Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

LE POINT Au nom de l’atome Christian MERVILLE

On les croyait envoyés à la trappe par leur Ubu de maître. Voici que les néoconservateurs ressurgissent, plus dangereux que jamais avec leurs inquiétantes certitudes et leurs plans « infaillibles », destinés à éradiquer à la racine l’Axe du mal, incarné pour l’heure par la République islamique – mais, promis, juré, la Syrie ne perd rien pour attendre, la Corée du Nord non plus. Et le scénario, cette fois, ressemble à s’y méprendre à celui qu’ils avaient entrepris de servir à l’opinion publique, il y a près de quatre ans. Certains que les Iraniens sont sur le point de maîtriser les techniques nucléaires pour s’en servir à des fins militaires, ces incurables partisans de la manière forte ont déjà couché sur papier les grandes lignes de leurs plans. Une frappe nucléaire contre l’Iran, soutiennent-ils, achèvera de faire entendre raison aux rares pays qui hésitent encore à se placer sous l’ombrelle tutélaire de l’Oncle Sam. De plus, les dommages collatéraux seront limités et, dans la pratique, il n’y aurait à craindre aucune réaction d’envergure. À l’heure où le USS Stennis s’apprête à rejoindre dans le Golfe un autre porte-avions, le USS Eisenhower, où de nouveaux F-16 ont été envoyés en renfort à la base américaine d’Incirlik, non loin, d’Adana en Turquie, ainsi que des Awacs et des appareils de ravitaillement en plein vol, où des chapelets de missiles antimissiles Patriot vont être déployés tout au long des frontières iraniennes, les rumeurs se remettent à circuler, insistantes, sur l’aide fournie par les Iraniens aux insurgés en Irak. Mercredi, la chaîne de télévision CNN se faisait l’écho de nouvelles suivant lesquelles des pasdarans en uniforme de GI seraient impliqués dans l’attaque, le 20 janvier, d’un centre militaire US à Kerbala, et les militaires ont entrepris de répondre par avance à d’éventuelles critiques. L’amiral William Fallon, choisi pour succéder au général John Abizaid à la tête du Central Command, le quartier général qui dirige les opérations en Mésopotamie, a reconnu que Téhéran pourrait riposter en bouclant le détroit d’Ormuz, porte du Golfe, ce qui gênerait considérablement les mouvements des mastodontes de la flotte yankee, mais il s’est dépêché d’ajouter que cela bloquerait aussi les exportations de brut iranien. Asphyxie donc, financière à défaut d’être militaire. Pressé de questions par les membres de la commission sénatoriale des Affaires étrangères, John Negroponte a dû recourir à des contorsions sémantiques pour essayer de dire une chose et son contraire. Exemple de cet exercice de style : « Je dirais que nous avons l’ambition de résoudre nos problèmes avec l’Iran par des moyens pacifiques. Mais nous ne pensons pas que le fait de soutenir les extrémistes chiites en Irak doit rester sans réponse. » Au fait, quelqu’un a-t-il pris la peine de demander au nouveau patron du Pentagone pourquoi on avait nommé un marin à la tête des troupes qui se battent sur les bords de l’Euphrate, sinon pour diriger, demain, un blitzkrieg contre le pays voisin ? À Davos la semaine dernière, des hommes d’affaires de Bahreïn et des Émirats arabes unis, mais aussi le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, avaient mis en garde contre les retombées catastrophiques d’une telle initiative. En vain, semble-t-il. On l’a un peu oublié, mais dès le mois d’avril, le journaliste Seymour Hersh prédisait dans la revue The New Yorker que les États-Unis s’apprêtaient à lancer leurs B61-11, dotés de charges nucléaires, contre les sites de Natanz et Bouchehr. Le général Leonid Ivashov, ancien chef d’état-major de l’armée russe, va jusqu’à avancer une date, celle de fin avril, et se hasarde même à affirmer que, passés les premiers moments d’indignation un peu partout dans le monde, l’hystérie ne tardera pas à retomber. Une vision quelque peu simpliste, contestée par un universitaire de renom, le professeur Jorge Hirsch, pour qui un assaut américain portera un coup fatal au Traité de non-prolifération nucléaire, donnera le signal d’une course effrénée à l’arme absolue, hâtera la conclusion d’un accord Russie-Chine et suscitera un tel traumatisme au Japon que ce pays voudra mettre fin à ses relations privilégiées avec l’Amérique. Nul pour l’heure n’est allé jusqu’à aborder l’aspect proche-oriental de la crise à venir, mais il est loisible d’imaginer, sans verser dans le catastrophisme, un nouvel Armageddon à la frontière sud du Liban, à l’intérieur de l’Irak et, bien entendu, en Syrie. Avec la probabilité d’un effet boule de neige dans le reste de la région. À moins que – si vis pacem, para bellum, disait déjà Végèce – tout ce branle-bas médiatique et militaire ne soit destiné, en impressionnant l’adversaire, à éviter la confrontation. Y aurait-il là de quoi faire retomber le soufflé pessimiste qui achève dangereusement de lever ?
On les croyait envoyés à la trappe par leur Ubu de maître. Voici que les néoconservateurs ressurgissent, plus dangereux que jamais avec leurs inquiétantes certitudes et leurs plans « infaillibles », destinés à éradiquer à la racine l’Axe du mal, incarné pour l’heure par la République islamique – mais, promis, juré, la Syrie ne perd rien pour attendre, la Corée du Nord non plus. Et le scénario, cette fois, ressemble à s’y méprendre à celui qu’ils avaient entrepris de servir à l’opinion publique, il y a près de quatre ans. Certains que les Iraniens sont sur le point de maîtriser les techniques nucléaires pour s’en servir à des fins militaires, ces incurables partisans de la manière forte ont déjà couché sur papier les grandes lignes de leurs plans. Une frappe nucléaire contre l’Iran,...