se jugeant habilité à indiquer, dès que la question est inscrite à son ordre du jour, les mesures provisoires qu’il juge nécessaires (rés. 104 du 20 juin 1954 ; 164 du 22 juillet 1961 ; 188 du 9 avril 1964 ; 203 du 14 mai 1965 ; etc.). Le Conseil de sécurité se contente d’évoquer sommairement, et seulement dans le préambule de la résolution, la gravité de la situation, sans mention de l’article 39, mais n’en édicte pas moins dans le dispositif des mesures provisoires dont la formulation reprend les termes et le sens de l’article 40, même si ce dernier n’est pas visé expressément. Or si la question de qualification de la situation a varié dans la pratique du Conseil de sécurité, il est un point qui est demeuré inchangé, et du reste ne cesse de spécifier ces mesures par rapport à d’autres dispositions de la Charte. Il s’agit des caractéristiques des mesures provisoires adoptées par le Conseil de sécurité. En effet, si l’on se tient aux termes de l’article 40, il en résulte que si le Conseil de sécurité dispose d’une grande liberté dans la détermination du contenu des mesures édictées au titre de l’article 40, il se doit néanmoins de respecter deux limitations inhérentes aux caractères des mesures adoptées : elles doivent être « provisoires » et « conservatoires ». - Par définition, les mesures que le Conseil de sécurité invite les parties à observer ont une portée limitée dans le temps. On peut même penser, compte tenu de la formulation de l’article 40, que ces mesures, destinées à pallier le risque d’aggravation de la situation, deviennent caduques dès lors qu’on a trouvé un règlement définitif aux termes du chapitre 6 ou qu’on a rétabli la paix en application du chapitre 7 de la Charte. En effet, il est évident que le maintien en vigueur des mesures provisoires n’a plus de raison d’être dès lors qu’on est parvenu à établir une paix « durable » ou « permanente ». En revanche, les mesures prises par le Conseil de sécurité en vertu de l’article 40 peuvent rester en application, même si des actions sont entreprises en vue du rétablissement de la paix ou du règlement pacifique définitif du différend, conformément aux chapitres 6 ou 7 de la Charte, pour autant que subsiste un risque d’aggravation rendant « nécessaire » ou « souhaitable » le maintien en vigueur des mesures provisoires. La résolution 73 du 11 août 1949 semble bien significative à cet égard. En effet, elle constate que les accords d’armistice constituent « une étape importante vers l’instauration d’une paix permanente », mais confirme simultanément l’ordre de cessez-le-feu donné en vertu de l’article 40, « jusqu’au règlement pacifique définitif ». - Le second principe qui vient caractériser les mesures provisoires tient à leur neutralité absolue par rapport à l’enjeu du litige et aux thèses juridiques et politiques défendues par les parties : il incombe au Conseil de sécurité de geler la situation, sans avoir à déterminer les responsabilités respectives, ni à apprécier la valeur des arguments invoqués, ni à anticiper sur la solution définitive du différend. C’est pourquoi le Conseil de sécurité, en s’adressant à l’ensemble des parties, précise expressément que les mesures proposées ne préjugent en rien les droits et allégations des parties (rés. 46 du 17 avril 1948 ; rés. 49 du 22 mai 1948 ; rés. 54 du 15 juillet 1948 ; rés. 61 du 4 novembre 1948). Cependant, cette neutralité n’est pas toujours respectée. Il n’est pas rare en effet que la constatation objective de la gravité de la situation se double, explicitement ou implicitement, d’une appréciation subjective portant sur l’imputation de la menace ou de la rupture. C’est le cas où toutes les fois le Conseil de sécurité considère que le risque d’aggravation dépend essentiellement du comportement de l’une des parties, qui sera alors le seul destinataire réel des mesures décidées au titre de l’article 40. En outre, force est de constater que cette absence de neutralité, ne fut-ce qu’implicitement, n’a jamais été considérée comme un obstacle insurmontable à la mise en œuvre des mesures provisoires. C’est pourquoi l’une des questions soulevées par les principales controverses relatives à l’application de l’article 40 portait notamment sur les effets juridiques des mesures provisoires et leur application par les parties. C’est sans doute cet aspect du problème qui va modifier plus tard les données politiques entre la majorité et l’opposition au Liban. Ainsi, l’un des mérites d’adopter le tribunal international au titre de l’article 40 serait de mettre en marche le processus institutionnel de la création de cette instance en l’écartant des enjeux politiques internes ou régionaux. Mais étant provisoire, le Conseil de sécurité serait appelé, le moment opportun, à revenir à l’adoption normale du tribunal à travers la signature d’un accord avec le gouvernement libanais au terme du chapitre 6 qui sera ratifié par le Parlement, entérinant de la sorte la création et la mise en place finale du tribunal international. Ce retour à l’agrément bilatéral (entre le Conseil de sécurité et l’État libanais) garantira la confirmation du statut organique du tribunal. Car la création du tribunal international au titre exclusif du chapitre 7, en bonne et due forme, ouvrira, juridiquement, la possibilité à des amendements, certainement unilatéraux – Conseil de sécurité – du statut en question. P. Fady FADEL Docteur en droit public Secrétaire général de l’Université antonine Article paru le Mardi 01 Mai 2007
Article 40 : Afin d’empêcher la situation de s’aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l’article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la...