Actualités - OPINION
LE POINT Plan d’insécurité Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 10 avril 2007 à 00h00
La démocratie, c’est cela aussi : dans les rues de Najaf, des centaines de milliers de manifestants qui scandent « À bas Bush » et « Non à l’Amérique, oui à la liberté ». Pour un président et un pays qui prétendaient, il y a quatre ans, libérer l’Irak du joug de l’oppresseur baassiste, on aurait pu s’attendre à une célébration moins hostile. Il est loin, ce certain 9 avril 2003, quand les Irakiens avaient envahi les rues de leur capitale pour saluer l’aube d’une ère nouvelle censée leur apporter souveraineté et amélioration de leur niveau de vie. Cueillis à froid par l’ampleur du mouvement déclenché en ce début de semaine, les officiels US n’ont trouvé, en guise de riposte, que cette piteuse explication : « Vous avez là la preuve du succès de l’opération déclenchée le 14 février dernier. » Dans les derniers jours du mois de mars déjà, quelques heures après les terribles carnages de Tall Afar, le général David Petraeus, successeur de John Abizaid à la tête du Centcom, ne disait pas autre chose quand il dénonçait « les actes barbares d’un mouvement, el-Qaëda, qui cherche ainsi à ternir l’impact de nos succès en matière sécuritaire ».
L’appel lancé par Moqtada Sadr pour une gigantesque démonstration de force en cet anniversaire avait été lu après les prières de vendredi dernier dans les mosquées des principales cités du pays. Il y était question de redoubler d’effort pour bouter hors du pays les forces US, « votre principal ennemi ». Quelques heures plus tard, un interminable cortège d’autobus et de vans bloquait les 160 kilomètres séparant Bagdad de la ville sainte, après une opération de regroupement à Koufa, dans une marée de drapeaux et de calicots hostiles à « l’occupant américain ». Les États-Unis avaient semé le vent censé balayer, avec Saddam Hussein, ses sbires et ses séides, un régime honni par l’ensemble du monde arabe, pour une fois uni ; ils récoltaient une tempête qui achève aujourd’hui d’emporter leurs ultimes espoirs d’instaurer un ordre nouveau dans les confettis de ce qui fut jadis le fleuron de l’Empire ottoman.
Sur les bords de l’Euphrate, tout comme sous le soleil, qu’y a-t-il de nouveau, sinon encore des morts et des blessés par dizaines de milliers, davantage de destruction, de sombres perspectives, une impasse totale ? Le 19 mars 2004, soit un an après la libération, sunnites et chiites réclamaient la fin de « l’occupation américaine ». À la mosquée Kazimiyah, l’imam Hazem Araji avaient dénoncé ce qu’il qualifiait alors d’invasion et d’occupation. « Nous sommes tous, ajoutait-il, des bombes humaines au service de la hawza », avant d’inviter les fidèles chiites à se joindre aux sunnites, sur l’autre bord du Tigre, pour protester contre la présence armée étrangère. Ce jour-là, cheikh Jawad el-Khalissi avait fulminé contre ces occupants, « coupables d’avoir introduit le loup terroriste dans la bergerie irakienne ». Vraies ou exagérées, de telles accusations, il est fréquent de les entendre aujourd’hui, sans qu’il soit possible d’entrevoir une lueur d’espoir au bout du tunnel dans lequel l’antique Mésopotamie s’est engagée il y a quatre ans de cela. À défaut d’avoir rétabli l’ordre et la sécurité, l’armada réunie par Washington est parvenue à faire l’unanimité contre elle – à l’exception peut-être des Kurdes qui, échaudés par trop de mauvaises expériences avec le pouvoir central et inconfortablement adossés à leur flanc turc, observent un silence prudent en attendant de meilleurs jours –. Ils risquent d’attendre longtemps, en dépit des promesses tant de fois renouvelées qu’elles en sont devenues hautement suspectes.
Vues par le contre-amiral Mark Fox, les années écoulées depuis l’opération « Shock and Awe » auront été « décevantes, frustrantes, de plus en plus dangereuses ». Nul parmi les Irakiens ne songerait à contester cette description pessimiste de la situation présente. Et surtout pas après la nouvelle opération déclenchée à coups de déclarations tonitruantes, des militaires autant que des politiques. Les maigres succès obtenus pour la circonstance sont tout relatifs et n’ont en rien permis une consolidation de la sécurité, contrairement aux prévisions de l’état-major de la Coalition. Il serait sage de ne pas trop attendre, non plus, de la conférence prévue le 3 mai à Charm el-Cheikh et placée sous le signe d’un retour à la stabilité. Dans les colonnes du Guardian de Londres, le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari vient de lancer à l’adresse des USA, de l’Iran et de la Syrie un appel qui ressemblait fort à un cri de désespoir : « Nous sommes pris au milieu d’une querelle qui ne nous regarde pas. Allez vous battre ailleurs ; pour notre part, nous avons suffisamment à faire pour remettre de l’ordre dans notre maison. » Si seulement il savait, le brave homme, combien peu de chance il a d’être entendu…
La démocratie, c’est cela aussi : dans les rues de Najaf, des centaines de milliers de manifestants qui scandent « À bas Bush » et « Non à l’Amérique, oui à la liberté ». Pour un président et un pays qui prétendaient, il y a quatre ans, libérer l’Irak du joug de l’oppresseur baassiste, on aurait pu s’attendre à une célébration moins hostile. Il est loin, ce certain 9 avril 2003, quand les Irakiens avaient envahi les rues de leur capitale pour saluer l’aube d’une ère nouvelle censée leur apporter souveraineté et amélioration de leur niveau de vie. Cueillis à froid par l’ampleur du mouvement déclenché en ce début de semaine, les officiels US n’ont trouvé, en guise de riposte, que cette piteuse explication : « Vous avez là la preuve du succès de l’opération déclenchée le 14 février...