Actualités - OPINION
LE POINT Erreur sur l’ennemi Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 14 décembre 2006 à 00h00
Les trois enfants d’un responsable des services de renseignements relevant de Mahmoud Abbas abattus sur le chemin de l’école ; le convoi motorisé du ministre de l’Intérieur pris dans une embuscade ; un juge de tribunal islamique assassiné, quarante-huit heures plus tard, alors qu’il se rendait à son travail. Puis, comme en un sanglant point d’orgue, policiers des deux camps s’affrontant à coups de rafales d’armes automatiques en plein centre-ville... Se trouvera-t-il quelqu’un pour dire aux Palestiniens qu’ils se trompent d’ennemi et pour leur rappeler qu’ils sont engagés dans un lent mais inexorable processus devant mener à un suicide engagé dès les années soixante-dix, quand, taillés en pièces par les chars de Hussein de Jordanie un certain Septembre noir, lâchés par le monde arabe tout entier, ils avaient cherché à ranimer, à partir du Liban – avec le succès que l’on connaît –, une flamme, celle de la résistance, qui commençait à vaciller dangereusement ? C’était l’époque, impossible de l’oublier, où Salah Khalaf, le sinistre Abou Ayad, proclamait sentencieusement que « la route de Jérusalem passe par Jounieh ».
Ce chemin, voilà-t-il pas maintenant qu’il emprunte les ruelles de Gaza. Et le fait que les tueurs fassent partie d’institutions tout ce qu’il y a de plus officiel n’est pas de nature à faciliter la recherche d’une solution à un problème qui n’a jamais cessé de se poser au pouvoir, depuis le célèbre : – « Qui t’a fait prince ? » – « Qui t’a fait roi ? » Écoutez l’un des responsables du Fateh, Hussein el-Cheikh : le carnage de lundi est l’œuvre de tueurs « très proches du Hamas, pour le moins qu’on puisse dire ». Lisez maintenant le communiqué dudit Hamas dénonçant « l’escadron de la mort, composé d’éléments suspects de la Sécurité préventive et du Fateh ». On comprend dès lors la fausse mansuétude d’Ehud Olmert, soudain disposé, vient-il de dire, à céder à ses ennemis jurés « tous les territoires nécessaires » – il est vrai que le Premier ministre israélien précise aussitôt qu’il devra s’agir de portions de sol devant former un pays « compact ». Ouf ! Le chef de ce parangon de toutes les vertus démocratiques qu’est le parti Israël Beitenou a dû respirer, lui qui craignait sans doute l’émergence à sa frontière d’un géant militariste arabe. Qu’Avigdor Lieberman se rassure : même croupion, un tel État n’est pas près de voir le jour. Les leaders palestiniens veillent personnellement au grain et plutôt une bienvenue atomisation de leurs rangs qu’une unité de mauvais aloi car susceptible de permettre enfin le retour d’une nation, et pas seulement de quelques vagues territoires.
On dira, à juste raison, que ces malheureux Palestiniens ne sont pas seuls responsables des malheurs qui s’abattent sur eux depuis cinquante-huit ans, avec une désespérante régularité ; que les Arabes, en leur insufflant à intervalles réguliers une infime bouffée d’oxygène, leur donnaient un brin de faux espoir ; que la communauté internationale elle-même n’a jamais été en reste sur ce plan-là, notamment depuis la chute de l’empire des glaces et l’accession des néoconservateurs yankees aux commandes du monde. Tout de même, Yasser Arafat et les siens d’abord, leurs successeurs ensuite y ont mis (et continuent d’y mettre) beaucoup du leur. Les bains de sang de Khan Younès et de Gaza City s’inscrivent dans la logique d’un implacable engrenage que rien désormais ne semble devoir arrêter. On a vu l’autre jour des policiers manifester, en uniforme, leur courroux parce qu’ils sont las d’attendre depuis des mois leur solde ; les hôpitaux sont à court de médecins, d’infirmiers, de médicaments, et les écoles d’enseignants. Ismaïl Haniyeh a dû s’en aller cette semaine à Khartoum quémander auprès de Omar al-Bachir 10 misérables millions pour boucher quelques trous dans un budget qui ressemble à une outre percée de toutes parts.
Lesté de ce bien léger viatique, le chef du gouvernement va écourter son séjour soudanais et regagner dès aujourd’hui jeudi la bande de Gaza. Auparavant, il a tenu à calmer les appréhensions de ceux qui craignent une guerre civile interpalestinienne. « Une telle expression n’existe pas dans notre dictionnaire ; elle est même contraire à notre culture », a-t-il lancé aux journalistes. Vraiment ? Ceux qui ont vu jadis les divers groupes de fedayyine s’écharper mutuellement dans les ruelles de Beyrouth n’en sont pas tellement convaincus Qu’importe, on connaît l’étrange puissance incantatoire prêtée aux mots dans le monde arabe. On verra un signe encourageant, le seul peut-être, dans le fait qu’aucun des deux camps (ou même les deux) n’ait pas encore accusé les Israéliens des carnages qui ponctuent la vie dans Gaza la sinistrée...
Messieurs les Palestiniens, vite une rectification de tir. Et pardon pour cette malencontreuse expression.
Les trois enfants d’un responsable des services de renseignements relevant de Mahmoud Abbas abattus sur le chemin de l’école ; le convoi motorisé du ministre de l’Intérieur pris dans une embuscade ; un juge de tribunal islamique assassiné, quarante-huit heures plus tard, alors qu’il se rendait à son travail. Puis, comme en un sanglant point d’orgue, policiers des deux camps s’affrontant à coups de rafales d’armes automatiques en plein centre-ville... Se trouvera-t-il quelqu’un pour dire aux Palestiniens qu’ils se trompent d’ennemi et pour leur rappeler qu’ils sont engagés dans un lent mais inexorable processus devant mener à un suicide engagé dès les années soixante-dix, quand, taillés en pièces par les chars de Hussein de Jordanie un certain Septembre noir, lâchés par le monde arabe tout entier, ils...