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LE POINT Irak, an IV Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 20 mars 2007 à 00h00
« Un départ prématuré de nos troupes signifiera la relève par une armée irakienne mal préparée à une telle mission. Et l’Irak deviendra alors un sanctuaire pour les terroristes qui déstabiliseront les États voisins et s’attaqueront à nous. » Les téléspectateurs ont eu droit à cet étonnant aveu prononcé, il y a quelques jours, dans le cadre du programme This Week de la chaîne ABC, par un Stephen Hadley à la mémoire courte. Eh oui, son maître ne disait pas autre chose en 2004, quand il décrétait que « tout signe de faiblesse, tout retrait justifierait la violence terroriste ». Il est vrai qu’à cette même occasion, George W. Bush avait déclaré aussi : « Les divergences sur la guerre appartiennent au passé. » Ah bon ? Mais alors toutes ces manifestations, à la fin de la semaine écoulée, un peu partout dans le monde et jusque devant le Capitole, pour demander la destitution du président ainsi que « des crédits pour l’emploi et l’éducation et pas pour des opérations militaires »…
Il est loin le temps où le chef de l’Exécutif, debout en blouson de pilote sur le pont du USS Abraham Lincoln sous une bannière annonçant : « Mission Accomplished », proclamait la fin des opérations majeures. C’était le 1er mai 2003, une date encore présente dans toutes les mémoires. La suite aussi. Moins de six mois plus tard, le 13 décembre, à 20h30 heure de Bagdad, le même Bush invitait les Irakiens à se réunifier, après l’arrestation de Saddam Hussein, à rejeter la violence et à édifier une nouvelle nation. Il serait inutile, cruel même, d’aller jusqu’au bout de la litanie de déclarations lénifiantes qui ont émaillé les quatre années passées. Aujourd’hui, les sondages, impitoyables dans leur aridité arithmétique, révèlent un état d’esprit bien éloigné de toute euphorie. Ils sont plus de 60 pour cent les Américains à croire que l’expédition Shock and Awe fut une erreur, contre 23 pour cent au lendemain de son déclenchement et 34 pour cent seulement que cela en valait la peine (70 pour cent en 2003).
En octobre dernier, le quotidien USA Today publiait les conclusions d’une enquête de plusieurs semaines effectuées sur le terrain. Effarantes. On y découvre par exemple que plus d’un ressortissant US sur deux a un proche ou un camarade engagé sur les bords de l’Euphrate. Le black-out médiatique sur les pertes en vies humaines imposé par l’Administration républicaine est encore plus rigoureux que par le passé. On chercherait en vain trace des « body bags » sur le petit écran ou dans les colonnes de journaux. Mais on sait que le nombre de tués a dépassé le chiffre de 3 220 (3 500 en comptant les pertes des autres membres de la coalition) quand celui des blessés graves est de 24 045 et que l’hécatombe dans les rangs de la population civile se chiffre au bas mot à 60 000 morts. Tout autant que ce lourd bilan, c’est le coût de cette guerre absurde (au fait, y aurait-il des guerres intelligentes ?) qui ne laisse pas de scandaliser le contribuable : 505 milliards de dollars déjà engagés,100 milliards supplémentaires prévus pour l’année en cours et 140 milliards pour le prochain exercice. À quoi, on devrait ajouter 10 milliards qui se sont évaporés en cours de route, 1,4 milliard de surfacturation par l’omnipotent géant Halliburton, protégé par le vice-président Dick Cheney, et 10 milliards dilapidés en raison d’une bien commode et mauvaise gestion. Aussi, frémit-on en entendant le ministre du Plan, Ali Ghaleb Baban, réclamer pour Bagdad « un rôle accru dans le choix des projets et la répartition des crédits ».
En marge de cette comptabilité à faire pâlir d’envie le plus roué des consiglieri, il y a cette véritable honte que représente le scandale des prisons de Guantanamo et d’Abou Ghraib, ombre sanglante sur une certaine image de l’Amérique dans le monde. Et aussi le cas de ces terroristes, vrais ou faux, enlevés par des agents de la CIA, questionnés en secret ou bien confiés à polices spécialisées dans des méthodes d’interrogatoire tout aussi musclées. Passe encore si une telle mobilisation massive de moyens, d’hommes et d’argent avait eu pour effet d’accélérer dans le bon sens le cours des choses. Ce n’est pas le cas, pas encore du moins. Citant le général David Petraeus, nouveau commandant en chef du Centcom, le secrétaire à la Défense Robert Gates vient de laisser entendre que le renforcement des effectifs militaires pourrait ne pas produire d’effet avant l’été prochain. Et qu’en tout état de cause, l’un des résultats des opérations de pacification en cours pourrait être un déplacement du cycle de violence vers d’autres centres. Quant à Condoleezza Rice, elle n’a pu qu’inviter ses concitoyens à faire preuve de patience. Un appel repris quatre heures plus tard par Bush, qui a parlé de mois d’attente, sans pour autant évoquer une quelconque solution. Ses « Fellow Americans » apprécieront…
« Un départ prématuré de nos troupes signifiera la relève par une armée irakienne mal préparée à une telle mission. Et l’Irak deviendra alors un sanctuaire pour les terroristes qui déstabiliseront les États voisins et s’attaqueront à nous. » Les téléspectateurs ont eu droit à cet étonnant aveu prononcé, il y a quelques jours, dans le cadre du programme This Week de la chaîne ABC, par un Stephen Hadley à la mémoire courte. Eh oui, son maître ne disait pas autre chose en 2004, quand il décrétait que « tout signe de faiblesse, tout retrait justifierait la violence terroriste ». Il est vrai qu’à cette même occasion, George W. Bush avait déclaré aussi : « Les divergences sur la guerre appartiennent au passé. » Ah bon ? Mais alors toutes ces manifestations, à la fin de la semaine écoulée, un peu...