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Actualités - CHRONOLOGIE

« Plus jamais la guerre », activité organisée par Offre-Joie Des deux côtés des barbelés du centre-ville, des prières et des témoignages en faveur de la paix Suzanne BAAKLINI

Dans une atmosphère solennelle et grave, l’association Offre-Joie a organisé hier une cérémonie dans le centre-ville divisé, pour dire non à la violence : « Plus jamais la guerre ». Un « non » retentissant, fait de prières et de chants, de témoignages et d’aveux. Sur fond de la mosquée Mohammad al-Amine, entre le tombeau de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et les tentes des manifestants de l’opposition, entre la place Debbas et la place des Martyrs, une tribune a été érigée, devant un public séparé par les fils barbelés, devenus partie intégrante du paysage de cette zone depuis décembre. Une tribune conçue pour rassembler, qui enjambe les blocs de béton et les fils de fer comme on dresse un pont entre deux mondes. Des mots durs ou apaisants, lyriques parfois, pertinents toujours, ont été prononcés par une série d’intervenants hétéroclites, mais convergeant vers un même message de paix et de dialogue. À gauche, les membres du « Indibat » du Hezbollah sont restés postés, comme toujours en pareille occasion, pour maintenir l’ordre aux portes du camp. Cette célébration du Liban pluriel et multiconfessionnel, Offre-Joie a choisi de la faire en présence de représentants des clergés de toutes les confessions reconnues au Liban, ceux-là mêmes qui devaient prier en commun à la fin de la cérémonie. Dans un silence impressionnant, les représentants de ces confessions ont été appelés un à un à gagner la tribune et à s’asseoir côte à côte, face au public, où ils sont restés durant toute la cérémonie, entourés de jeunes portant le drapeau libanais. Le mot de l’association a été prononcé par Thérèse Aoun. L’allocution a beaucoup insisté sur le poids de la mémoire et sur le pouvoir de l’amour à dépasser les divisions. « Aujourd’hui, en pleine crise interne, alors que nous redoutons de nouveau la discorde, nous revenons à notre mémoire collective et refusons de céder aux divisions marginales et à la guerre destructrice », a-t-elle dit, n’hésitant pas à qualifier la discorde de « péché » envers les religions, l’unité nationale, la paix. Témoignages L’un des clous de la cérémonie a été la lecture, par le metteur en scène Élie Karam, du testament de Ghassibé Keyrouz, un jeune homme enlevé et tué au début de la guerre alors qu’il n’avait que 23 printemps. Le testament de Keyrouz a une histoire extraordinaire : il l’a écrit peu avant sa mort, tout simplement après avoir imaginé avoir été enlevé et tué, dans une sorte de pressentiment funeste. Le texte a été retrouvé après sa disparition, et ses mots résonnent encore aujourd’hui comme un appel de la conscience. « J’ai une seule demande à faire : pardonnez à ceux qui m’ont tué de tout votre cœur, et priez avec moi pour que mon sang soit un tribut (...) un prix payé pour la paix, l’amour et l’entente qui sont désormais absents de ce pays », dit le texte. Il ajoute : « À mes compatriotes je dis : les membres d’une famille ont des différends mais ne savent pas haïr, ils se disputent mais ne deviennent pas des ennemis, ils s’opposent les uns aux autres mais ne s’entre-tuent pas. Souvenez-vous des temps de l’harmonie et de l’amitié et rejetez ceux de la tristesse et des conflits. » Aussi émouvants et frappants étaient les témoignages de ceux qui ont vécu la guerre non pas tapis dans un abri, mais sur le front, les armes à la main. Deux anciens combattants, Assaad Chaftari et Mohieddine Chéhab. M. Chaftari a rappelé les tensions qui avaient précédé le déclenchement de la guerre en 1975. « À mon avis, une guerre se déroule en ce moment, et elle n’a que trop duré, a-t-il déclaré, alarmiste. Il faut y mettre rapidement un terme avant le premier coup de feu qui la lancera officiellement. » L’ancien combattant a effectué une remise en question de son passé violent. « Je voulais un pays qui me ressemble, avant de me rendre compte que je l’avais emprisonné en moi, a-t-il dit. Puis j’ai changé. J’ai compris qu’un pays doit ressembler à tous ses fils. Il faut aller vers l’autre pour comprendre sa réalité. » S’adressant à la jeunesse libanaise, il l’a prévenue qu’elle n’avait que deux choix : s’aimer ou s’entre-tuer, prônant un discours clair sur la réalité de la guerre. M. Chéhab, pour sa part, a martelé : « Dans la guerre, tout le monde est perdant. » « Il s’est avéré qu’aucun Libanais ne peut battre l’autre, et que le grand vaincu sera le pays, a-t-il affirmé. Et cette fois, si les Libanais détruisent leur pays, ils ne pourront peut-être plus le récupérer. » Il a appelé tous les Libanais « à rester vigilants afin de ne pas servir, une fois de plus, d’outil aux autres », estimant que sa génération « s’est fourvoyée », et préconisant d’« aller au-devant de l’autre, quel que soit cet autre ». Le pouvoir de l’image et de la musique reste incontournable et il n’a pas été négligé lors de la cérémonie. Projetant des photos d’archives de la guerre, Ghassan Hajjar, de Nahar al-Chabab, a énuméré les horreurs des combats, posant la question : « Ceci est la guerre, la voulez-vous ? » Le côté lyrique a été assuré par des artistes comme Hiba Qawass, Jahida Wehbé, Khaled Abdallah et autres (notamment des chorales), qui ont chanté de leurs belles voix des textes poétiques ou religieux, s’élevant vers le ciel comme autant de prières.
Dans une atmosphère solennelle et grave, l’association Offre-Joie a organisé hier une cérémonie dans le centre-ville divisé, pour dire non à la violence : « Plus jamais la guerre ». Un « non » retentissant, fait de prières et de chants, de témoignages et d’aveux. Sur fond de la mosquée Mohammad al-Amine, entre le tombeau de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et les tentes des manifestants de l’opposition, entre la place Debbas et la place des Martyrs, une tribune a été érigée, devant un public séparé par les fils barbelés, devenus partie intégrante du paysage de cette zone depuis décembre. Une tribune conçue pour rassembler, qui enjambe les blocs de béton et les fils de fer comme on dresse un pont entre deux mondes. Des mots durs ou apaisants, lyriques parfois, pertinents toujours, ont été prononcés...