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Actualités - OPINION

ANALYSE - La Syrie bloque les issues, à défaut du tribunal Ni vainqueur ni vaincu : une devise rare, difficilement monnayable Jean ISSA

Intervenant dans le dossier du Rwanda, le fameux juge français antiterroriste Bruguières inculpe Kagamé, le président rwandais, de l’assassinat de son prédécesseur en 94. Crime qui a provoqué des représailles tournant vite au génocide. Aux États-Unis, O.J. Simpson fait scandale, et recette, avec un ouvrage indiquant la manière dont il s’y serait pris s’il avait assassiné sa femme et son amant, ce dont il se défend. Imitant ce cynisme à peine voilé, Kagamé, tout en protestant de son innocence, affirme que même s’il avait été coupable, cela ne compterait pas en regard du massacre des Tutsis qu’il représente. Avis qu’en général, les Africains, dirigeants en tête, partagent, au nom de la stabilité du continent intérieur. Au Liban, le différend contenu sur l’armement du Hezbollah a tourné au conflit ouvert dès que l’on a mis le tribunal international sur la table. Pourquoi ? Parce que le régime syrien s’en effraie. Or la Syrie ne cesse d’apporter la preuve de sa capacité de nuisance et de déstabilisation, si ce qu’elle considère comme son intérêt vital était menacé. Bachar el-Assad l’a d’ailleurs clairement fait savoir à Amr Moussa : il n’est pas disposé à composer, sur la scène libanaise, tant que l’on continuerait à parler de tribunal pouvant mettre en cause ses lieutenants. En face, le mouvement du 14 Mars insiste pour un jugement complet. Au nom du sang des martyrs, de la vérité. Mais aussi pour défendre l’indépendance nationale contre un rétablissement partiel de la tutelle syrienne. Via, notamment, le tiers de blocage qu’exige le Hezbollah. Côté justice, un groupe de réflexion occidental, l’International Crisis Group, propose de ménager la chèvre et le chou. En soulignant qu’il faut certes que le tribunal siège. Mais avec des amendements de statut susceptibles de rassurer la Syrie. Notamment au niveau de l’article 3.2 qui traite de l’implication, comme de la responsabilité dont devraient être exonérés, selon l’étude, les supérieurs. Entendre les commanditaires de l’assassinat du président Hariri. Encore un pourquoi : Pourquoi le Hezbollah, que Saad Hariri dédouane dans l’attentat, met-il des bâtons dans les roues au sujet du tribunal ? La question n’est pas critique pour lui. Elle l’est par contre pour la Syrie, et ceci explique cela. En effet, le parti de Dieu, qui a sa ligne propre même régionalement, n’est pas, quoi qu’on en dise, un simple affidé de Damas. Il en reçoit cependant suffisamment d’aide, militaire et de passage d’armes, pour ne pas se risquer à la heurter de front sur un sujet aussi vital pour elle. Deux facteurs liés Cependant, les causes et les effets (qui s’invertissent souvent) de la crise libanaise ne s’arrêtent pas à l’affaire du tribunal. Tant s’en faut. D’abord, il y a le tableau purement local. Des clivages confessionnels évidents. Une collectivité éclatée, fragmentée en clans familiaux, sociaux, régionaux ou idéologiques. Une souveraineté qui reste de façade. Un déficit de crédibilité, et de force, étatique. Une gangrène, un carcan de corruption, etc. Ensuite, les bouteurs de feu, les contre-pompiers étrangers. Le Liban est un pion de jeu indirect commode pour les States, Israël, la Syrie et l’Iran. Ce que Khamenei résume avec franchise en déclarant que ce pays devrait constituer le site de la déroute de Washington dans la région. La guerre de juillet a d’ailleurs apporté une preuve supplémentaire du rôle d’essuie-pieds dévolu à ce malheureux Liban dans les empoignades régionalo-internationales. Dont les matches, du reste mélangés, entre l’Administration Bush et le régime syrien ; entre Damas et Tel-Aviv ; entre les États arabes sunnites prooccidentaux, Arabie saoudite en tête, et le chiisme iranien conquérant, également en lutte contre Washington. Dès lors, les deux volets, l’intérieur et l’extérieur, s’entremêlent étroitement. Au point que, nonobstant le Conseil des évêques maronites, une solution entre Libanais, entre Libanais seulement, semble impossible. La quadrature du cercle Et l’on en vient à l’attrayante formule des sages, comme de Amr Moussa : un règlement qui ne ferait ni vainqueur ni vaincu. Une équation mathématique qui offre l’avantage inestimable du moralement correct. Pour qu’il n’y ait pas, qu’il n’y ait plus, comme sous la tutelle syrienne, de discrimination, de frustration. Ni d’un sentiment, explosif une fois que l’on reste entre compatriotes, d’injuste spoliation politique, économique, culturelle, sociale ou même ethnologique. Mais en pratique, la devise ni vainqueur ni vaincu doit nécessairement jouer d’abord, puisque la solution ne peut être uniquement interne, au niveau de la lutte des axes extérieure. Et là, on reste très loin du compte. Ensuite, retour et arrivée case locale, il est entendu qu’il doit y avoir quand même un vainqueur : le Liban. Son indépendance face à la Syrie ou aux autres, son État souverain, sa loi, son pacte national. Que le Hezbollah veut faire réécrire, en exigeant un nouveau partage islamo-chrétien, 2/3-1/3. Et là aussi, on est loin du compte. Mais, malheureusement, près du compte à rebours.
Intervenant dans le dossier du Rwanda, le fameux juge français antiterroriste Bruguières inculpe Kagamé, le président rwandais, de l’assassinat de son prédécesseur en 94. Crime qui a provoqué des représailles tournant vite au génocide. Aux États-Unis, O.J. Simpson fait scandale, et recette, avec un ouvrage indiquant la manière dont il s’y serait pris s’il avait assassiné sa femme et son amant, ce dont il se défend. Imitant ce cynisme à peine voilé, Kagamé, tout en protestant de son innocence, affirme que même s’il avait été coupable, cela ne compterait pas en regard du massacre des Tutsis qu’il représente. Avis qu’en général, les Africains, dirigeants en tête, partagent, au nom de la stabilité du continent intérieur.
Au Liban, le différend contenu sur l’armement du Hezbollah a tourné au conflit...