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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE - La Syrie fait mine de trembler devant l’épouvantail Le chapitre VII, entre mythes et limites Jean ISSA

Le chapitre VII ? C’est désormais pratiquement acquis. Côté Conseil de sécurité, Paris et Washington se sont déjà assurés, indiquent des diplomates, d’une majorité de dix voix sur quinze. En prime, Moscou et Pékin, qui ont épaulé antérieurement Damas, promettent de ne pas user de leur droit de veto et se contenteront de ne pas voter. Quant au régime Assad, il voit dans le recours au chapitre VII un casus belli, une déclaration de guerre franco-américaine. C’est ce que confirme un juriste de renom, qui a récemment discuté avec les Syriens. Comme la meilleure défense c’est encore l’attaque largement anticipée, il y a belle lurette que la Syrie a lancé sa riposte. Au Liban, comme on ne le sait, ou sent et ressent, que trop. Ses alliés du cru hurlent donc au loup, avec les loups. Clamant à qui mieux mieux qu’avec un tribunal sous chapitre VII le pays va droit dans le mur. De la guerre civile, excusez du peu. Une intimidation à la Jeha. Ce Tartarin fanfaron du folklore local menaçait d’imiter son père, si les gens du village voisin ne lui rendaient pas son âne. Et qu’avait donc fait son père de si terrible ? Il s’en était retourné chez lui à pied… Mais face au chapitre VII, pourquoi au juste ces sueurs froides que Damas affiche sans fausse honte ? Si ostensiblement même que l’on s’interroge. N’y aurait-il pas là simulation et dissimulation ? Si fait. Une sinistre comédie. En effet, s’il est vrai que le VII est de loin la plus musclée des articulations du code onusien, s’il couvre, ou plutôt découvre, bruits de bottes ou roulements de tambour comme de canon, ce n’est que dans des cas tout à fait extrêmes. Loin de s’appliquer pour ce qui est du tribunal et de la Syrie. Quant aux sanctions, encore faut-il qu’elle soit reconnue indéniablement coupable avant d’en subir. Et même à ce moment, cela n’aurait que peu d’effet, ou pas du tout, sur une nomenklatura familiale ou baassiste ultrariche, et aussi soucieuse du commun des gens que Saddam, autre puni, l’était jadis de son peuple. Non, c’est clair comme l’eau de roche : ce n’est pas du texte de la Charte que Damas a peur, mais du tribunal en tant que tel. Car il lui pose, à terme, un rude dilemme de pouvoir intrinsèque. Grâce à Ryad et au Caire, qui ont plaidé auprès de Bush la stabilité régionale, le régime Assad a certes obtenu une solide assurance-vie. Mais si le tribunal devait mettre en cause les fidèles serviteurs du potentat, il risquerait de sérieux ennuis intestins, comme dirait un gros colon. Car ces prévenus actifs, qu’il lui faudrait livrer ou, au minimum, faire juger à domicile (comme il a dû s’y engager, contraint), émanent de centres de décision, et de pouvoir, qui ont pris en Syrie beaucoup d’ampleur, de puissance, de capacité de nuisance et de rétorsion, après la disparition de Hafez el-Assad. On sait en effet que cet État totalitaire sécrète non moins de cinq services dits de renseignements, qui disposent de réseaux étendus, de bataillons même et contrôlent tout ou presque dans le pays. Et leurs cadres, exécuteurs violents de sales besognes, sont pratiquement intouchables. Même, ou surtout, par le frêle héritier du trôné. En effet, non seulement leurs bons amis les vengeraient volontiers, mais aussi ils pourraient eux-mêmes causer, par des révélations, beaucoup de tort au palais. Revue de détail Mais la preuve que la crainte du chapitre VII onusien n’est que de la poudre aux yeux réside évidemment dans son contenu. Il faut donc, pour identifier un épouvantail dont on parle beaucoup sans en connaître généralement grand-chose, lire d’un peu plus près ses dispositions. Placées sous le titre Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression. En voici un condensé substantiel, accompagné parfois, entre des parenthèses, de brefs commentaires indicatifs. – Article 39 Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, et fait des recommandations, ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42, pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. – Article 40 Afin d’empêcher une situation de s’aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l’article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer à des mesures provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien des droits, des prétentions ou de la position des parties intéressées. En cas de non-exécution, de défaillance, le Conseil de sécurité en tient dûment compte. – Article 41 Le Conseil de sécurité peut prendre des dispositions n’impliquant pas l’emploi de la force armée pour donner effet à ses décisions. Il peut inviter les membres des Nations unies à les appliquer. Ces mesures peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques, des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. (Ce sont là les sanctions précitées. Poussées loin, elles infligent un sévère embargo économique à un pays déterminé. Mais aucune ne touche au patrimoine de ses dirigeants, pas même à leurs avoirs planqués à l’étranger.) – Article 42 Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’article 41 seraient inadéquates, ou si elles se révèlent telles à l’usage, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d’autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de membres des Nations unies. (Pour aller plus loin que les sanctions, il faut encore que la paix et la sécurité internationales soient en jeu. Plus exactement, il faut que les cinq membres permanents du Conseil dotés du droit de veto soient d’accord pour en juger ainsi. Redisons-le, sur ce plan, la Syrie ne risque rien. Les cinq articles suivants détaillent les mécanismes, les contingences et les contingents d’un éventuel recours à la force.) – Article 48 1) Les mesures exécutoires pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les membres des Nations unies, ou seulement par certains d’entre eux, ce qui est laissé à l’appréciation du Conseil. 2) Ces décisions sont exécutées par les membres directement, à travers les organismes internationaux adéquats dont ils font partie. Le texte réitère en conclusion le droit inaliénable de légitime défense d’un pays agressé, indépendamment d’une éventuelle intervention onusienne. Il évoque également le droit, pour tout pays lésé par des sanctions économiques frappant un autre État, d’en notifier l’ONU aux fins éventuelles de dédommagement. Ou d’assouplissement, pouvant lui profiter, des sanctions en question. Ce qui pourrait inciter Beyrouth, au cas où les prosyriens y prendraient le pouvoir, à plaider le cas échéant pour un Damas sanctionné. À travers la Charte ? Oui, mais nécessairement d’abord à travers le tribunal. Relevons enfin que ce n’est pas le chapitre VII qui commande que l’instance en gestation ne peut plus comprendre de juges libanais.
Le chapitre VII ? C’est désormais pratiquement acquis. Côté Conseil de sécurité, Paris et Washington se sont déjà assurés, indiquent des diplomates, d’une majorité de dix voix sur quinze. En prime, Moscou et Pékin, qui ont épaulé antérieurement Damas, promettent de ne pas user de leur droit de veto et se contenteront de ne pas voter. Quant au régime Assad, il voit dans le recours au chapitre VII un casus belli, une déclaration de guerre franco-américaine. C’est ce que confirme un juriste de renom, qui a récemment discuté avec les Syriens. Comme la meilleure défense c’est encore l’attaque largement anticipée, il y a belle lurette que la Syrie a lancé sa riposte. Au Liban, comme on ne le sait, ou sent et ressent, que trop. Ses alliés du cru hurlent donc au loup, avec les loups. Clamant à qui mieux mieux...